Les perspectives des relations Maroc-USA après la nomination de l’ambassadeur Duke Buchan III

La nomination de Duke Buchan III au poste d’ambassadeur des États-Unis au Maroc suscite un intérêt particulier, tant les relations entre les deux pays sont stratégiques et multiformes. Selon Yassine El Yattioui, expert en relations internationales, cette nomination pourrait bien marquer un nouveau tournant dans le partenariat entre les deux États. Les relations entre les États-Unis et le Maroc sont d’ores et déjà solides, reposant sur une coopération étroite en matière de sécurité, d’échanges commerciaux et de soutien diplomatique. Dans ce contexte, la nomination de Duke Buchan III, un diplomate proche des cercles républicains, pourrait avoir des implications importantes.
Un signal fort sur le plan politique et stratégique Selon M. El Yattioui, la nomination d’un ambassadeur proche des Républicains assurerait la continuité du soutien américain, notamment sur la question de la souveraineté marocaine sur ses provinces du Sud. «Le Maroc est un partenaire clé des États-Unis en Afrique du Nord et la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur les provinces du Sud en 2020 a renforcé davantage les liens bilatéraux», souligne l’expert. L’arrivée de M. Buchan pourrait donc être perçue comme un signal fort en faveur du Maroc sur cette question cruciale, ajoute-t-il.
Sécurité : une coopération renforcée
En matière de sécurité, le Maroc et les États-Unis collaborent activement dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Les exercices militaires conjoints, comme l’African Lion, témoignent de l’importance stratégique du Maroc dans la région. L’expérience diplomatique de Duke Buchan III en Espagne, un pays confronté à des défis sécuritaires similaires en Méditerranée, pourrait faciliter une coordination encore plus étroite entre les deux nations en matière de renseignement et de lutte contre ces menaces, explique notre expert qui est également professeur à l’Université Lumière Lyon II.
Économie : un potentiel à exploiter
Sur le plan économique, poursuit-il, la nomination de M. Buchan, avec son profil d’investisseur, pourrait stimuler les investissements américains au Maroc. Les États-Unis sont déjà un partenaire commercial important, grâce à un accord de libre-échange en vigueur depuis 2006. Cependant, le potentiel des échanges commerciaux reste important. Ainsi, l’arrivée de M. Buchan pourrait accélérer la mise en œuvre de projets économiques communs, notamment dans des secteurs prometteurs tels que les énergies renouvelables, avec un potentiel immense dans les provinces du Sud, les technologies, avec l’intérêt potentiel pour le programme Starlink d’Elon Musk, et l’industrie manufacturière, notamment dans la zone industrielle de Nador.
Entretien avec l’expert en relations internationales et professeur à l’Université Lumière Lyon II
Yassine El Yattioui : «Cette nomination pourrait signaler une inflexion stratégique des relations bilatérales, mettant davantage l’accent sur l’économie et les investissements»

Yassine El Yattioui.
Le Matin : Pourquoi selon vous la nouvelle Administration US a-t-elle choisi Duke Buchan III ?
Yassine El Yattioui :
La nomination de Duke Buchan III au poste d’ambassadeur des États-Unis au Maroc répond visibelement à la logique de trouver un profil qui allie expertise financière, proximité avec l’administration républicaine et expérience diplomatique. Diplômé en économie et en espagnol de l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, il a poursuivi un MBA à la Harvard Business School, ce qui lui a permis d’intégrer rapidement le monde de la finance. Il fonde en 2001 Hunter Global Investors, une société spécialisée dans la gestion d’actifs et les investissements internationaux, consolidant ainsi son statut d’homme d’affaires influent.
Sa nomination à l’ambassade des États-Unis en Espagne et en Andorre entre 2017 et 2021 sous l’administration Trump a marqué son entrée dans la diplomatie. Durant son mandat en Espagne, il a œuvré à renforcer les liens économiques entre les deux pays tout en développant des partenariats stratégiques dans les domaines militaire et sécuritaire. L’un des exemples les plus marquants est le renouvellement de l’accord sur la base militaire de Rota, située en Andalousie. Cette base stratégique accueille des forces américaines et joue un rôle clé dans les opérations de l’OTAN et la sécurité en Méditerranée. Sous l’administration Trump, des discussions ont eu lieu pour moderniser les infrastructures et renforcer la présence militaire américaine, consolidant ainsi la coopération entre les deux pays dans le domaine de la défense. Cette expérience lui a permis d’acquérir une connaissance approfondie des dynamiques géopolitiques méditerranéennes, un atout essentiel pour sa mission au Maroc.
Par ailleurs, M. Buchan est un fervent soutien du Parti républicain et un proche de Donald Trump. Il a financé plusieurs campagnes électorales et figure parmi les donateurs influents du parti. Sa nomination pourrait ainsi être perçue comme un choix stratégique pour poursuivre une diplomatie américaine en adéquation avec les priorités de l’administration républicaine, notamment en ce qui concerne le soutien aux intérêts économiques américains à l’international.
Quelles sont, selon vous, les perspectives d’évolution des relations entre les deux pays tenant compte de cette nomination ?
