France

Marne : Que se cache-t-il derrière les mystérieux colis reçus par les habitants d’un village ?

Des factures, de la pub, des cartes postales et maintenant… des cadeaux ! Depuis la fin de la semaine dernière, les habitants de Courcy, un bourg à une dizaine de kilomètres de Reims (Marne), peuvent avoir des surprises en ouvrant leur boîte aux lettres. Vendredi, beaucoup ont ainsi découvert des sachets avec des graines à l’intérieur.

« Ça avait aussi commencé comme ça. Après, certains ont reçu des quads électriques en jouets, des ruches, une crêpière, des caisses de champagne, etc. », détaille Pascal Noblet. Le maire de Semoine (Aube) avait vécu à peu près la même expérience début 2022. Comme son confrère de Vouzy (Marne), un an auparavant. « Je ne veux pas en parler, ça n’a aucun intérêt », s’énerve même ce dernier, Frédéric Maillet, qui en garde aussi de mauvais souvenir.

Les deux élus étaient allés jusqu’à déposer plusieurs plaintes. Elles avaient été classées sans suite mais les mystérieux envois avaient cessé. « J’avais averti la population qu’il se cachait quelque chose derrière tout ça, reprend Pascal Noblet. Ça parlait de village en autonomie, où l’artisan du coin allait par exemple réparer gratuitement la toiture de son voisin. Puis ils voulaient aussi fédérer les communes alentour… »

« Un concept pour créer un truc bien »

Ils ? Deux hommes se cachent en réalité derrière cette démarche : Matthieu Faucher et Clément Frère. Deux « associés qui veulent que les habitants de ce village construisent un monde de demain meilleur avec un mode de vie nouveau », comme l’explique le second. Lui se définit comme « un sociologue » quand le premier est davantage le « mécène ». « J’essaie de créer l’étincelle pour que la société aille dans le bon sens », ajoute ce trentenaire qui a même théorisé son projet. Celui-ci a un nom, « Green Camp », ou le « Camp Vert ».

Dans un long mail adressé à 20 Minutes, il le détaille en treize chapitres. « Sa mission est d’établir une restructuration humaine et une unification, économique et sociale, de la vie associative, en tous genres ! […] Devenir une microville vitrine du monde de demain, dans l’union totale ! », est-il résumé au début, avant donc les nombreux points du programme. « On propose un concept pour créer un truc bien », insiste cet habitant de Reims, qui n’a pas choisi Courcy au hasard.

La commune porte, avec une société coopérative d’intérêt collectif, le projet « Microville 112 ». Soit la revitalisation de l’ancienne base aérienne 112. « Il y a plein de bâtiments, c’est une ville vierge. On pourrait servir de modèle à l’Europe », s’enthousiasme Clément Frère qui insiste sur la bienveillance de sa démarche. « On veut faire de belles choses mais il faut que la population se réorganise. On pourrait ensuite mieux vivre ensemble, faire des potagers ensemble, cuisiner, etc. »

« Un gourou »

Sur place, le ressenti de la maire n’est sensiblement pas le même. « J’ai déjà prévenu la sous-préfecture de cette situation extrêmement étrange », indique Martine Jolly, visiblement très énervée par les nombreux cadeaux déjà reçus. « C’est violent ce qu’il se passe. On est couverts de mails et de colis. C’est complètement incohérent, ils délirent tout seuls. »

Un sentiment pas très loin de celui ressenti par Pascal Noblet il y a trois ans. « Ce n’est vraiment pas une bonne nouvelle que ça recommence », reprend l’édile de Semenois. « J’avais vu des vidéos de ce Clément Frère où il parlait derrière un pupitre, de manière très froide. Il me faisait penser à un gourou. C’était malsain. »

« J’entends qu’on a réalisé des erreurs par le passé mais on essaie de les corriger. Si on a distribué des graines d’arbres à planter, c’est parce que la mairie ne nous avait pas répondu… Il faut que les gens arrêtent d’avoir peur », rétorque le cofondateur de « Green Camp », qui a déjà programmé d’autres envois. « Des livres pour créer une bibliothèque du monde de demain. » Les Courcyais n’ont a priori pas fini d’ouvrir leur boîte aux lettres. Sauf si… « Si on me demande d’arrêter, j’arrêterai », promet Clément Frère. « Mais pour l’instant, je n’ai pas entendu les habitants. » Seulement les différentes plaintes de leurs élus.