Belgique

Quelle nationalité constitue la plus grande communauté étrangère ? Voici où habitent les étrangers à Bruxelles (INFOGRAPHIES)

Où habitent les étrangers vivant à Bruxelles.
Où habitent les étrangers vivant à Bruxelles. ©Ibsa / Observatoire bruxellois de la santé et du social

Selon les données collectées par l’Institut bruxellois de statistique et d’analyse (Ibsa) et l’Observatoire de la santé et du social de la région bruxelloise et publiées cette semaine dans leur très riche zoom 2024 sur les 19 communes, ces populations étrangères ne vivent bien évidemment pas toutes de la même façon, ni dans les mêmes quartiers, pouvoir d’achat oblige.

Les deux institutions constatent également que la population bruxelloise est de plus en plus diversifiée, une évolution corroborée par les dernières statistiques de Statbel. Sur un plan général, près de 37 % de la population bruxelloise était étrangère au 1er janvier 2022. En dix ans, la croissance du nombre d’étrangers fut bien plus forte que la croissance globale de la population : +20,3 %, contre +7,4 %. Cette hausse de la population étrangère s’explique par un gain de population fortement lié aux migrations internationales. Cette importante présence étrangère se constate dans quasiment toutes les communes bruxelloises, avec de fortes divergences de nationalités selon les communes. Explications.

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La forte croissance des Roumains

Depuis leur adhésion à l’Union européenne en 2004, les Roumains sont de plus en plus nombreux à Bruxelles. Ils constituent la deuxième population étrangère derrière les Français. À partir 2004, leur présence “va croître de manière quasi exponentielle jusqu’en 2011”. Cela n’a pas cessé puisqu’entre 2012 et 2022, leur nombre a presque doublé : +192,1 %, soit 45 243 ressortissants au total.

C’est dans le nord-ouest de Bruxelles que leur présence a le plus crû, même si leur nombre a aussi doublé à Anderlecht, quasi doublé à Saint-Josse et Schaerbeek. Les Roumains se sont majoritairement établis dans les quartiers du croissant pauvre bruxellois, à l’ouest de la région : le centre d’Anderlecht et Cureghem, Koekelberg (Basilique), le Quartier Maritime, le vieux Laeken, Houba et Brabant. “L’immobilier, plus abordable que dans le reste de la Région et bien souvent locatif, semble y être le principal facteur attractif ainsi que, dans une moindre mesure, la proximité d’établissements religieux. Ils sont quasiment absents des quartiers périphériques, notamment du sud-est de la Région”, constate l’Ibsa.

Où habitent les étrangers vivant à Bruxelles.
Où habitent les étrangers vivant à Bruxelles. ©Ibsa / Observatoire bruxellois de la santé et du social

Les Bulgares concentrés dans le croissant pauvre

A contrario, les Bulgares, dont la population a elle aussi quasi doublé en dix ans, se sont bien plus concentrés sur Schaerbeek et Saint-Josse. Ils habitent essentiellement chaussée de Haecht et alentours (Brabant, quartier Nord, etc.), un quartier historiquement turc. Ils constituent d’ailleurs la première population étrangère de Schaerbeek, la deuxième de Saint-Josse.

Pourquoi cette hyperconcentration ? L’Ibsa a étudié la question en 2015. “D’une part, une grande partie des Bulgares à Bruxelles font partie de la communauté Rom, et plus précisément, des musulmans turcophones issus du nord-est de la Bulgarie. Leur connaissance de la langue turque compense leur méconnaissance du français, du néerlandais et de l’anglais. Pour éviter la discrimination subie par les Roms, tant à l’embauche que pour trouver un logement, ils se présentent comme étant turcs à leur arrivée dans la capitale. De ce fait, ils se concentrent aux alentours du lieu traditionnel d’entrée à Bruxelles pour les immigrants turcs et demeurent très dépendants de la communauté turque, tant pour le travail que pour le logement.” La situation n’a pas évolué depuis.

Où habitent les étrangers vivant à Bruxelles.
Où habitent les étrangers vivant à Bruxelles. ©Ibsa / Observatoire bruxellois de la santé et du social

Autre explication, “ces quartiers concentrent également de nombreux Bulgares turcophones ne faisant pas partie de la minorité Rom, qui travaillent pour la plupart dans des entreprises de rénovation de logements turcs”, expliquait l’Ibsa en 2015. “Dans les années 1990, ces petites entreprises en plein développement ont compensé le manque de main-d’œuvre d’une partie de la communauté turque en pleine ascension sociale en engageant de nombreux Polonais transnationaux. À partir de 2004 et de l’adhésion de leur pays à l’Union européenne, de nombreux Polonais ont pu régulariser leur situation de résidence et ont préféré se mettre à leur propre compte. Ils auraient alors été remplacés auprès des petites entreprises turques par des Bulgares turcophones non Roms.”

