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Selon les estimations de la Cnuced, de la Banque africaine de développement (BAD) et d’organisations spécialisées, le continent perd chaque année entre 88 et 90 milliards de dollars du fait de sorties financières illégales, soit près de 3,7 % de son PIB. Les Etats-Unis ont haussé le ton, mardi, à l’égard de l’Union européenne, menaçant de représailles si Bruxelles et ses États membres ne revenaient pas sur une régulation du numérique jugée « discriminatoire » par Washington.

Flux financiers illicites
Une hémorragie structurelle pour les économies africaines

Les flux financiers illicites (FFI) représentent un des défis économiques les plus importants et persistants pour l’Afrique. Autrefois considérés comme un sujet technique réservé aux spécialistes, ils sont désormais largement documentés par des institutions internationales.

D’après les évaluations concordantes de la Cnuced, de la Banque africaine de développement (BAD) et d’organisations spécialisées, le continent perd chaque année entre 88 et 90 milliards de dollars à cause d’évasions financières illégales, soit près de 3,7 % de son PIB.

Les études de la Cnuced estiment qu’environ 88,6 milliards de dollars par an quittent illicitement l’Afrique, un montant comparable à l’aide publique au développement et aux investissements directs étrangers reçus.

Cette situation met en lumière un paradoxe majeur : alors que le continent dépend des financements extérieurs, il voit en même temps des ressources domestiques considérables disparaître.

La BAD approfondit ce constat en incluant l’évasion fiscale agressive et la corruption, estimant que les sorties de capitaux globaux dépassent 580 milliards de dollars par an, contribuant à aggraver le déficit de financement des infrastructures et à alourdir une dette publique atteignant près de 2.000 milliards de dollars.

Géographiquement, l’Afrique de l’Ouest est l’une des régions les plus touchées, en particulier dans les pays à forte activité extractive. Le Nigeria illustre l’ampleur du phénomène, avec des flux illicites estimés à 2,2 milliards de dollars pour l’année 2014 seule.

Des pertes importantes sont aussi notées au Ghana, au Sénégal et en Côte d’Ivoire. En Afrique centrale, la République démocratique du Congo concentre les inquiétudes, avec plus de 100 millions de dollars de recettes non collectées identifiées par les audits de l’Eiti.

En Afrique australe, l’Afrique du Sud enregistre en moyenne 7,4 milliards de dollars de sorties illicites annuelles, principalement dues à la fausse facturation commerciale et aux transferts abusifs de bénéfices.

Les origines des FFI sont aujourd’hui clairement identifiées : l’évasion fiscale et les abus commerciaux représentent près de 65 % des flux, suivis par la corruption, les détournements de fonds publics et la criminalité organisée.

Les conséquences sont mesurables et lourdes : perte de recettes fiscales, sous-investissement dans la santé et l’éducation, aggravation du déficit d’infrastructures et recours accru à l’endettement.

Les flux financiers illicites apparaissent donc comme un frein structurel au développement, nécessitant des réponses coordonnées à l’échelle nationale, régionale et internationale.

Numérique
Le bras de fer UE–États-Unis

Les États-Unis ont haussé le ton, mardi, à l’encontre de l’Union européenne, menaçant de représailles si Bruxelles et ses États membres ne révisaient pas une régulation du numérique considérée comme « discriminatoire » par Washington.

Selon l’administration américaine, ces règles seraient destinées à « restreindre, limiter et décourager » l’activité des entreprises technologiques américaines sur le marché européen.

Dans un message publié sur le réseau X, le bureau du représentant américain au Commerce (Ustr) a accusé l’UE et certains pays membres de persister dans « une approche discriminatoire » caractérisée par des « poursuites, taxes, amendes et directives » ciblant les fournisseurs américains de services numériques.

« S’ils persistent, les États-Unis n’auront d’autre choix que d’utiliser tous les outils à leur disposition pour contrer ces mesures déraisonnables », a averti l’Ustr.

De son côté, la Commission européenne a rejeté ces accusations et réaffirmé sa détermination à appliquer ses règles « de manière équitable et sans discrimination ».

« Nos règles s’appliquent de façon égale à toutes les entreprises opérant dans l’UE », a déclaré Thomas Regnier, porte-parole de la Commission, soulignant que Bruxelles continuera à faire respecter sa législation.

Depuis le début de l’année, la Maison Blanche a multiplié les critiques à l’égard des régulations européennes du numérique, surtout concernant le règlement sur les services numériques (DSA) et le règlement sur les marchés numériques (DMA), ainsi que contre les enquêtes et sanctions infligées par la Commission aux géants américains du secteur.

Cette position est néanmoins contestée jusque dans la Silicon Valley. Luther Lowe, cadre dirigeant de l’incubateur Y Combinator, a dénoncé sur X « une trahison navrante » de la « petite tech » américaine, estimant que le DMA « ouvre des parts de marché aux petites entreprises américaines » et devrait « être imité plutôt qu’attaqué ».

Début décembre, l’UE a infligé une amende de 120 millions d’euros au réseau social X, propriété d’Elon Musk, pour non-respect du DSA.

Cette décision a été vivement critiquée par Washington, le secrétaire d’État Marco Rubio y voyant « une attaque contre toutes les plateformes technologiques américaines et le peuple américain ».

Entrée en vigueur il y a deux ans, la législation européenne vise à lutter contre les contenus illégaux et dangereux en ligne et impose des obligations renforcées aux grandes plateformes.

Ces dernières années, plusieurs milliards d’euros d’amendes ont ainsi été infligés à des groupes américains pour non-respect du droit européen.

Rappelant que des entreprises européennes opèrent librement depuis des décennies sur le marché américain, l’Ustr a cité Accenture, Capgemini, Publicis ou encore la start-up française d’IA Mistral.

L’administration américaine n’exclut pas, en cas d’escalade, d’imposer des droits d’entrée ou des restrictions aux services étrangers.

Washington a également appelé l’UE à assouplir ses règles, mentionnant la possibilité de concessions sur les droits de douane concernant l’acier et l’aluminium européens, et a mis en garde d’autres pays susceptibles d’adopter une régulation similaire.