Belgique

Défi : Abdullah Mohammad peut-il demander que l’on supprime du net ses anciens posts Facebook ?

La première question est de savoir si de tels propos relèvent ou non de la liberté d’expression. En effet, la liberté d’expression connaît plusieurs limites en Belgique dont l’incitation à la discrimination, à la haine, à la violence ou à la ségrégation, la diffusion d’idées fondées sur la supériorité raciale ou la haine raciale, le négationnisme. Si les propos d’Abdullah Mohammad sont considérés comme outrepassant ces limites, ils tomberaient dans le cadre du délit de presse, ayant été publiés publiquement sur Facebook (les propos tenus sur un réseau social ont beau être personnels, ils sont considérés comme publics dans bien des cas).

Dans notre pays, les délits de presse inspirés par le racisme, la xénophobie ou le négationnisme sont jugés par le tribunal correctionnel. Les autres délits de presse (à caractère non raciste ou xénophobe) doivent être jugés par une cour d’assises. Un tel passage devant une cour d’assises est extrêmement rare, bien que ce fut le cas en 2021 à Liège, alors que le détenu avait tenu des propos haineux et menaçants envers les femmes sur Facebook.

Pour autant, de tels écrits sont potentiellement pénalement répréhensibles en deçà d’une prescription de 5 ans, précise Maître Arnaud Vangansbeek du cabinet d’avocat Litiss. Abdullah Mohammad ayant rédigés ses propos il y a 13 ans, il ne risque en principe plus rien à ce niveau.

De tels propos pourraient également être jugés sur le plan civil, pour autant qu’ils ne dépassent pas le délai de prescription et qu’ils aient été portés au tribunal par une personne qui pourrait justifier avoir subi un préjudice, note Alain Strowel, professeur de droit à l’UCLouvain.

Sous la pression de plusieurs élus Défi, dont Sophie Rohonyi, le chef de cabinet de François De Smet fait un pas de côté

Le droit à l’effacement

Une autre question est de savoir si les personnes qui ont posté il y a un certain temps des blagues ou des propos antisémites (qu’ils n’assumeraient plus, par exemple) ont un droit à l’oubli ; c’est-à-dire que leurs propos disparaissent du net.

Il existe un droit à l’effacement (droit à l’oubli) qui est consacré dans le Règlement général sur la protection des données (RGPD), précise Aurélie Waeterinckx, porte-parole de l’Autorité belge de protection des données. “Celui-ci prévoit que, dans certains cas, la personne peut demander de supprimer ses données à un responsable du traitement des données. Ce droit s’applique, par exemple, quand vous demandez à un réseau social de supprimer votre compte.” Ce droit à l’oubli n’est cependant pas absolu, ajoute-t-elle : “Il ne s’applique pas si le traitement de données est nécessaire ‘à l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information’”.

Abdullah Mohammad semble avoir supprimé son compte Facebook. Peut-il, dans cet élan, demander que l’on supprime les articles qui reprennent le contenu de ses anciens posts ? Cette demande doit être contrebalancée avec le droit à l’information du public : dans ce cas, le droit à savoir ce qu’a pu dire une personnalité publique, précise Alain Strowel. La réponse ne serait donc pas spécialement favorable au chef de cabinet du président de Défi.

Pour autant, précise encore Aurélie Waeterinckx, “le caractère public des données personnelles disponibles sur les réseaux sociaux ne signifie pas que celles-ci perdent la protection conférée par le RGPD”. Autrement dit, “la personne qui réutilise une donnée publique (par exemple, en la publiant), doit donc respecter tous les principes du RGPD”. Dans ce cas précis, le droit à la liberté d’information du public sur ce qu’a pu dire Abdullah Mohammad doit être mis en balance avec le droit à la protection de ses données à caractère personnel.

Qui est Abdullah Mohammad, dont Olivier Maingain exige le licenciement ? “Il me dépeint comme un analphabète, mais il ne sait rien de mon passé”