Mes Humeurs : Le street food, un incontournable jamais délaissé
Le street food tunisien, qui s’est diversifié sous l’influence des cuisines turque, libanaise, juive, italienne et française, attire aujourd’hui une clientèle variée, incluant cols blancs et jeunes noctambules. Un reportage de Libération souligne l’installation à Paris d’entrepreneurs tunisiens ayant ouvert des fast-foods proposant des classiques comme le makloub et les fricassés.
**La Presse** — La tendance du street food continue de monter en puissance, avec un phénomène de plus en plus visible dans les villes tunisiennes, particulièrement à Tunis. Il y a quelques décennies, les gargotes de quartier avaient mauvaise réputation. Avec leur éclairage faible, leurs murs noircis par la fumée et leurs tables instables, elles n’attiraient pas les foules.
L’offre se limitait alors à quelques plats simples : peu de viande rouge, trop onéreuse, mais une abondance de pois chiches pour le lablabi ou le mermez, des tomates fraîches ou en concentré, et, bien sûr, la harissa, essentielle dans les plats en sauce. Dans les quartiers populaires, on trouvait des rôtiers, des têtes d’agneau grillées et des abats fumants.
Ces établissements nourrissaient surtout de jeunes célibataires modestes ou des travailleurs sans famille. Le pain et la harissa y étaient, et le sont toujours, rois. À cette époque, les « bonnes familles » ne consommaient pas de nourriture de rue. Aujourd’hui, la situation a évolué. Avec l’utilisation généralisée des tickets restaurant et l’urbanisation, les employés prennent désormais leur déjeuner à l’extérieur.
Le street food tunisien a diversifié son offre, influencé par les cuisines turque, libanaise, juive, italienne ou française. On y croise cols blancs et ouvriers, femmes et hommes de bureau, tous attablés autour d’un casse-croûte ou d’une ojja. Le soir, la clientèle change : des jeunes noctambules et des fêtards envahissent les snacks des banlieues, ouverts tard dans la nuit.
À toute heure, qu’il soit minuit ou midi, on peut toujours trouver un spécialiste des pâtes, un vendeur de fricassés ou un simple casse-croûte du quartier. Les bonnes adresses se transmettent de bouche à oreille, de quartier en quartier. Le casse-croûte tunisien incarne ce patrimoine culinaire. Il propose une combinaison de couches de salade méchouia, de salade tunisienne, de légumes en saumure, d’œufs mollets, d’olives, de pommes de terre, et un morceau de thon rouge pour les plus généreux… ou du thon émietté pour les moins scrupuleux. L’huile d’olive vient parachever ce mélange coloré et épicé.
À côté, le lablabi, une soupe de pois chiches servie avec du pain rassis, du cumin, de la harissa et de l’huile d’olive, reste un plat emblématique, tout comme le kafteji, un mélange de légumes frits hachés surmonté d’un œuf frit. Souvent préparés à l’avance dans l’arrière-boutique par des apprentis, ces plats s’adaptent aux saisons et aux budgets. Un phénomène révélateur est que le street food tunisien s’exporte.
À Paris comme ailleurs, des enseignes apparaissent, proposant les classiques tunisiens : fricassés, lablabi, ojja, méchouia… Entre nostalgie des saveurs d’enfance et curiosité des gourmets, ces plats séduisent au-delà des frontières. Dans un récent reportage (Libération) dans sa rubrique culinaire (Au goût du jour), on évoque avec intérêt et admiration l’ouverture à Paris de quelques entrepreneurs tunisiens qui ont lancé des fast-foods à la mode, mettant à l’honneur le makloub, les mlawis, les fricassés, etc.
Issu des quartiers modestes et longtemps méprisé, le street food tunisien s’affirme désormais comme un pouvoir doux culinaire, à la fois populaire et européen.

