Belgique

Françoise Bertieaux: « La Fef crée l’illusion qu’il est possible de remettre la réforme du décret en question, mais c’est faux! »

Tous les étudiants devront respecter les règles du décret Paysage réformé d’ici la rentrée prochaine. Une pétition de la Fef demande sa suppression. Elle a recueilli 48 000 signatures. De quoi vous faire changer d’avis ?

Pas du tout. La démarche de la Fef est mensongère. Elle crée l’illusion qu’il est possible de remettre la réforme du décret en question alors qu’il n’en est rien. Aucun débat n’est à l’ordre du jour. C’est un vieux dossier, il est voté, d’application et aucun changement n’est d’actualité ! Ces nouvelles balises étaient absolument nécessaires pour les étudiants eux-mêmes. Je veux tordre le cou à certaines critiques non fondées. Auparavant, les étudiants avaient la possibilité d’emporter dans leur sac à dos des cours ratés, d’année en année, au risque de finir par abandonner sans le moindre titre ou diplôme. Les chiffres sont très clairs. On a enregistré moins de diplômés du bachelier en 3 ans sous le décret Paysage initial que précédemment, sous le décret Bologne. Dans les universités, la proportion d’étudiants qui ont décroché leur diplôme de bachelier en 3 ans est passée de 27,5 % (pour la cohorte 2011-2012) à 23 % (pour la cohorte 2015-2016). Dans les hautes écoles, elle a baissé de 27 % à 21 %. Les étudiants précaires qui étaient près de 19 % “à l’heure” en fin de bachelier, avant, n’étaient plus que 14 % dans ce cas sous le décret Marcourt. Les statistiques montrent également que 80 % des étudiants qui obtiennent entre 45 et 59 crédits en fin de 1e année n’arrivent pas à être diplômés en trois ans.

La Fef veut faire sauter l’obligation de réussir sa première année en deux ans

Connaît-on aussi le pourcentage d’étudiants qui ont réussi les 60 crédits de leur première année, l’année passée ? Et si non, pourquoi pas ?

Concernant l’année passée, les chiffres ne nous parviendront qu’en avril/mai, comme toujours, car ils doivent être pseudonymisés. Mais un gros travail est en cours pour mieux anticiper la collecte de ces données. Il y a des statistiques qu’on n’aime pas mettre en évidence : cela me dérange. On doit savoir dans quelle cour on joue, ce qui n’est pas toujours le cas. Néanmoins, les échos informels que nous recevons semblent faire état d’une amélioration du taux de réussite. À vérifier bien sûr.

Pourquoi est-ce si important d’être “à temps” ? Tout le monde n’a-t-il pas droit à l’erreur ?

Mais ce n’est pas le seul constat ! Le taux de diplomation général a également diminué, en particulier chez les étudiants de condition modeste ou précaire. On a constaté l’aggravation de la précarisation des étudiants ainsi que de nombreux abandons. Par ailleurs, le décret Marcourt a aussi provoqué une surcharge administrative pour les établissements due à la déstructuration complète du parcours des étudiants et une augmentation des coûts pour la Fédération Wallonie-Bruxelles à cause de l’allongement des études.

Est-ce en étant plus sévère qu’on va améliorer le taux de réussite et raccourcir les parcours ?

Il fallait absolument corriger certains effets pervers du décret. Le système d’accumulation des crédits qu’il permettait a induit une fausse idée de réussite. La réforme enlève l’incertitude et la charge cognitive importante qui pesait sur les étudiants. La notion de réussite n’est plus ambiguë mais bien clarifiée. Elle donne du feedback à chacun dès le début du parcours et favorise les réorientations rapides, le cas échéant. Sur le terrain, les retours que nous avons témoignent du fait que le stress ressenti s’avère pour de nombreux cas positif : le relèvement des attentes en matière de réussite rehausse les ambitions des étudiants vers le haut.

Françoise Bertieaux : « Les nouvelles règles permettent de faire comprendre plus vite à certains étudiants que les études, ce n’est pas pour eux »

En début d’année académique, on a entendu des étudiants se plaindre de devoir consacrer (et financer) toute une année pour un ou deux cours à valider. Qu’en pensez-vous ?

C’est lié à l’autonomie des établissements et au fait que les jurys ont récupéré le pouvoir qu’ils n’avaient plus dans le décret Marcourt. Ils ont récupéré leur rôle. Certains sont peut-être plus sévères que d’autres. Mais il faut en tout cas que les règles soient claires pour tout le monde. Les étudiants doivent savoir à quoi s’attendre en toute transparence.

La Fef qualifie les aides à la réussite de solution d’appoint. Mieux aurait valu, dit sa présidente, traiter le problème à la source et augmenter l’encadrement. L’organisation étudiante craint que les règles strictes excluront de nombreux étudiants. Que lui répondez-vous ?

Que les moyens dédiés à l’aide de la réussite pour les étudiants ont été renforcés. Le budget annuel dédié aux aides à la réussite a été augmenté de 6 millions d’euros par an. En 2024, ce sont plus de 116 millions qui y seront consacrés. Les établissements devront adopter un plan stratégique avant le début de chaque année. Ils auront aussi à se justifier des moyens déployés et ce, dès la fin de cette année 2023-2024. Et quand la Fef clame sur les réseaux sociaux que “pas un balle” n’a été donnée pour refinancer l’enseignement supérieur, je ne peux laisser dire ça alors qu’un refinancement à hauteur de 80 millions supplémentaires par an a eu lieu. Ce qui est énormément d’argent au vu de la situation financière de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Sans parler du refinancement des subsides sociaux, des bourses, etc.

”Ça fait peur” : la Fédération des étudiants francophones s’inquiète des conséquences des nouvelles règles de réussite

Lors d’un débat récemment organisé à l’UCLouvain devant des étudiants, des représentants de chaque parti politique ont été invités à se prononcer pour ou contre cette réforme du décret Paysage. Tous ont répondu contre, y compris la présidente des Jeunes MR, votre parti, et des députés de la majorité. Y a-t-il désaccord sur la question au sein du MR ou dans le gouvernement ?

Mais non. Concernant la position de certains députés, partenaires de majorité, je ne peux que déplorer lâcheté et démagogie devant un public d’étudiants… Quant à la présidente des Jeunes MR, je pense qu’elle a perdu pied, elle s’est fait piéger.

– > Toutes les informations sont disponibles sur le site mesetudes.be et de nouvelles séances d’information sur la réforme sont prévues d’ici fin avril.