Tunisie

Moody’s abaisse la note de la Tunisie à Caa2 avec perspectives négatives

L’agence de notation américaine Moody’s a annoncé vendredi 27 janvier 2023, avoir abaissé la note de la Tunisie à Caa2 avec perspectives négatives. Dans un communiqué, l’agence explique que cette dégradation conclut l’examen initié en septembre 2022. Moody’s a également abaissé les notations de la dette senior non garantie et la notation senior non garantie de la Banque centrale de Tunisie ( BCT ) .

La dégradation est motivée par l’évaluation de Moody’s selon laquelle l’absence de financement à ce jour pour répondre aux importants besoins de financement du gouvernement, augmente les risques de défaut à un point qui ne correspond plus à une notation Caa1.

«Un nouveau programme du FMI doit encore être sécurisé, malgré la conclusion d’un accord au niveau des services en octobre 2022, aggravant une situation de financement déjà difficile et les pressions sur l’adéquation des réserves de change de la Tunisie. Les conditions de financement intérieures et extérieures et le profil du service de la dette du gouvernement tunisien augmentent les risques de refinancement ».

Moody’s estime que la faiblesse de la gouvernance et les risques sociaux importants expliquent en partie pourquoi la Tunisie a atteint une telle situation critique.

Par ailleurs, les perspectives négatives reflètent l’opinion de Moody’s estimant qu’ à moins d’une amélioration opportune des perspectives de financement externe, la probabilité de défaut pourrait augmenter au-delà de ce qui est compatible avec une notation Caa2.

« De nouveaux retards prolongés dans la mise en place d’un nouveau programme du FMI éroderaient les réserves de change par le biais de prélèvements pour le paiement du service de la dette, exacerbant ainsi les risques de balance des paiements et la probabilité d’un rééchelonnement de la dette qui entraînerait des pertes pour les créanciers du secteur privé. Les risques pesant sur le profil de crédit de la Tunisie resteront orientés à la baisse, même dans le cadre d’un éventuel accord avec le FMI, les perspectives de financement restant tributaires de la mise en œuvre rapide et soutenue de réformes qui s’avéreront invariablement difficiles face aux faiblesses de la gouvernance et à l’exposition aiguë aux risques sociaux. Alors que le programme de réforme du gouvernement offre une voie pour corriger les importants déséquilibres budgétaires et extérieurs de la Tunisie, sa mise en œuvre risque d’être mise à l’épreuve par des obstacles politiques, sociaux et institutionnels », précise l’agence de notation.

Les perspectives négatives reflètent ainsi l’inquiétude de Moody’s quant à l’absence de financements extérieurs. Ceci augmente les probabilités de défaut de paiement. Le retard de la conclusion d’un accord avec le FMI touche directement les réserves en devises de la Tunisie. Les perspectives négatives reflètent, selon le même communiqué, les défaillances aux niveaux social, politique et institutionnel, limitant ainsi la mise en œuvre de réformes. Moody’s a évoqué une faiblesse au niveau de la gouvernance et une exposition aux risques sociaux.

L’agence est revenue sur la maîtrise de la masse salariale du secteur public en termes réels, la suppression progressive des subventions à la consommation au profit de transferts financiers plus ciblés et la réforme du secteur déficitaire des entreprises publiques. Elle a considéré que ces mesures permettront d’équilibrer la balance fiscale et extérieure de la Tunisie.

Moody’s a noté une avancée vers la mise en place des réformes suite à la conclusion de l’accord de septembre 2022 entre le gouvernement et l’UGTT. Elle a, aussi, évoqué l’autorégulation des prix des carburants et du gaz naturel. Elle considère que la réalisation de plus de progrès est menacée par des obstacles politiques, sociaux et institutionnels. Elle note que les perspectives de financement resteront tributaires de la mise en œuvre rapide et soutenue des réformes. Le risque de défaut de paiement restera conséquent même en cas de conclusion d’un accord avec le FMI.

L’agence a considéré que le premier tour des législatives du 17 décembre 2022 a témoigné d’un faible taux de participation. Ceci reflète, selon elle, un paysage politique fragmenté. Le retard dans l’approbation de l’accord entre la Tunisie et le FMI résulterait, donc, de l’incertitude quant à un consensus autour du programme de réformes. Moody’s a rappelé que la Tunisie n’avait pas satisfait les attentes du FMI dans le passé. La Tunisie avait réussi seulement cinq des huit évaluations réalisées par le FMI. Moody’s a souligné l’impact des tensions sociales au cours de la dernière décennie et la faible croissance économique et création d’emplois.

L’intégralité de ces facteurs a mis à l’épreuve la capacité des gouvernements successifs à mettre en œuvre des réformes économiques et à remédier aux déséquilibres budgétaires, précise Moody’s.

Moody’s a indiqué que la cote de crédit de la Tunisie était fortement négative (CIS-5). Ceci reflète une forte exposition aux risques sociaux et une gouvernance faible. « La capacité de la Tunisie à répondre aux enjeux sociaux reste faible. La cote de crédit de la Tunisie est exposée aux risques environnementaux ». L’agence a évoqué comme facteur l’élévation du niveau de la mer dans les zones côtières, le stress hydrique et la désertification dans les régions internes.

Moody’s est revenue sur l’impact de la variabilité climatique, des précipitations irrégulières et des sécheresses sévères sur le secteur agricole tunisien. Elle a rappelé que ce dernier représentait environ 15% des emplois. Les risques liés aux ressources naturelles et à la gestion de l’eau sont, selon la même source, très négatifs.

Concernant les risques sociaux, l’agence a évoqué la question de l’emploi et des revenus. Elle a qualifié le marché du travail de rigide et a noté une faible création d’emplois causant une hausse du chômage, notamment chez les jeunes diplômés. « Le marché de travail tunisien n’est pas capable d’absorber une main-d’œuvre bien formée la poussant à migrer et encourageant, ainsi, la fuite des cerveaux ». Moody’s a estimé que les progrès des réformes et la solidité budgétaire restaient tributaires des considérations sociales et de la capacité du gouvernement et des acteurs de la société civile à s’aligner ou non sur des plans politiques crédibles.

Moody’s a qualifié la gouvernance de la Tunisie de faible et a estimé que le processus de prise de décision politique a été considérablement altéré. « Les tensions sociales récurrentes entravent l’efficacité des politiques en réduisant le consensus politique autour des réformes, y compris de la part des composantes de la société civile. De plus, la performance des institutions exécutives et législatives s’est affaiblie du fait que les gouvernements successifs n’ont pas adopté et mis en œuvre un programme politique cohérent. La structure institutionnelle de la Tunisie est très négative, tandis que la crédibilité et l’efficacité des politiques et la gestion budgétaire sont modérément négatives et que la transparence et la divulgation sont neutres à faibles », a ajouté la même source.