Tunisie

Observations critiques sur la « comparution à distance » de l’article 141 bis du code de procédure pénale

1) L’article 141 bis – qui prévoit la comparution à distance au moyen des communications audio visuelles – a été ajouté au Code de procédure pénale par décret-loi du Chef du gouvernement (Fakhfakh) n° 2020-12 du 27 avril 2020. Ce texte a été pris dans un contexte de lutte contre la pandémie du COVID-19 « en vue de lutter contre la propagation du coronavirus et d’assurer le fonctionnement régulier des services vitaux ».

2) Ce décret-loi est aujourd’hui de nul effet juridique. Il est caduc en raison de sa durée de vie limitée, conditionnée de surcroit, par son texte d’habilitation, à la ratification de l’ARP, laquelle n’est jamais intervenue. Celle-ci devait avoir lieu dans un délai de dix jours (10 jours) à compter de l’expiration de la période de deux mois ( 2 mois) à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi d’habilitation, loi de référence, soit, au plus tard, le 22 juin 2020.

3) Le défaut d’approbation par l’ARP retire toute valeur juridique au décret-Loi (devenu Art. 141 bis on ne sait par quel hasard). Il est un acte juridiquement « inexistant » en ce qu’il intervient, en tant que simple acte administratif, dans un domaine réservé à la loi, protégé par la constitution.

4) L’Art. 141 bis accorde l’initiative de la comparution à distance à un acteur, exclusif de tout autre : 1) Le tribunal de sa propre initiative, ou encore, le tribunal à la demande du ministère public ou du prévenu incarcéré. Aucune autre autorité, fut-ce la ministre de la justice, ne dispose de ces attributions et compétences. Elle ne peut se parer de l’autorité du ministère public que pour demander au procureur de la république d’exercer l’action publique.

5) Dans tous les cas, pour être légale, la décision d’une comparution à distance au moyen des télécommunications, doit remplir deux conditions cumulatives : recueillir l’avis du ministère public et l’accord du prévenu.

6) Le défaut du recueil du consentement du prévenu incarcéré, ne peut être surmonté par l’invocation « du danger imminent », cas prévu par le texte du Décret-Loi de manière exclusive, en lien avec la pandémie et « dans le seul l’objectif « de prévention de l’une des maladies transmissibles »

7) Dans tous les cas, la décision de la comparution à distance par des moyens de communications audiovisuelles ne peut être rendue légalement que par le tribunal, par écrit, et par motivation au fond.

Références

– L’article 70 de la constitution du 27 janvier 2014
– La loi n° 2020-19 du 12 avril 2020, habilitant le chef du gouvernement à prendre des décrets-lois dans l’objectif de faire face aux répercussions de la propagation du Coronavirus « Covid-19 ».
– Le Décret-loi du Chef du gouvernement n° 2020- 12 du 27 avril 2020, complétant le Code de procédure pénale

Sana Ben Achour