Tunisie

Tribune – 65 ans après : retour sur les premiers Casques bleus tunisiens (1ère partie)

En juillet 1960, le secrétaire général des Nations unies devait faire face à la grave situation occasionnée par les émeutes et les actes de violence au Congo-Belge, à la demande du gouvernement congolais, une Force de maintien de la paix fut acceptée. La Belgique envoya, malgré l’opposition du gouvernement congolais, des parachutistes et d’autres unités d’élite pour rétablir la situation, alors qu’en moins de quarante-huit heures, des émeutes tribales se produisirent dans la capitale et en divers endroits du pays.


En juillet 1960, peu après l’annonce de l’indépendance du Congo-Belge, aujourd’hui République Démocratique du Congo, le secrétaire général des Nations unies fut confronté à des émeutes, une rébellion et des actes de violence ciblant des Européens pris de panique par la tournure tragique des événements. Afin de préserver la paix et la sécurité internationales, et à la demande du gouvernement congolais, il accepta d’envoyer une force de maintien de la paix dans le pays.

La Tunisie, sollicitée parmi une trentaine de pays non-alignés, accepta avec enthousiasme cette mission, malgré plusieurs défis :

1. La jeune armée tunisienne n’avait que quatre ans d’existence.
2. En raison de la guerre d’indépendance de l’Algérie, cette armée était presque entièrement déployée le long de la frontière tuniso-algérienne.
3. Les jeunes officiers, issus de la première promotion, manquaient d’expérience.

Situé au cœur de l’Afrique, le Congo est l’un des pays les plus vastes du continent. Traversé par un immense fleuve qui lui donne son nom, il est riche en ressources minières comme le cuivre, le cobalt, l’uranium et le diamant, ce qui attire l’attention des grandes puissances occidentales et de l’ancien bloc soviétique. Ces pays s’impliquèrent tant dans les affaires congolaises que les luttes internes pour le pouvoir perdurèrent dès le début de l’indépendance en juin 1960.

Historique, le Congo fut la propriété du roi belge Léopold II à partir de 1876. C’est sous la pression internationale, notamment britannique, que la Belgique prit formellement le contrôle de la colonie en 1908. Cependant, peu d’efforts furent faits pour émanciper la population, estimée à environ 15 millions en 1960, et à 30-40 millions aujourd’hui, en raison du manque de recensements fiables. L’absence de sentiment national n’était pas surprenante compte tenu des plus de deux cents tribus présentes dans le pays.

Le colonisateur ne contribua pas au développement du pays, laissant la population dans un état d’illéttrisme généralisé, faute d’éducation. Le colonisateur favorisa par ailleurs le tribalisme, ce qui entraîna des conflits internes où une partie de la jeunesse congolaise fut sacrifiée dans des guerres tribales.

Dans les années 1920, une élite alphabétisée commença à émerger dans les grandes villes, sans toutefois défier ouvertement le système colonial. Les troubles se multipliaient, culminant avec des incidents tels qu’une mutinerie en 1944 et des émeutes en 1945, sans que des mesures soient prises pour préparer une élite dirigeante.

La population urbaine doubla en quelques années, et en 1956, 22 % des Congolais vivaient en ville. La scolarisation augmenta rapidement, avec un taux de scolarité grimpant de 12 % en 1940 à 37 % en 1954. Toutefois, l’enseignement supérieur était inexistant et l’accès au secondaire très limité. En Belgique, un débat public proposa un plan d’émancipation graduelle sur trente ans, qui souleva des critiques et devint un catalyseur d’indépendance au Congo.

Les émeutes de Léopoldville en 1959, avec 49 morts et 290 blessés, entraînèrent un message du roi des Belges reconnaissant le droit des Congolais à l’indépendance, avec la condition d’une transition prudente. En novembre 1959, les dirigeants politiques congolais furent convoqués à une table ronde. C’est là que la date de l’indépendance fut fixée au 30 juin 1960.

Malheureusement, le Congo ne bénéficia pas d’une transition pacifique, et les élections donnèrent une majorité aux partis extrémistes, notamment celui de Patrice Lumumba. Les tensions se soldèrent par des violences qui justificèrent l’intervention militaire belge, marquée par la proclamation de la sécession du Katanga par Moïse Tshombé.

La République, avec Joseph Kasavubu comme président et Patrice Lumumba comme Premier ministre, connut bientôt des troubles. En moins de quarante-huit heures, des émeutes éclatèrent dans la capitale et le pays. La Force publique se mutina, chassant ses officiers européens, et commença à piller. Face à cette situation, la Belgique envoya des troupes pour rétablir l’ordre, malgré l’opposition du gouvernement congolais.

Dix mille soldats belges furent présents dans le pays, et la Force publique cessa pratiquement d’exister, tandis que Tshombé proclama l’indépendance du Katanga, une province vital pour le Congo. Le 11 juillet 1960, Lumumba sollicita l’aide des Nations unies pour rétablir l’ordre, étant donné les défaillances de l’armée nationale congolaise nouvellement formée.

En réponse, le secrétaire général des Nations unies, Dag Hammarskjoeld, après consultation du Conseil de sécurité, décida d’envoyer des Casques bleus. Une demande urgente fut adressée à plusieurs pays, incluant la Tunisie, pour l’envoi de troupes. Le représentant tunisien aux Nations unies, feu Mongi Slim, veilla à ce que les troupes tunisiennes soient les premières à arriver au Congo. (À suivre).

B.B.K.
Ancien sous-chef d’état-major de l’Armée de terre, ancien Casque bleu au Congo et au Katanga, ancien gouverneur.

N.B. : Les opinions exprimées dans ces tribunes n’engagent que leurs auteurs. Elles reflètent un point de vue personnel.