« C’est un piège, un obstacle à l’autonomie financière des femmes »: Marie-Colline Leroy appelle à supprimer le statut de cohabitant
”L’autonomie financière des femmes est un enjeu majeur, commente Marie-Colline Leroy (Écolo), secrétaire d’État à l’Égalité des genres, qui a commandé l’étude. Il faut travailler sur plusieurs leviers. Notamment sur l’écart salarial, en lien avec la parentalité, puisqu’on voit que l’écart se creuse de plus en plus lorsqu’arrivent les enfants. Culturellement, les femmes sont encore celles qui réduisent leur temps de travail pour gérer la charge familiale. Dès le premier enfant, l’écart de taux d’emploi se creuse de 15 %, alors qu’il est identique lorsque le couple n’a pas d’enfant. À partir du troisième, le taux d’emploi des femmes chute de 25 %. Le temps partiel est majoritairement féminin avec 41 % des femmes salariées tandis que les hommes sont 12 % à y recourir.”
Si les femmes diminuent ainsi leur temps de travail, c’est pour prendre à leur charge le travail domestique, non rémunéré, lui, et dont on estime que sa valeur en Belgique serait de 180 milliards d’euros par an. Or, en cas de séparation ou lors du calcul de la pension, ce travail-là n’est pas valorisé. Le patrimoine des femmes est donc nettement moindre en bout de course.
Tous les parents ne sont pas égaux face au décès de leur conjoint : “Je me suis retrouvée sans rien. La cohabitation légale, c’est une arnaque !”
Contrôlées sur leurs dépenses et leurs revenus
Pour Marie-Colline Leroy, il faut mettre des éléments en place dès la mise en couple. “Quand un contrat de mariage est signé, par exemple, le partenaire ayant une plus petite santé économique doit être protégé. Les congés parentaux doivent aussi être mieux rémunérés. Et pour moi, il faut mettre fin au statut de cohabitant. C’est un piège, un obstacle à l’autonomie financière des femmes puisqu’elles perdent jusqu’à 50 % de leurs revenus de remplacement (allocations de chômage, revenu d’intégration social…) si elles en ont. Des femmes se retrouvent en situation où elles ne peuvent matériellement pas quitter leur compagnon, même si elles le voudraient.”
L’étude de l’EIGE pointe en effet un lien important entre le manque d’autonomie financière des femmes et le fait d’être obligée de rester dans un environnement familial toxique, voire violent. “Beaucoup de femmes victimes de violences conjugales sont aussi soumises à un contrôle excessif de leurs dépenses ou de leurs revenus. Pour les atteindre, on travaille sur la prévention et la prise en charge.”
À cette fin, les Centres de prise en charge des violences sexuelles (CPVS) sont en première ligne pour l’accueil des femmes victimes de violence. Au nombre de 10 en Belgique actuellement, – à Roulers, Gand, Anvers, Genk, Bruxelles, Louvain, Liège, Namur, Charleroi et Arlon – 3 autres devraient encore ouvrir dans les années à venir, à Mons, dans le Brabant wallon et dans l’arrondissement d’Hal-Vilvorde. “Quand une victime appelle à l’aide, la réactivité est essentielle, appuie encore Marie-Colline Leroy. Les magistrats et la police doivent être formés à gérer cela. On a développé par exemple un outil d’évaluation des risques du contrôle coercitif, qui permet au policier ou à la policière qui reçoit la victime d’analyser le niveau de risque de violence. Le cas échéant, des mesures peuvent être prises, comme mettre en place une alarme anti-rapprochement, ou contraindre un éloignement.”
Briser le plafond de verre
Pour la secrétaire d’État à l’Égalité des genres, si des solutions sont amorcées, le combat pour l’égalité entre femmes et hommes reste, encore aujourd’hui, indispensable. “Même si on a déjà beaucoup travaillé, on se rend compte qu’on s’attaque à une montagne. Le patriarcat est un système extrêmement solide. Dès qu’on obtient des évolutions ou des progrès, on voit fleurir des réactions extrêmement dures, réactionnaires et conservatrices. On l’a notamment vu autour de l’EVRAS, avec énormément de désinformation qui a circulé autour de ces formations. C’est la raison pour laquelle on a vraiment essayé de sécuriser tous les projets construits jusqu’ici, comme la loi dite ‘Stop féminicide’, pour éviter qu’ils puissent être détricotés à l’avenir.”
Et parmi les projets encore en discussion qui pourraient réduire les inégalités socio-économiques, l’adoption d’une nouvelle loi “Quotas” pour les conseils d’administration et les comités de direction est actuellement sur la table de la secrétaire d’État. L’objectif serait d’encourager les sociétés cotées en bourse à constituer leurs comités exécutifs avec un minimum d’un tiers de membres de chaque sexe. Pour les conseils d’administration des entreprises publiques autonomes et côtés, où ce quota d’un tiers est déjà applicable, l’intention serait de faire passer le seuil minimum à 40 % de représentants de chaque sexe. Objectif à terme : briser le fameux plafond de verre qui empêche la majorité des femmes d’accéder à des postes à haute responsabilité, et donc à un revenu plus élevé. Ce sera d’ailleurs l’une des très nombreuses revendications portées par les femmes qui sortiront dans la rue ce vendredi 8 mars.