Mes Humeurs : Ciné Jamil ne fait plus partie du paysage.
Ciné Jamil, un cinéma de quartier, a fermé définitivement ses portes ces derniers jours. Ce cinéma accueillait une communauté fidèle d’étudiants, d’enseignants et de cinéphiles.

Par Hamma HANACHI
La Presse — Dans les années 1980, de nouveaux quartiers apparaissaient, des bâtiments modernes se construisaient, et les Menazah se multipliaient, atteignant El Menzah 9 C, entre autres.
El Menzah 6 se distinguait par la présence d’un centre commercial et de plusieurs boutiques animées, bien qu’il manquât d’espaces culturels.
Une galerie d’art a vu le jour, et un cinéma, Ciné Jamil, avait ouvert ses portes pour le plaisir des habitants et des passionnés de cinéma.
Le hall de la galerie commerciale, composé de plusieurs étages, donnait sur une galerie élégante, où les affiches de films côtoyaient les visages des jeunes spectateurs.
Une salle à taille humaine attirait un public de toutes générations.
Ce cinéma de quartier « animé » accueillait une fidèle communauté d’étudiants (la faculté des Lettres étant située à proximité), d’enseignants et de cinéphiles.
Ces derniers jours, Ciné Jamil a définitivement fermé ses portes ; avec beaucoup de regrets et d’amertume, ce petit espace de culture et de convivialité s’éteint.
Pour ses habitués, il ne s’agit pas seulement de la disparition d’une salle obscure : c’est un lieu de rencontre, de passion et de découverte qui s’en va.
Entre deux cours ou après les examens, on s’y réfugiait dans l’obscurité, la tête pleine de rêves.
La réalité économique, implacable, associée à un désintérêt des jeunes pour le cinéma, a eu raison de ce lieu.
Faute de moyens, de subventions et de public, la salle n’a pas pu faire face à la concurrence des chaînes de télévision thématiques, des plateformes de streaming et de certains multiplexes installés dans les supermarchés des environs.
C’était une époque, une expérience… On peut déjà parler de cette salle (comme tant d’autres) avec nostalgie, en utilisant l’imparfait ou le passé simple.
Un très beau film, Cinéma Paradisio de Giuseppe Tornatore, illustre la nostalgie d’une salle de cinéma disparue : Ciné Jamil figure maintenant parmi les salles fermées en Tunisie. Hélas !
Il convient de rappeler qu’un cinéma qui ferme, c’est une partie de la mémoire collective qui s’éteint, un lieu de vie et un espace respiratoire pour la jeunesse qui disparaît.
On parierait que dans quelques semaines ou dans un an, le bâtiment sera transformé en café, pizzeria ou fast-food, un commerce à l’abri de la crise.
Cependant, pour ceux qui y ont ri, débattu, aimé ou rêvé, Ciné Jamil restera dans la mémoire des amateurs un symbole culturel : celui d’une époque où aller au cinéma était un acte de curiosité et de liberté.
H.H.