L’arrivée de Duke Buchan III pourrait marquer une nouvelle dynamique dans les relations entre les États-Unis et le Maroc, à la fois sur le plan diplomatique, économique et sécuritaire. Sur le plan diplomatique, il est possible que la position américaine sur le Sahara marocain soit réaffirmée avec une visite d’État de Donald Trump au sein du Royaume, voire une présence consulaire américaine dans les provinces du Sud. Une telle approche permettrait au Royaume de consolider ses acquis diplomatiques et d’accélérer le processus de reconnaissance internationale de sa souveraineté sur le Sahara.
En matière de sécurité, la coopération entre les deux pays pourrait être renforcée, notamment face aux menaces terroristes dans la région du Sahel. Le Maroc est un allié de longue date des États-Unis dans la lutte contre l’extrémisme et abrite un centre de formation dédié à la lutte antiterroriste. L’arrivée d’un ambassadeur ayant une compréhension fine des enjeux méditerranéens pourrait favoriser une plus grande implication américaine dans les efforts sécuritaires menés par Rabat.
Sur le plan économique, la nomination de M.Buchan pourrait donner un nouvel élan aux échanges commerciaux. Avec son expertise financière, il pourrait faciliter la venue de capitaux américains et inciter les entreprises américaines à investir davantage au Maroc. De plus, il pourrait travailler à moderniser certains volets de l’accord de libre-échange entre les deux pays avec un réajustement des accords de 2006 afin de le rendre plus attractif pour les investisseurs américains.
Par ailleurs, il ne faut pas négliger l’impact de cette nomination sur les relations entre le Maroc et l’Union européenne. L’expérience de M. Buchan en tant qu’ambassadeur en Espagne pourrait être mise à profit dans le renforcement de la relation entre Rabat et Bruxelles, notamment sur les questions commerciales et diplomatiques.
La nomination de M. Buchan, avec son expérience en tant qu’homme d’affaires et financier, marque-t-elle un éventuel changement d’orientation dans les relations bilatérales, en mettant davantage l’accent sur les aspects économiques ?
La nomination d’un homme d’affaires comme Duke Buchan III à la tête de l’ambassade américaine au Maroc pourrait signaler une inflexion stratégique des relations bilatérales, mettant davantage l’accent sur l’économie et les investissements. Le Maroc, en plein élan économique, cherche à attirer davantage d’investissements étrangers, notamment dans des secteurs stratégiques comme les énergies renouvelables, l’aéronautique et l’industrie automobile. La présence d’un ambassadeur ayant une forte expérience financière et une expertise en gestion de fonds pourrait permettre de développer des mécanismes facilitant l’accès des entreprises américaines au marché marocain.
L’un des axes majeurs de cette nomination concerne le rôle du Maroc en tant que plateforme régionale d’investissement. Le pays a développé des infrastructures de classe mondiale, comme le port de Tanger Med, et offre un climat des affaires attractif pour les entreprises étrangères. Les États-Unis, en quête de nouvelles opportunités en Afrique, pourraient utiliser le Maroc comme un point d’ancrage pour leurs investissements sur le continent. La présence de M. Buchan pourrait ainsi favoriser des initiatives économiques visant à renforcer les flux de capitaux américains vers le Maroc et, par extension, vers d’autres marchés africains.
Par ailleurs, la coopération entre les États-Unis et le Maroc pourrait s’intensifier dans les secteurs stratégiques tels que les énergies renouvelables, où le Maroc est un leader régional avec des projets d’envergure comme Noor Ouarzazate, l’une des plus grandes centrales solaires au monde. L’expérience de M. Buchan dans la gestion d’investissements pourrait faciliter l’arrivée de nouvelles entreprises américaines spécialisées dans les technologies propres, consolidant ainsi le rôle du Maroc en tant que hub de l’énergie verte pour l’Afrique et l’Europe. Il est possible que sa nomination ait un impact sur l’approfondissement des relations commerciales, avec la mise en place de nouveaux accords facilitant l’accès des produits marocains au marché américain. Les exportations marocaines vers les États-Unis restent encore limitées par rapport à leur potentiel, et un ambassadeur ayant une vision économique pourrait œuvrer à la levée de certaines barrières et à l’amélioration des conditions d’exportation pour les entreprises marocaines. Ainsi, l’arrivée de Duke Buchan III pourrait jouer un rôle clé dans la redéfinition des priorités de la coopération entre les deux pays, en mettant en avant les opportunités économiques et en renforçant l’intégration du Maroc dans les réseaux commerciaux américains.
Par ailleurs, la diplomatie économique est devenue un axe central de la politique étrangère américaine. La volonté des États-Unis de concurrencer la Chine et l’Union européenne en Afrique passe par un renforcement des investissements dans des pays considérés comme stables et économiquement dynamiques, tels que le Maroc. M.Buchan pourrait jouer un rôle clé dans cette stratégie en mettant en place des initiatives favorisant le développement du commerce bilatéral.
Ainsi, au-delà de l’aspect purement diplomatique, l’arrivée de Duke Buchan III pourrait marquer une montée en puissance des relations économiques entre Washington et Rabat, consolidant ainsi le rôle du Maroc comme hub stratégique pour les entreprises américaines en Afrique et au Moyen-Orient.