Suisse

Le palmier du Tessin victime de sa sexualité atypique

Vue de carte postale d'Ascona.


Le palmier chanvre figure souvent sur les cartes postales du Tessin, comme ici à Ascona.


WSL, Gottardo Pestalozzi

Le palmier du Tessin donne depuis des décennies un petit côté tropical au sud de la Suisse. Mais désireuses d’enrayer la propagation de cet arbre envahissant, les autorités l’ont interdit à la vente. La mesure n’aurait pu concerner que les plants femelles, mais la sexualité atypique des mâles a provoqué son bannissement complet.

Adoptée par le Conseil fédéral en mars dernier, l’ordonnance sur la dissémination dans l’environnement (ODE) est entrée en vigueur le 1er septembre. Celle-ci interditLien externe de vendre, d’importer ou même de donner 31 plantes exotiques invasives qui mettent en péril la flore et la faune locales.

L’interdiction touche des plantes jusqu’ici très appréciées par la clientèle des jardineries, comme l’arbre à papillons ou le laurier-cerise. Mais la mesure frappe aussi une véritable star parmi les plantes exotiques présentes sur le sol helvétique: le palmier du Tessin.

Les raisons de l’interdiction du palmier du Tessin dans le Téléjournal de la RTS du 17.08.2024:


Contenu externe

Un champion de l’invasion

«Mais il n’a rien de tessinois», tempère Antoine Jousson, auteur d’un travail de master sur cet arbre. Dans l’émission CQFD de la radio romande (RTS), ce spécialiste rappelle que son véritable nom est le palmier chanvre et qu’il est originaire de Chine. Présent dès la fin du 19e siècle dans les grandes propriétés bourgeoises, cet arbre s’est très bien acclimaté au Tessin, devenant même l’un des symboles de ce canton du sud des Alpes.

«La dispersion proprement dite a commencé au milieu des années 1970, précise Antoine Jousson. Des études ont démontré qu’il y avait un lien avec la hausse des températures.»

L’intégralité de la l’émission CQFD de la RTS consacrée à la sexualité du palmier chanvre:

résumeLien externe l’Institut fédéral de recherche sur la forêt, la neige et le paysage (WSL).

Une plante populaire

Au Tessin, le combat semble d’ores et déjà perdu. Désormais, le but est d’empêcher une propagation au nord des Alpes, même si certaines régions sont déjà touchées, notamment les rives du Léman et du lac de Zurich.

Mais le palmier n’a pas que des ennemis. Un sondage réalisé l’année dernière a montré que près de 60% des personnes interrogées avaient un jugement positif à son égard.

Populaires, les palmiers se vendaient donc bien dans les jardineries. Désireuses de maintenir ce commerce lucratif, celles-ci ont proposé de limiter l’interdiction de vente aux seuls plants femelles. Évoquée dans le cadre de la procédure de consultation relative à la modification de l’ODE, cette proposition était aussi soutenue par le canton de Zurich.

Sur le papier, la solution semblait d’une logique implacable. Chaque plant femelle pouvant disperser jusqu’à 100’000 graines par an dans la nature, les interdire aurait pu enrayer la reproduction de cet arbre.

Sexualité en évolution

Mais c’était sans compter sur les travaux d’Antoine Jousson et d’autres membres de l’équipe du Jardin botanique de Genève. Les recherches ont en effet montré que les plants mâles n’ont pas forcément besoin de plants femelles pour se reproduire.

«Le palmier chanvre et généralement présenté comme mâle ou femelle, mais on a découvert qu’entre 15 et 20% des individus peuvent changer de sexe, explique Antoine Jousson. Mâles en début de vie, ils ont la capacité de produire des fruits en fin de vie. Ce phénomène était déjà connu chez d’autres familles de palmiers, mais il n’avait encore jamais été étudié pour le palmier chanvre.»

«On est probablement dans une phase évolutive entre un système plutôt hermaphrodite, où il peut y avoir des mâles et des femelles sur un même plant et un système où les deux sexes sont séparés, ajoute Yamama Naciri, conservatrice du Jardin botanique de Genève. C’est non négligeable pour le phénomène d’invasion. Ça veut dire que les mâles sont autonomes et qu’ils peuvent tout seuls coloniser de nouveaux espaces.»

Après le débat sur le sexe des anges à Byzance, la Suisse s’est donc intéressée au sexe des palmiers. Mais cette fois avec des effets tangibles, puisque cela a débouché sur un bannissement complet du palmier chanvre des étals des jardineries, au grand dam de celles et ceux qui voulaient donner une touche exotique à leur jardin.

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