Belgique

”L’envoi de troupes occidentales en Ukraine n’est pas aujourd’hui la priorité”

D’abord, il est évident que nous devons tout faire pour que l’Ukraine ne perde pas cette guerre. Si les démocraties ne s’entraident pas, ce sont les régimes autoritaires qui s’imposeront par la force et ce sera la fin des démocraties. Il est fondamental d’amplifier l’aide en Ukraine pour qu’elle puisse se trouver dans des conditions favorables en vue du retour du dialogue. Ensuite, il y a la question de notre propre sécurité. Si la Russie parvient à ses fins en Ukraine, on peut s’interroger sur sa volonté d’aller plus loin ou pas. Aujourd’hui, on n’a pas d’indication d’une menace imminente envers l’un des pays de l’Otan. Par contre, on est dans une guerre hybride. Ce qui veut dire que des cyberattaques, il y en a. De la désinformation, des tentatives de déstabilisation, cela se passe déjà aujourd’hui.

”Si la Russie défait l’Ukraine, elle attaquera certains pays de l’Otan et la guerre touchera la Belgique”

Les Ukrainiens sont en difficulté pour le moment sur la ligne de front. Ils ont besoin de plus de matériel, des munitions surtout. Est-ce que l’industrie européenne parvient à suivre ?

Il faut nuancer. Effectivement, la contre-offensive ukrainienne n’a pas eu les résultats escomptés, les Ukrainiens vivent des moments difficiles, mais il y a souvent des hauts et des bas dans une guerre et on voit que la ligne de front est stable. Il y a eu des petites avancées côté russe, mais au prix de combien de morts et blessés dans leur camp… ? On parle de 300 à 500 000 pertes. C’est énorme. En ce qui concerne l’industrie, oui, c’est un défi après des décennies de désinvestissements au niveau militaire dans beaucoup de pays. On reconstruit, mais cela ne se fait pas du jour au lendemain. En tout cas, l’industrie est au rendez-vous, elle a pris conscience de l’enjeu.

guillement

On est dans une guerre hybride. Ce qui veut dire que des cyberattaques, il y en a. De la désinformation, des tentatives de déstabilisation, cela se passe déjà aujourd’hui.

L’Ukraine commence aussi à souffrir d’un manque de combattants. Le président français, Emmanuel Macron, n’exclut plus la possibilité d’envoyer des troupes occidentales en Ukraine. On est loin d’un consensus à ce propos, mais pensez-vous que cela finira par arriver ?

Je pense qu’Emmanuel Macron a voulu prendre la température, mais aussi créer une certaine ambiguïté stratégique et de la dissuasion. Pour la Belgique, la priorité reste l’aide matérielle, ainsi que la formation et l’entraînement des militaires ukrainiens – on est à peu près à 2000 militaires formés par la Belgique.

Mais donc, pour l’envoi de troupes au sol, vous ne dites pas que cela n’arrivera jamais… ?

Je dis que ce n’est en tout cas pas aujourd’hui la priorité.

Le discours a beaucoup évolué en deux ans de conflit. Les Occidentaux disaient qu’ils n’enverraient pas de chars de combat. Il y en a eu. Pareil pour les avions de combat. Alors pourquoi pas des troupes ?

Il y a deux ans, on disait déjà que la Belgique n’est pas en guerre contre la Russie ou le peuple russe. On n’est pas partie au conflit. On est là pour aider un État souverain à se défendre. La crainte était et reste de se retrouver dans une confrontation directe avec la Russie, qui sera une porte ouverte à un troisième conflit mondial. C’est cela qu’on veut éviter. Lors de la réunion convoquée par le président Macron, ce qui a surtout été évoqué, c’est la possibilité de former les soldats ukrainiens sur leur sol plutôt que d’envoyer des troupes occidentales au front. Il n’y a pas eu de consensus là-dessus. Mais il faut comprendre que l’objectif de cette discussion, c’est la dissuasion : donner le signal que nous n’allons pas laisser tomber l’Ukraine. À un moment, Poutine doit comprendre qu’on sera toujours derrière l’Ukraine.