Journées théâtrales de Carthage : « Résidence Chahira » d’Abdelaziz Meherzi sur l’amour et la séduction.
«Résidence Chahira» a été donnée, vendredi dernier, en première au Théâtre municipal de Tunis, dans le cadre de la 26e édition des Journées théâtrales de Carthage. Après «Saida Manoubia» (2024), Abdelaziz Meherzi fait son come back avec une comédie populaire sur les dérives de l’amour et de la séduction.
Inspirée librement de la «Locandiera», un chef-d’œuvre du dramaturge italien Carlo Goldini, la pièce «Résidence Chahira» a été présentée en première vendredi dernier au Théâtre municipal de Tunis, dans le cadre de la 26e édition des Journées théâtrales de Carthage. Après «Saida Manoubia» (2024), le dramaturge Abdelaziz Meherzi revient avec une comédie populaire sur les dérives de l’amour et de la séduction.
Au centre de l’intrigue se trouve une résidence dirigée par Chahira, une jeune femme libre, intelligente et séduisante, qui gère seule l’établissement hérité de son père. Sa routine est bouleversée par l’arrivée de trois locataires : un noble orgueilleux, un homme d’affaires riche au passé obscur, et un misogyne avéré.
Ces trois hommes sont sous son charme, mais le misogyne agace rapidement la belle par son comportement grossier. Chahira élabore alors un plan pour se venger, qui commence par le séduire.
La scène s’illumine dès le début avec deux amies de Chahira, qui dansent joyeusement et apportent de la gaieté dans le salon de la résidence, décoré de grands tableaux. Peu après, le noble aristocrate ruiné et l’homme d’affaires prospère tentent de séduire Chahira. Mais cette dernière, maîtresse des lieux, ne se laisse pas faire et prend en main le cours des événements.
Le troisième larron, un célibataire misogyne, jure qu’il ne se laissera pas séduire par une femme. Cependant, Chahira organise un dîner en tête-à-tête et expose tout son charme pour le faire succomber. Cela fonctionne : il tombe amoureux fou de la belle.
Se rendant compte que son honneur et sa liberté sont menacés, Chahira décide de mettre un terme à ce jeu et finit par épouser son fidèle serviteur, promis par son père avant sa mort.
Abdelaziz Meherzi présente une comédie de mœurs féministe dans une société où l’aristocratie est en déclin, tandis que l’affairisme prospère. Les trois locataires ne peuvent finalement offrir qu’une protection et de l’argent, en raison des conventions liées à leur classe, sans envisager le mariage.
Chahira, consciente de sa valeur, n’est pas prête à sacrifier sa liberté et son honneur. Ironiquement, elle accepte d’épouser son serviteur, dépouillé, pour préserver son honneur et son émancipation.
La mise en scène est directe et transparente. Meherzi explore subtilement les paradoxes de chaque personnage, leur folie et leur pauvreté. Pour se venger, Chahira les confronte à leurs propres contradictions et les livre à ses amies, qui se font passer pour des femmes de bonne société.
C’est ici que se révèle le ressort comique, sans tomber dans le ridicule ou la caricature. Malgré la situation cocasse, la déroute du misogyne et la victoire de Chahira, un certain sérieux demeure.
L’œuvre met à jour une machine sociale, centrée sur une femme qui est à la fois l’être et le paraître. Les acteurs auraient pu faire preuve de plus de spontanéité et humaniser davantage leurs personnages. La mise en scène se concentre sur eux ; bien qu’elle semble vise à divertir, elle montre la maîtrise d’un grand professionnel du genre.
Abdelaziz Meherzi a toujours su faire du vaudeville et de la comédie un outil à double tranchant. Le public apprécie ses œuvres pour leur touche unique.
D’autres représentations de «Résidence Chahira», production du Théâtre de l’Opéra de Tunis, sont à venir.

