Une « loi Nahel » ? Un député propose de modifier le texte qui autorise les policiers à tirer

Pourra-t-on parler de « loi Nahel » ? Le 4 mars dernier, le parquet de Nanterre a requis le renvoi devant la cour d’assises du policier qui a tué l’adolescent de 17 ans le 27 juin 2023. Une semaine plus tard, le député socialiste du Nord, Roger Vicot, a déposé une proposition de loi visant à modifier la loi du 28 février 2017 sur la sécurité publique. Ce texte permet aux forces de l’ordre de tirer sur les occupants d’un véhicule « susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ».
L’ancien adjoint à la sécurité de la maire de Lille propose de modifier le 4e alinéa de l’article L. 435‑1 du code de la sécurité intérieure qui, selon lui, « pose problème », en précisant dans sa rédaction « les conditions de l’ouverture du feu en cas de refus d’obtempérer ».
Roger Vicot, qui n’a pas répondu ce mercredi aux sollicitations de 20 Minutes, suggère de remplacer « susceptibles » par « manifestement et de manière imminente ». Il estime, en effet, que la rédaction actuelle du texte « a pu apparaître dans certains cas comme une extension possible pour les policiers de leur marge d’appréciation quant à la possibilité d’ouvrir le feu ». L’idée lui est venue après avoir été le co-rapporteur, avec le député Renaissance Thomas Rudigoz, d’une mission d’information engagée après le décès du jeune Nahel lors d’un contrôle routier à Nanterre. Les deux parlementaires notaient dans leur rapport, présenté en mai 2024, que les refus d’obtempérer simples avaient augmenté de 33,7 % entre 2012 et 2022. Quant aux refus d’obtempérer aggravés avaient connu une hausse de 94,6 % sur la même période.
« Pas d’intérêt » pour Alliance
« La moyenne annuelle des tirs contre des véhicules en mouvement est incontestablement en hausse », soulignaient dans leur rapport Thomas Rudigoz et Roger Vicot. « Dans la police, elle est de 122 de 2012 à 2016 et de 156 entre 2018 et 2022, et dans la gendarmerie, de 32 et 41 tirs annuels en moyenne sur ces mêmes périodes ». Les deux élus remarquaient néanmoins que « depuis 2017, le nombre des tirs connaît une baisse : diminution de 32 % entre 2017 et 2022 au sein de la police, et diminution de 43 % au sein de la gendarmerie au cours de la même période ». Ils précisaient que « le nombre de tirs recensés contre les véhicules en mouvement représente moins de 1 % des refus d’obtempérer ».
Eric Henry, délégué national du syndicat Alliance, estime qu’il n’y a « pas de nécessité à toucher à cette loi ». « Les chiffres démontrent qu’il y a un usage extrêmement modéré » des armes à feu par les policiers qui les utilisent « lorsqu’il y a une nécessité », indique-t-il à 20 Minutes. La loi du 28 février 2017, qui a été votée après la vague d’attentats des années 2014 à 2016, ne constitue « pas un permis de tuer » pour les forces de l’ordre, assure-t-il. S’il n’est pas opposé à « tout changement sémantique qui optimiserait la protection juridique et réglementaire des collègues », le syndicaliste « ne voit pas l’intérêt » de changer le texte, comme le propose Roger Vicot. « Nous sommes extrêmement dubitatifs. Il ne faudrait pas rendre les choses plus floues. »
« Magistrats spécialisés à l’usage des armes »
« Les chiffres contredisent ceux qui parlent de permis de tuer », assure également à 20 Minutes Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat Un1te. « Il ne faut pas supprimer le texte ou le modifier mais juste le préciser, énoncer le risque encouru » pour le policier. Surtout, elle estime nécessaire de créer des « magistrats spécialisés à l’usage des armes ».
« Pour l’instant, les magistrats apprécient une situation a posteriori, en connaissance parfaite des faits. Leur appréciation va forcément être différente de celle du policier qui a agi dans un contexte dégradé, stressant. Ils sont déconnectés de la réalité du terrain. Il ne suffit pas de tirer dans les pneus ou sur le capot d’un véhicule pour l’arrêter. Ça, ça n’existe que dans Starsky et Hutch, il ne faut vraiment pas connaître les armes pour le dire. »