Théâtre : La Cloche d’Assem Bettouhami, immersion dans l’intime.
«La Cloche» de Assem Bettouhami, produite par le Théâtre national tunisien, a été présentée au 4e Art devant une salle archicomble. Dans cette pièce minimaliste, une table suspendue en forme de radeau est dressée au milieu de la scène à peine éclairée, où quatre personnages participent à un souper, confrontés à un incendie extérieur qui les empêche de quitter les lieux.
Une pièce au décor minimaliste : une table suspendue en forme de radeau trône au centre d’une scène à peine illuminée. Dans cet environnement, quatre personnages assistent à un souper, le dernier sans doute, évoquant « La Cène » de Léonard de Vinci.
La Presse — D’une grande qualité artistique, portée par quatre acteurs inspirés et une mise en scène sobre, « La Cloche » d’Assem Bettouhami a connu sa première au 4e Art devant une salle comble, suscitant de longues ovations de la part du public à la fin de la représentation. Produite par le Théâtre national tunisien (TNT), cette création introspective explore les mondes intérieurs de chacun des quatre personnages. Une quête existentielle rythmée par le son d’une cloche tout au long de la pièce.
« La Cloche » est donc une œuvre au décor minimaliste : une table suspendue en forme de radeau se dresse au milieu de la scène peu éclairée. Les quatre personnages se retrouvent autour d’un souper, le dernier sans aucun doute, rappelant « La Cène » de Léonard de Vinci. La maîtresse de maison, deux invités et un domestique muet, tenant une cloche, sont témoins des événements qui prennent une tournure dramatique lorsqu’un incendie éclate à l’extérieur, les empêchant ainsi de quitter les lieux.
Mohamed Chawki Khouja et Assem Bettouhami signent un texte puissant et d’une grande force poétique, évitant ainsi le piège d’une pièce trop intellectuelle ou abstraite. Le texte est énoncé par un narrateur en arabe littéraire, ponctuant le jeu des acteurs qui s’expriment en dialecte. L’œuvre traite du temps qui s’écoule et ronge l’individu tout en faisant écho à son passé traumatique. Les révélations et les non-dits, le personnel et l’historique, l’individuel et le collectif traduisent le vide et le passage du temps.
La performance des comédiens est exceptionnelle, en particulier celle de Sonia Zarg Ayouna, le seul rôle féminin, ainsi que Marwen Errouine, Abdelkarim Bennani et Ridha Jaballah, qui incarnent leur personnage avec passion et précision. Ils transmettent les tensions et aspirations des quatre personnages, pris dans une frénésie aussi menaçante que destructrice. Blessés et frustrés, ils sont confrontés à un terrible ennemi : eux-mêmes. Des êtres intérieurement vides qui laissent passer le temps sans que leur existence n’évolue.
Ce huis clos, désespérément humain et percutant, explore jusqu’à l’asphyxie les relations tendues entre des personnages piégés. Les voix et les gestes s’entrelacent dans une montée de tension. La pièce ausculte les lieux intimes de chacun autour d’une table où le repas se transforme en règlements de comptes.
La mise en scène est maîtrisée et la chorégraphie, intégrée, ajoute une dimension dynamique à la pièce, créant une polyphonie de gestes que Marwen Errouine exprime par ses mouvements corporels en réponse à la parole de ses partenaires comédiens.
La musique de Héni Ben Hamadi instaure une ambiance mystique, notamment à travers le chant a cappella d’Abdelkarim Bennani. Ce dernier, tourné le dos au public, entonne un chant soufi saisissant qui accompagne la plongée dans l’intimité de ces personnages en déchéance. À travers leur malaise et l’emprise du temps sur eux, ils sont profondément affectés par leurs propres contradictions. « La Cloche », œuvre à la fois philosophique et poétique, incite à réfléchir sur le sens à donner à la vie et au temps qui s’écoule.

