La Tunisie demande à l’ONU un ordre fiscal mondial équitable.
Un colloque international sur la nouvelle convention-cadre sur la coopération internationale en matière fiscale a eu lieu à Tunis, organisé par le laboratoire des Sciences constitutionnelles, administratives et financières de l’Université El Manar et l’Observatoire tunisien de l’économie. En février 2025, les États-Unis ont annoncé leur retrait des négociations, déclarant que « les objectifs futurs de la convention-cadre sont incompatibles avec leurs priorités ».

Alors que les discussions pour établir une nouvelle convention-cadre sur la coopération internationale en matière fiscale se poursuivent à l’ONU, le thème a récemment été abordé à Tunis.
La Presse — Un colloque international ayant pour thème les négociations sur une nouvelle convention-cadre concernant la coopération internationale en matière fiscale a été organisé en partenariat entre le laboratoire des Sciences constitutionnelles, administratives et financières (Lascaf) de l’Université El Manar et l’Observatoire tunisien de l’économie (OTE). Ce colloque a rassemblé des universitaires, des experts et des représentants des administrations fiscales de plusieurs pays africains, en particulier du Maghreb.
La nouvelle convention-cadre a pour objectif d’instaurer un cadre fiscal mondial plus inclusif, garantissant la participation active des pays en développement à l’élaboration des normes fiscales internationales. Cette initiative a été déclenchée quelques années après l’adoption, en 2017, par l’Ocde, de la Convention multilatérale et l’établissement d’un cadre inclusif regroupant actuellement 148 pays, avec pour but principal de contrer l’optimisation fiscale agressive.
En 2022, la solution reposant sur deux piliers a cherché à s’attaquer aux enjeux de la fiscalité numérique, mais selon l’observatoire, son impact reste limité pour les pays en développement.
Ces limites ont relancé la demande d’une gouvernance fiscale mondiale plus démocratique, selon les explications fournies.
Ainsi, sous l’impulsion du groupe Afrique, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté en 2022 la résolution 78/230, ouvrant la voie à des discussions qui devraient déboucher d’ici la fin 2027 sur l’adoption de la nouvelle convention-cadre, dont les termes de référence ont été validés en décembre 2024.
« Ce colloque est une occasion de rassembler experts, universitaires et membres de la société civile autour d’un thème aussi crucial, en lien avec d’autres enjeux, tels que l’application des conventions relatives au modèle de l’Ocde ou de celui des Nations Unies », a souligné Emna Fakhfakh, coordinatrice de l’événement et maître de conférences agrégée à la faculté de Droit et de Sciences politiques.
Un processus en construction
En revenant sur les négociations en cours à l’ONU, Sara Gnzar, représentant l’administration fiscale marocaine, a indiqué que les discussions sont marquées par des tensions et des clivages entre le bloc des pays développés et celui des pays en développement.
Les termes de référence ayant été adoptés en décembre 2024, le processus a atteint un cap. Cependant, en février 2025, un retournement de situation a eu lieu : les États-Unis ont annoncé leur retrait des négociations, affirmant que « les objectifs futurs de la convention-cadre sont incompatibles avec leurs priorités ».
« C’était un moment d’ambiguïté et de confusion. Cependant, les États ont repris les discussions dès le lendemain », a précisé Gnzar.
Elle a ajouté : « Le Groupe Afrique a clairement affirmé ne pas vouloir reproduire d’anciennes structures ni renforcer les déséquilibres existants, mais souhaite co-créer un nouveau système équitable et transparent, respectant le droit de chaque État à percevoir des recettes issues de son activité économique ».
Lutter contre la fraude fiscale
Lors de son intervention sur les défis d’adaptation du cadre fiscal national aux réformes de l’Ocde, le directeur général des Études et de la Législation fiscale au ministère des Finances, Yahia Chemlali, a précisé que la Tunisie participe activement aux travaux liés à la nouvelle convention-cadre de l’ONU et a appelé à une accélération des négociations pour que les pays en développement atteignent leurs objectifs en matière de fiscalité.
Il a rappelé qu’après l’adhésion de la Tunisie, en 2017, à l’instrument Beps de l’Ocde, le pays avait abandonné en 2021 le régime d’imposition privilégiée pour les opérations d’exportation, y compris celles des services financiers destinés aux non-résidents.
Selon ses dires, les réformes engagées dans le cadre de cet instrument étaient en adéquation avec la politique fiscale de la Tunisie, qui cherche à contrôler les avantages fiscaux devenus une niche de fraude, particulièrement dans le domaine des services, où la surveillance est particulièrement complexe. Il a souligné que ces avantages avaient permis à de nombreuses entreprises de services de bénéficier d’une « double non-imposition ».
Chemlali a aussi rappelé que la Tunisie avait suspendu le régime suspensif pour les entreprises de commerce international et les sociétés de services totalement exportatrices, une décision qui a contribué, selon lui, à réduire la concurrence déloyale sur le marché intérieur et à lutter contre la fraude relative à la TVA.
Des défis qui s’imposent
Le responsable a également noté que l’adaptation aux réformes de l’Ocde a soulevé des défis techniques pour la Tunisie, qui ressent un besoin de renforcement des compétences et d’un meilleur accès aux bases de données.
Ces réformes posent, selon lui, des défis en termes de compétitivité et d’attractivité du territoire, obligeant à faire un compromis entre l’amélioration de l’attractivité par le biais de mesures fiscales incitatives et le respect des normes internationales qui limitent la concurrence fiscale.
« Dans ce contexte, la Tunisie s’efforce de respecter son choix stratégique en matière de politique fiscale, en utilisant la fiscalité pour encourager l’investissement tout en veillant à sa conformité aux normes internationales, ce qui est essentiel pour sa crédibilité », a-t-il ajouté.
Chemlali a par ailleurs souligné que la mise en œuvre de la « solution à deux piliers » introduite en 2021 par l’Ocde nécessitera une refonte significative de la législation tunisienne, touchant à la souveraineté fiscale du pays.
« Les solutions proposées risquent de ne pas tenir compte des besoins des pays en développement. La mise en œuvre complexe et la nécessité d’inclure des mesures transitoires exigent du temps pour examiner ces propositions. Nous avons identifié les exclusions à opérer et celles qui doivent être annulées afin que cette solution devienne applicable », a-t-il affirmé.

