Tunisie

« Mémoires de la main » : sculptures à la Galerie TGM, entre générations.

L’exposition « Mémoire de la main » réunit douze artistes issus de différentes générations, écoles et sensibilités, offrant un panorama évolutif de la sculpture en Tunisie, incluant des œuvres en marbre, bronze, résine et matériaux moins conventionnels. La galerie TGM abrite cette exposition collective dédiée à la sculpture jusqu’au 30 novembre.

Mémoire de la main1

L’exposition rassemble douze artistes de générations, écoles et styles divers, offrant ainsi un aperçu évolutif de la sculpture en Tunisie, avec des œuvres en marbre, bronze, résine et autres matériaux innovants, alliant savoir-faire traditionnels et expérimentations modernes.

La Presse — La galerie TGM présente jusqu’au 30 novembre une exposition collective exceptionnelle dédiée à la sculpture, ce noble art de la matérialité et à ses artistes : créateurs de formes, maîtrisant la matière et poètes des volumes.

Art intrinsèquement durable, la sculpture a toujours laissé une trace palpable dans l’histoire des civilisations. Elle a toujours servi d’instrument d’influence et de pouvoir : rois, papes et dirigeants l’ont utilisée comme vecteur de prestige et de propagande.

Nommée « Mémoire de la main », l’exposition regroupe douze artistes de différentes générations, écoles et sensibilités. Cela permet de présenter un panorama évolutif de la sculpture en Tunisie, entre œuvres en marbre, bronze, résine et matériaux moins conventionnels, alliant savoir-faire traditionnels et innovations contemporaines.

L’exposition rend aussi hommage aux pionniers de la sculpture tunisienne, à ceux qui, comme le souligne Rim Ben Boubaker, ont « élargi les horizons du médium, expérimenté de nouvelles voies et accompagné l’émergence de jeunes générations ».

Hedi Selmi (1934-1995) est représenté à travers 12 sculptures. Originaire du quartier tunisien de Bab Jedid, il commence des études à l’École des beaux-arts de Tunis en 1950. Après avoir obtenu son diplôme en 1954, avec un prix en dessin et sculpture lui permettant de poursuivre des études, il choisit de parfaire sa formation de sculpteur à Paris.

Quatre années d’études à l’Académie des beaux-arts de Paris achèvent son apprentissage de sculpteur. Il se spécialise dans la taille de la pierre, d’abord au sein de l’atelier Yenses puis à l’atelier Adam, tout en s’initiant à la sculpture sur bois à l’atelier Collamarini. À l’issue de ces études, en 1958, il remporte un premier prix de sculpture lors d’une exposition organisée par l’académie.

De retour à Tunis, il enseigne le dessin au lycée Khaznadar du Bardo pendant six ans, jusqu’en 1964. En parallèle à une intense activité créatrice, Selmi renforce son engagement pédagogique en conseillant les jeunes artistes et en incitant ses élèves les plus talentueux à exposer leurs créations chaque année.

Dans sa pratique, l’artiste a exploré un large éventail esthétique : passant de la figuration, notamment dans ses œuvres monumentales, à des formes stylisées, parfois elliptiques ou abstraites, s’inscrivant dans les grandes évolutions de la sculpture du XXe siècle. Son œuvre couvre un large registre d’inspirations et de thématiques : dramatisation romantique, quête de dépouillement, passion pour la modernité ou mise en garde contre les excès de l’ère technologique.

À travers une compassion récurrente envers la condition humaine, son œuvre témoigne de l’influence d’artistes tels qu’Alberto Giacometti ou Germaine Richier.

Hechmi Marzouk est une figure majeure de la sculpture tunisienne contemporaine. Né en 1940 à Mahrès, près de Sfax, il s’illustre également comme dessinateur, acteur de cinéma et designer. Son travail dans le secteur cinématographique, en collaboration notamment avec le cinéaste franco-espagnol Fernando Arrabal, a marqué les esprits.

Issu d’un milieu modeste, il montre rapidement un talent pour le dessin et le modelage. Formé à l’École des Beaux-Arts de Tunis, puis à Paris, Marzouk y perfectionne son approche plastique et sa maîtrise des volumes. Son œuvre se concentre majoritairement dans l’espace public, à travers des monuments d’importance symbolique.

Parmi ses réalisations emblématiques figurent les statues équestres de Habib Bourguiba, dont l’une, érigée en 1978 à la place d’Afrique, se trouve à nouveau sur l’avenue Bourguiba à Tunis. Il est également l’auteur du monument de Tabarka représentant Bourguiba en exil sur l’île de Yalta, qui a obtenu le premier prix national.

Son œuvre se distingue par une utilisation variée de matériaux (bronze, bois, laiton et marbre) et une attention constante à la forme et au mouvement. Entre rigueur et sensibilité, expertise technique et charge émotionnelle, Hechmi Marzouk crée des sculptures à la fois ancrées dans la tradition et tournées vers la modernité, où chaque création devient un espace de réflexion et de poésie au cœur de l’espace public.

Sahbi Chtioui (1953) est reconnu comme l’un des grands noms de la sculpture contemporaine dans le monde arabe. Artiste autodidacte, maître mouleur et fondeur, il allie virtuosité technique et sensibilité poétique dans une œuvre profondément humaniste.

Né à Tunis, il s’initie très jeune au modelage, à la peinture et à la musique avant d’intégrer l’École des Beaux-Arts de Tunis. Son parcours le mène à Paris et à travers plusieurs capitales artistiques (Rome, Bruxelles, Le Caire et Damas), avant de s’établir à Casablanca, où il développe complètement son style.

Ses œuvres, visibles dans des musées prestigieux tels que le Musée du Roi Abdallah à Washington, le Musée national de Tunis et le Musée d’Art islamique d’Istanbul, témoignent d’un dialogue constant entre spiritualité, mouvement et matière. En 2019, une sculpture de sa création représentant le Christ portant sa croix, offerte par le roi Mohammed VI au pape François, a été accueillie au Musée du Vatican.

« Je préfère dire que je suis chercheur et voyageur, parce que je ne cesse depuis toujours de saisir la Chose. C’est un mot un peu mystique, une réalité que personne ne soupçonne, mais que moi j’ai perçue depuis longtemps dans le bloc de la matière, et qui deviendra ensuite importante aux yeux des autres, parce qu’alors visible pour tous. Sculpter c’est ne pas parler creux. C’est être en quête perpétuelle de cette Chose qui n’est pas saisissable, mais que je sens, et que je veux matérialiser de toutes mes forces », déclare l’artiste en évoquant son art.

Ancrés dans une démarche d’art contemporain, on retrouve aussi dans ce parcours consacré à la sculpture tunisienne, Najet Ghrissi, Mohamed Ghassen, Seif Ben Hammad, Rum Karoui, Mohamed Bouaziz, Noutayel Belkadhi, Majed Zalila et Omar Bey. Ces deux derniers présentent en outre une œuvre réalisée à quatre mains.

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