Autoroute A69 : Pourquoi Louna, femme transgenre, est détenue dans une prison pour hommes
![](https://1001infos.net/wp-content/uploads/2025/02/autoroute-a69-pourquoi-louna-femme-transgenre-est-detenue-dans-une-prison-pour-hommes.jpg)
Sur le papier, l’affaire semble simple. Ou tout du moins classique. Mi-octobre, Louna, une opposante au chantier controversé de l’autoroute A69, a été mise en examen et placée en détention provisoire pour destruction de bien d’autrui – elle est soupçonnée d’avoir participé à l’incendie d’une pelleteuse – et association de malfaiteurs. Là où le dossier se complique, c’est que la jeune femme de 25 ans, actuellement en transition de genre, est détenue à la maison d’arrêt de Tarbes, un établissement pour hommes. « Comme le milieu carcéral n’est pas adapté, ma cliente est depuis quatre mois placée en isolement judiciaire », précise son avocate, Me Claire Dujardin. Une décision prise « pour protéger l’intégrité physique du détenu », indiquait à l’automne la cour d’appel de Toulouse.
Lundi, une nouvelle audience était fixée devant le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse. Les espoirs de la jeune femme et de ses soutiens ont rapidement été douchés : le magistrat a renouvelé pour quatre mois son mandat de dépôt. Son avocate, qui a fait appel de cette décision, précise qu’une nouvelle audience est prévue mardi prochain. « La détention provisoire doit être l’exception. Or, là, on est dans l’exception de l’exception puisqu’elle est en plus à l’isolement », déplore Me Claire Dujardin.
« Nous n’avions pas la possibilité de la placer dans un établissement pour femmes »
La question de la détention des personnes trans n’est pas nouvelle. « Dans les établissements pénitentiaires, où les textes prévoient que « les hommes et les femmes sont incarcérés dans des établissements distincts ou dans des quartiers distincts d’un même établissement », l’affectation est très majoritairement déterminée en fonction du sexe inscrit à l’état-civil, bien que certaines directions se fondent plutôt sur le sexe anatomique », notait dans un avis officiel rendu en mai 2021 Dominique Simmonot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté. Or, ni l’un ni l’autre ne convient : dans un cas, il ne prend pas en compte les détenus n’ayant pas changé d’état civil ; dans un autre, ceux n’ayant pas été opérés.
Combien de détenus sont dans cette situation ? Impossible à dire puisqu’il n’existe pas de statistiques officielles. « Cette question illustre un aspect de la surpopulation carcérale, insiste auprès de 20 Minutes Dominique Simmonot. S’il y avait une personne par cellule en maison d’arrêt, on ne se poserait même pas la question d’isoler les personnes transgenres. »
Au tribunal de Toulouse, on se dit bien conscient des difficultés que pose cette incarcération. « Pour les besoins de l’enquête, nous avons estimé que la détention de cette personne était nécessaire », précise d’emblée une source judiciaire sans rentrer dans les détails des investigations. Dès lors, la situation est devenue inextricable. « Dans la mesure où c’est une personne qui a un état civil masculin et présente des attributs masculins, nous n’avions pas la possibilité de la placer dans un établissement pour femmes », insiste cette source. Le placement à l’isolement a été décidé par le juge des libertés et de la détention pour des questions de sécurité. « Cette décision fait écho aux inquiétudes exprimées par la jeune femme pendant l’audience », précise-t-elle.
A Fleury-Mérogis, un quartier dédié
En France, seule la prison de Fleury-Mérogis (Essonne) a un quartier dédié à l’accueil des personnes transgenres. Le reste du temps – comme c’est le cas pour Louna –, ces dernières sont isolées. « Cette incarcération est extrêmement difficile à vivre pour ma cliente, ses conditions de détention ne sont pas du tout adaptées à une détention longue », insiste l’avocate de Louna. Et de citer l’absence de contacts autres que les gardiens et quelques visites, une cellule particulièrement insalubre, sans douche, pas d’accès à la bibliothèque, à la salle de sport, aux formations…
Dominique Simmonot évoque pourtant la possibilité de mettre en place des solutions hybrides. « On peut tout à fait envisager de mettre en place une détention dans une maison d’arrêt pour femmes avec une cellule individuelle la nuit », insiste-t-elle. Et ainsi mettre un terme à l’isolement.