Acquisition du Complexe Mohammed V : un ballon d’essai qui cache un feuilleton à rebondissements ?

Les faits, tels qu’ils ont été rapportés, sont clairs. Le 7 février 2025, la maire de Casablanca a reçu une lettre l’informant de l’intention de l’État d’acquérir les terrains concernés par les titres fonciers 5387/W, 33101/S, 20346/S et 17982/S, dans le cadre de la régularisation de la situation du complexe sportif. Le terrain, selon la lettre, serait affecté au ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement préscolaire et des sports, avec l’aval de la direction du budget du ministère de l’Économie et des finances. Une commission d’expertise avait même estimé la valeur du terrain à plus de 38,468 millions de dirhams, soit 400 dirhams le mètre carré.
La réponse de la maire, datée du 10 mars 2025, était sans équivoque : un refus catégorique. Elle a affirmé que la Commune n’avait jamais exprimé son intention de céder le complexe, qui fait partie intégrante de l’identité et de la mémoire de la ville. La maire a souligné que la commune n’avait pas été impliquée dans le processus d’évaluation du terrain, ni informée de l’existence de la commission d’expertise qui a fixé son prix. De plus, elle n’a ni sollicité, ni participé aux réunions de ladite commission. Elle a rappelé, par ailleurs, le caractère inaliénable du domaine public communal, dont fait partie le Complexe Mohammed V, en vertu de la loi n°57.19.
Le lendemain, le 11 mars, le directeur des domaines de l’État a réagi à la lettre de Nabila Rmili en annonçant que sa direction n’était plus intéressée par l’acquisition du complexe et que l’opération a été abandonnée. Cependant, il a tenu à souligner que la démarche avait été effectuée dans le respect des dispositions légales en vigueur, dans le but d’unifier la propriété du bâtiment et du terrain.
«On est tombé des nues !»
M. Nasrallah a également souligné les différences de cadre légal entre la municipalité et l’État, rappelant que toute cession est soumise à des procédures spécifiques. «Nos deux institutions sont régies par des textes de loi différents. Alors que pour eux, il s’agit d’une acquisition, pour nous, c’est une cession, soumise aux dispositions de l’article 57-19 de la loi sur les communes», explique-t-il.
Des enjeux sportifs et des interrogations
«Après la signature de la convention, nous avons été informés que l’investissement de 250 millions de dirhams était insuffisant pour réaliser ce qui avait été promis», précise-t-il, «De plus, la piste d’athlétisme qui a été conservée n’est plus homologable», déplore-t-il.
L’absence de la maire lors de la visite du président de la Fédération Royale marocaine de football (FRMF), Fouzi Lekjaa, au Complexe Mohammed V et l’annonce d’une date de fin des travaux ont ajouté à la confusion de la commune. «Et puis, il y a eu cette lettre !» s’exclame notre interlocuteur.
Une affaire qui dépasse les limites d’une simple direction régionale ?
Face à ces éléments, le deuxième vice-président du conseil de la ville se pose des questions sur les véritables motivations de la démarche de la délégation des domaines de l’État et sur l’éventuelle existence d’une stratégie plus large visant à centraliser la gestion des installations sportives sous l’égide du département des Sports. En tout cas, la commune de Casablanca se dit prête à collaborer à un projet national si celui-ci s’inscrit dans une stratégie claire de l’État. Cependant, elle ne manquera pas de réagir face à ce qu’elle considère comme des tentatives de «manipulation». Visiblement, le feuilleton du Complexe Mohammed V ne fait que commencer.