Tunisie

Santé et sécurité au travail : Évaluation des risques professionnels en préparation

La ratification, par la Tunisie, de la Convention internationale numéro 187 du Bureau international du travail (BIT) met le pays face à des défis législatifs et stratégiques concernant la santé et la sécurité au travail (SST). L’Institut de santé et de sécurité au travail (ISST) organise, depuis hier et jusqu’à aujourd’hui à Tunis, un atelier sur « L’évaluation des risques professionnels : vers un cadre législatif renforcé en Tunisie », sous le patronage du ministre des Affaires sociales.

La Tunisie, ayant ratifié la Convention internationale numéro 187 du Bureau international du travail (BIT), doit relever plusieurs défis législatifs et stratégiques. Il est désormais inacceptable d’ignorer les faiblesses du système de santé et de sécurité au travail (SST). La priorité est d’établir une politique et un programme nationaux visant à améliorer constamment ce système. Une révision de l’arsenal juridique est également nécessaire pour le mettre au niveau des normes internationales.

La Presse — L’Institut de santé et de sécurité au travail (Isst) organise, depuis hier jusqu’à aujourd’hui à Tunis, un atelier sur « L’évaluation des risques professionnels : vers un cadre législatif renforcé en Tunisie ». Cet événement est sous le patronage du ministre des Affaires sociales et se déroule en collaboration avec l’Instrument d’assistance technique et d’échange d’informations (Taiex) de l’UE.

« Notre objectif est de discuter des mécanismes d’évaluation des risques dans le cadre de la mise en place du projet de la stratégie nationale en matière de santé et de sécurité au travail (SST). Nous travaillons à intégrer une démarche d’évaluation des risques professionnels lors de la mise à jour de la législation et de la réglementation nationales.

Il est crucial de se familiariser avec et d’analyser les expériences internationales en matière d’évaluation des risques professionnels, tout en engageant un dialogue avec des représentants d’entreprises tunisiennes pour identifier les atouts et les faiblesses de l’évaluation des risques. Enfin, il est essentiel de définir des recommandations et de veiller à leur mise en œuvre par les comités législatifs au sein du ministère des Affaires sociales », explique M. Houssine Baccouche, chargé de mission auprès du ministre des Affaires sociales pour le dossier santé et sécurité au travail (SST).

Il a également souligné que depuis l’Indépendance, la Tunisie a établi des structures de SST, tels que l’Institut de santé et de sécurité au travail (ISST), l’Inspection du travail, la médecine du travail et la direction de prévention des risques professionnels auprès de la Cnam, ainsi qu’un cadre juridique et réglementaire, jugé performant lors de la publication du code du travail en 1966.

« Les accidents de travail avaient considérablement diminué. Cependant, avec l’évolution industrielle et l’apparition de nouvelles maladies professionnelles comme les troubles musculo-squelettiques et les maladies liées à l’utilisation de produits chimiques — impactant particulièrement les travailleurs, notamment dans l’agriculture où la majorité sont des femmes, et avec l’émergence des risques psycho-sociaux — il est impératif d’améliorer et d’actualiser le système pour répondre aux exigences en matière de santé et de sécurité au travail ».

Ainsi, le ministère est engagé dans l’élaboration d’une stratégie axée sur la mise à jour de l’arsenal législatif, le développement des structures nationales, dont les services de médecine du travail présents dans tous les gouvernorats, ainsi que la décentralisation de la SST par la création d’unités spécialisées dans chaque district pour garantir le droit à la SST pour tous les travailleurs, y compris les femmes rurales.

« À travers cet atelier, notre but est de commencer à élaborer un document tunisien sur l’évaluation des risques professionnels. Cet outil est essentiel pour aider les entreprises à développer des programmes adaptés à leurs besoins. Lors de cette première journée, nous ferons un état des lieux de la santé et sécurité au travail du point de vue législatif, structurel et préventif.

La seconde journée sera consacrée à des travaux de groupes, qui s’appliqueront à établir la première ébauche de ce document. Ce dernier se caractérisera par une version numérique afin d’améliorer la collecte et l’actualisation des données », explique le Dr Sonia Fehri, chargée par intérim de la direction générale de l’ISST.

