Tunisie

Tribune : Préserver l’image culturelle de la Tunisie et des JCC

Les Journées cinématographiques de Carthage, qui existent depuis plus de soixante ans, sont un élément clé de la diplomatie culturelle tunisienne. Lors de la cérémonie de clôture, il a été constaté que les jurys officiels n’ont pas pu monter sur scène ni annoncer les résultats en raison de décisions organisationnelles prises en dehors du cadre habituellement établi.

Par Ibrahim Letaief | Réalisateur-Producteur

En tant que réalisateur tunisien et membre d’un des jurys des Journées cinématographiques de Carthage 2025, je suis profondément attaché à la place de la culture dans l’image et l’influence de la Tunisie, tant au niveau régional qu’international. Les Journées cinématographiques de Carthage, qui existent depuis plus de soixante ans, ne sont pas seulement une simple manifestation artistique. Elles font partie intégrante de la diplomatie culturelle tunisienne, symbolisant le dialogue entre les cinématographies arabes, africaines et internationales, tout en témoignant du soutien continu de l’État à l’action culturelle. Je tiens à saluer le travail artistique réalisé par le directeur du festival et l’équipe d’organisation, qui ont su offrir une programmation de qualité, un accueil attentif aux cinéastes et un fort engagement du public, reflétant ainsi l’histoire et le prestige de cet événement.
Cependant, les incidents survenus lors de la cérémonie de clôture nécessitent, avec tout le respect dû aux institutions, une clarification institutionnelle. Il a été constaté que les jurys officiels, dont je faisais partie, n’ont pas pu monter sur scène ni assumer leur rôle lors de l’annonce des résultats, en raison de décisions organisationnelles et protocolaires prises en dehors des conventions habituelles. De plus, la cérémonie a été modifiée, et un prix qui ne figure pas dans le règlement officiel du festival a été introduit, rendant impossible l’exercice de nos responsabilités artistiques conformément aux règles en vigueur.
Face à cette situation, les jurys ont collectivement décidé de se retirer de la cérémonie de manière calme et responsable. Cette décision n’était nullement liée à un conflit personnel ou à une volonté d’escalade, mais plutôt à un souci de cohérence institutionnelle et de respect vis-à-vis du rôle indépendant que nous avons à jouer.
Ces événements, bien que conjoncturels, ont suscité une grande incompréhension au sein des milieux cinématographiques, tant en Tunisie qu’à l’international. Les Journées cinématographiques de Carthage attirent l’attention d’artistes, de professionnels et d’institutions culturelles du monde entier, pour qui la transparence des règles, l’indépendance des jurys et la stabilité du cadre institutionnel sont des critères essentiels de crédibilité. Quand le cadre d’organisation d’un festival de cette ampleur semble compromis, ou lorsque les instances artistiques sont marginalisées, cela nuit à l’image de la Tunisie en tant que pays respectueux de la culture, du droit et de la liberté de création.
Cette démarche ne vise en aucun cas à incriminer des individus spécifiques, mais à souligner, avec tout le respect nécessaire, l’importance de préserver une séparation claire entre décision artistique et autorité administrative, condition indispensable pour la pérennité de ce festival historique et pour la sauvegarde de sa réputation internationale. La protection des Journées cinématographiques de Carthage, le respect de leur règlement intérieur et la préservation de leur équilibre institutionnel ne sont pas qu’un enjeu sectoriel ; ils sont fondamentaux pour maintenir l’image de la Tunisie et sa place culturelle sur la scène mondiale.