De nombreux Polonais sont rentrés chez eux

Après avoir fortement augmenté suite à l’adhésion à l’UE, le nombre de Polonais diminue dans la capitale. Entre 2004 et 2014, leur nombre a été multiplié par cinq. En 2012, ils étaient 22 875 à Bruxelles, soit quasi autant que les Roumains. Au 1er janvier 2022, ils sont 18 601, soit 2,5 fois moins que les Roumains. En 2015, l’Ibsa y voyait deux facteurs déterminants : “la distance entre la Roumanie et la Bulgarie et la Belgique étant nettement plus grande que celle entre la Pologne et la Belgique, la migration circulaire s’est nettement moins répandue. À cela s’ajoutent la faiblesse des réseaux d’entraide et le plus grand individualisme”. Tandis que “la situation socio-économique actuelle, tant en Bulgarie qu’en Roumanie, est moins bonne qu’en Pologne, et les perspectives ne sont pas plus réjouissantes. Pour ces raisons, les immigrations internationales des Roumains et des Bulgares vers Bruxelles ont un caractère plus définitif que celles des Polonais, qui envisagent plus fréquemment une migration de retour dans leur pays. Il est donc envisageable qu’une partie non-négligeable des Polonais soient retournés vivre en Pologne. Cela a pu contribuer à la baisse récente du nombre de Polonais.”

À Bruxelles, la présence polonaise s’est diluée sur l’ensemble du territoire régional au fil des années. Même s’ils privilégient le quartier européen (élargi à Etterbeek et à Schaerbeek), qui abrite de nombreuses institutions liées à la Pologne et plusieurs associations d’expatriés polonais, les Polonais résident également dans le haut de Saint-Gilles, aux alentours de la mission catholique localisée rue Jourdan et l’axe Anderlecht-Laeken. Pour autant, la majorité d’entre eux vivent dans le croissant pauvre et les quartiers périphériques de la région.

De 700 Indiens en 2000 à près de 8 000 en 2023, dont une grande part à Evere

La présence des Indiens à Bruxelles a commencé à croître de manière significative à partir de l’an 2000. À cette date, ils n’étaient que 700, à peine 1000 en 2012, près de 4 000 en 2016 et près de 7 800 en 2023. On les retrouve essentiellement à Evere (un quart de la communauté) et Etterbeek (autour du Cinquantenaire).

Pourquoi Evere ? Cette “commune est caractérisée par l’importance du secteur IT et par sa proximité à l’aéroport de Zaventem et aux zonings d’activités de Diegem”, notait l’Ibsa en 2017. “Cette évolution serait en lien avec le profil des migrants indiens, probablement des travailleurs recrutés dans les secteurs technologiques. Cette migration est fréquemment suivie d’un retour au pays.”

Près de 76 % de la population bruxelloise est soit étranger, soit d’origine étrangère

Au même titre que les Polonais mais pour une raison différente, le nombre de Marocains ne cesse de baisser à Bruxelles. Ils étaient près de 37 000 en 2012, ils sont 34 000 au 1er janvier 2022, selon les données de l’Ibsa. Cette diminution s’explique logiquement par l’acquisition de la nationalité belge.

Dans son zoom 2024 sur les 19 communes, l’Ibsa pousse plus loin l’analyse de la “diversité de la population bruxelloise”. Et constate une “surreprésentation de la communauté d’origine nord-africaine dans quasiment toutes les communes bruxelloises” à l’exception de celles du sud-est de la région. “Ainsi, un Anderlechtois sur cinq est d’origine nord-africaine”, note l’institut, qui se base sur “une comparaison entre le nombre d’habitants avec une nationalité étrangère à la naissance et le nombre d’habitants dont la nationalité actuelle est autre que belge”. À Berchem-Sainte-Agathe, 16 % de la population est d’origine nord-africaine tandis qu’à Molenbeek-Saint-Jean, 28 % de la population est née avec une nationalité d’Afrique du Nord. “Ainsi, il y a 4,4 fois plus de Molenbeekois nés avec une nationalité d’Afrique du Nord (27 247 personnes) qu’il n’y a de personnes avec la nationalité correspondante (6 143 personnes).”

Où habitent les étrangers vivant à Bruxelles.
Où habitent les étrangers vivant à Bruxelles. ©Ibsa / Observatoire bruxellois de la santé et du social

Plus largement, la population bruxelloise se diversifie de plus en plus au fil des ans. Selon Statbel, au 1er janvier 2023, 76,6 % de la population bruxelloise est soit étrangère soit d’origine étrangère. La population d’Afrique du Nord y prend la plus grande part : 27 %, soit un peu moins de 260 000 habitants. La méthode de Statbel intègre les Belges dont un parent est belge, l’autre étranger. Ce qui peut surprendre car ces personnes ont la nationalité belge, tout en ayant parfois une double nationalité. Elle reste néanmoins la plus fidèle à la réalité de terrain si l’on veut analyser la diversité belge, bruxelloise, etc.