Tunisie

Spéculation : Les requins du marché en 2023

Il reste un vide qui sépare le producteur du consommateur, occupé par les spéculateurs qui ont presque tout pris en main. La production de dattes, comme celle de l’huile d’olive, a atteint un seuil où il est temps d’ouvrir les portes à ceux qui voudraient innover et s’intégrer dans le circuit commercial.

Marché 26 09 2025

Un fossé désolant existe entre le producteur et le consommateur. Ce vide est rapidement comblé par des spéculateurs qui contrôlent désormais presque tout.

La Presse — Cette situation s’est installée pour au moins deux raisons.

Ces spéculateurs disposent de liquidités. Face au coût élevé de la cueillette, de la main-d’œuvre et des moyens de transport, de nombreux producteurs préfèrent vendre leurs récoltes sur pied, encaisser rapidement et honorer leurs engagements, qu’il s’agisse d’un mariage ou d’autres dépenses importantes.

Cette préférence est, reconnaissons-le, assez compréhensible.

Ensuite, l’inefficacité des organisations chargées de structurer, dynamiser et soutenir ce secteur stratégique des dattes, qui revêt une importance croissante, aggrave le problème et compromet sa durabilité.

Ces entités se sont transformées, non pas en outils d’action et de promotion, mais en fardeaux pour l’État, et constituent une calamité pour les producteurs. Elles sont trop souvent synonymes de bureaucratie, avec un fonctionnement rigide et dépassé, plutôt que d’une gouvernance efficace favorisant l’initiative et la créativité.

Cela engendre des blocages. Le dialogue devient difficile, le doute s’installe et la peur se propage, laissant place à un désenchantement généralisé.

En face, des acteurs attendent, une liasse de billets en main. De puissants opérateurs, bien organisés, assurent l’essentiel des exportations et approvisionnent une partie du marché local. Leur présence est cruciale, mais elle ne suffit pas à régler les problèmes existants.

Il existe toujours ce fossé, laissant les spéculateurs dominer presque tout. Ils imposent les prix, déterminent les moments de mise sur le marché et la quantité de produits disponibles.

Situation actuelle

Actuellement, des dattes provenant de la campagne précédente sont mises en vente, bien que certaines soient récemment récoltées. La couleur des branches témoigne d’un stockage prolongé, suggérant une vente à un prix attractif pour ceux qui ne distinguent pas la qualité.

Même les grandes surfaces commercialisent ces dattes dans des caissettes bien présentées, à des prix qui s’approchent de ceux des produits de première fraîcheur. L’ampleur de cette offre aurait pu réguler les prix et permettre à de nombreux consommateurs de bénéficier des bienfaits nutritionnels de ce fruit recommandé par les experts.

Des discussions émergent à nouveau autour de la nécessité de créer une structure de gestion pour prendre en main ce secteur et permettre aux producteurs de tirer profit de leurs efforts.

Ces structures existent déjà, mais elles sont souvent trop discrètes pour être efficaces ou ont dévié de leurs missions initiales.

Manque de créativité

Les producteurs semblent se concentrer uniquement sur ce qu’ils prévoient de gagner à la fin de la récolte, faisant preuve d’un manque d’imagination. Pourquoi ne pas envisager la création d’une unité de valorisation des dattes entre quelques producteurs ?

Une coopérative citoyenne, gérée directement et utilisant une main-d’œuvre locale, pourrait élaborer des dattes farcies aux fruits secs, présentées dans un emballage attrayant, destinées aux nombreux visiteurs du sud.

Des clients pourraient être tentés d’acheter ces produits pour leur présentation et leur saveur, ce qui constituerait une valorisation significative. En Turquie, par exemple, un joli coffret contenant des Rahat Loukoum colorés incrustés de fruits secs attire les acheteurs par sa présentation.

Pour améliorer notre offre de dattes et sortir des sentiers battus, des initiatives de ce type sont nécessaires. Cela représenterait une valeur ajoutée pour les producteurs, leur permettant de passer d’une campagne à l’autre tout en générant de l’emploi et en rehaussant l’image d’un secteur qui reste timoré face à la spéculation.

Éviter le monopole

Par exemple, en plus des millions de touristes ayant visité le pays, La Goulette a récemment accueilli un paquebot transportant près de trois mille passagers. Hormis les objets artisanaux, combien seront susceptibles d’acheter des fruits locaux joliment présentés et peu encombrants ?

Dans ces secteurs clés de notre économie, qu’ils soient agricoles ou industriels, nous demeurons trop souvent passifs et manquons de créativité, alors que nos jeunes regorgent d’idées.

Notre production de dattes, tout comme celle de l’huile d’olive, a atteint un seuil où il est temps de laisser de l’espace à ceux qui souhaitent innover et s’intégrer pleinement au commerce.

Il est primordial de leur offrir cette opportunité et d’éviter toute forme de monopole. Nous avons tendance à privilégier des structures lourdes pour diriger des secteurs nécessitant rapidité et efficacité, ce qui engendre des entités dont le contrôle devient problématique, se transformant en un fardeau.

Il est essentiel de ne pas oublier que la plupart des systèmes actuellement en place ont été conçus et imposés par ceux qui souhaitent maintenir le contrôle exclusif. Quel est le point de situation concernant l’allégement des cahiers des charges et la libéralisation des initiatives destinées à stimuler l’emploi ?

Espérons que la sagesse finira par l’emporter, car dans de nombreux secteurs, le conservatisme prévaut encore et nous gaspillons un temps précieux.