Forces et faiblesses

En ratifiant les conventions 155 et 187 du BIT, la Tunisie doit se conformer aux principes de ces deux textes internationaux en élaborant une politique nationale de SST, en procédant à l’évaluation périodique des risques professionnels et en mettant en place les structures nécessaires.

Cependant, bien que le système existe à travers une législation spécifique, des mécanismes et une plateforme structurelle active, il manque, en revanche, une politique et un programme nationaux de SST. Pour cela, il est primordial d’établir un profil national en SST en mettant en place un outil de diagnostic pour inventorier les risques professionnels et les besoins en SST », indique le Dr Lotfi Mahjoub, directeur général de l’Inspection médicale et de la sécurité au travail.

L’année 2023 a été marquée par la ratification de la Convention 187 et a conduit à une série de réunions avec les divers acteurs du secteur. Ces réunions ont permis de mieux définir le profil national de la SST, notamment en identifiant les forces et les faiblesses du système. Le verre à moitié plein consiste en l’engagement de tous les acteurs, la pérennité du système et l’existence d’une plateforme structurelle et d’un cadre législatif.

En revanche, le verre à moitié vide révèle d’importantes lacunes : la législation est obsolète, les sanctions sont dérisoires, plafonnées à seulement cinq mille dinars, le secteur de l’agriculture, de la pêche et le secteur public ne sont pas couverts par le SST ; la coordination entre les différentes structures est insuffisante, la qualité des services est faible et il existe une disparité régionale importante.

Le Dr Mahjoub met également en avant la pénurie de ressources humaines qualifiées, notamment d’ingénieurs, de médecins du travail et de personnel spécialisé dans l’assistance technique. « Les normes techniques ne couvrent pas tous les domaines professionnels et le système de collecte des données est défaillant.

La gestion intégrée des maladies de travail constitue un frein à la prévention primaire. Il convient également de souligner les moyens très limités du système », a-t-il précisé. Malgré les défis considérables auxquels la Tunisie est confrontée en matière de SST et les lacunes à combler, des opportunités notables existent, et certains aspects positifs peuvent être renforcés.

La lutte contre les disparités sociales et les accords d’investissement signed pour améliorer les conditions de travail et généraliser le principe du travail décent ouvre la voie à l’alignement sur les normes internationales, telles que définies dans les conventions 155 et 187.

Focus sur l’expérience italienne

Pour comprendre les expériences internationales en matière de SST, M. Pio Angelico Carotenuto, représentant du ministère du Travail et des politiques sociales d’Italie, a présenté le système européen de promotion de la santé et de la sécurité au travail, en prenant l’exemple italien.

Tout comme la Tunisie, l’Italie a ratifié la convention 187 en 2023. Cependant, l’Italie avait déjà mis en place les bases d’une politique nationale de SST conforme aux normes internationales, fondée sur le principe de la bonne gouvernance, le dialogue social, une coordination structurelle efficace ainsi qu’une approche préventive anticipative pour minimiser les risques professionnels tant dans les secteurs public que privé.

« L’UE mise sur l’actualisation régulière des principes et normes de SST conformément aux nouvelles exigences, notamment la numérisation. Actuellement, nous sommes dans le cadre du quinquennat 2021/2027 », a précisé M. Carotenuto. L’arsenal juridique italien en matière de SST comprend 81 textes de loi, 306 articles et 51 décrets, en accord avec les directives de l’UE.

La stratégie italienne repose également sur un plan de prévention professionnelle et un document d’évaluation des risques. « Il est important de mentionner que l’évaluation des risques sanitaires au travail concerne tous les aspects de la santé, y compris la santé physique, psychologique, sociale et même spirituelle.

Le confort social au travail dépend de l’engagement des dirigeants et des employés. Pour garantir l’efficacité du système de SST en Italie, des commissions spécialisées s’assurent de mener des consultations régulières sur les politiques en place et de contrôler l’application des lois ».