Journées théâtrales de Carthage : immersion dans « Chute libre » de Mohamed Faraj Al-Khachab.
Le 23 novembre, le Ciné-Théâtre Le Rio à Tunis a accueilli un large public pour la pièce égyptienne «Chute libre», sélectionnée parmi 12 œuvres en compétition officielle à la 26e édition des Journées théâtrales de Carthage. La pièce, mise en scène par Mohamed Faraj Al-Khachab et adaptée de «L’Héritage du vent» de Jerome Lawrence et Robert E. Lee, a été jouée en langue arabe classique et a duré 95 minutes.
En impliquant une partie du public sur scène aux côtés des comédiens, il a permis aux spectateurs de devenir de véritables partenaires scéniques, participant ainsi au verdict et intégrés au récit dramatique. Plus qu’une simple esthétique, cette participation du public était narrative et presque éthique, les confrontant directement aux enjeux de la pièce.
La Presse — Le 23 novembre, un large public s’est réuni au Ciné-Théâtre Le Rio à Tunis pour découvrir la pièce égyptienne «Chute libre», en compétition officielle avec 11 autres œuvres lors de la 26e édition des Journées théâtrales de Carthage (JTC). Malgré un retard d’une heure sur l’horaire initial de 15h00, dû apparemment à des raisons techniques, le public est resté nombreux.
Certains ont néanmoins dû quitter la salle avant la fin pour assister aux représentations prévues à 17h00. Produite par le syndicat des artistes dramatiques égyptiens, la pièce a été mise en scène par Mohamed Faraj Al-Khachab et adaptée de « L’Héritage du vent » des Américains Jerome Lawrence et Robert E. Lee.
Sur une scène conçue par Ahmed Alaâ Ali, transformée en salle d’audience — avec une partie du public jouant les jurés de chaque côté du plateau —, les comédiens Amrou Othman, Mustapha Asker, Hani Tombari, Ahmed Abou Zid, Hassan Khaled, Souzi Chikh, Baha Tombari, Saïd Kabil, Ismail Ahmed et Adem Ouahdane ont présenté cette lecture égyptienne (en arabe classique) du texte américain.
«Chute libre» (titre original : Souqout horr) aborde, durant 95 minutes, le sort du professeur Bertrand Kitts, jugé pour avoir enseigné la théorie de l’évolution, défiant ainsi les normes religieuses et sociales. Le procès devient un conflit intense entre la liberté de pensée et l’emprise des croyances et traditions. Le professeur affronte la pression sociétale et du procureur, ne bénéficiant que du soutien d’un avocat déterminé à défendre le droit à la pensée et au débat scientifique.

L’œuvre originale «L’Héritage du vent» est un drame judiciaire intemporel qui examine les fondements de la conscience américaine, posant la question du combat entre fondamentalisme et liberté de pensée. Placée dans une petite ville du sud des Etats-Unis, la pièce dramatise le procès Scopes de 1925, durant lequel un enseignant est accusé d’avoir enseigné la théorie de l’évolution, défiant une loi imposant l’enseignement du créationnisme.
Avec des personnages bien conçus incarnant des idéologies opposées, cette narration puissante dépasse le simple récit historique ; elle constitue une exploration poignante de la liberté intellectuelle, du progrès social et de la lutte continue pour la vérité face au dogme. Mohamed Faraj Al-Khachab a su rendre palpable l’essence du conflit : d’un côté, ceux qui restent attachés aux enseignements religieux et aux normes traditionnelles ; de l’autre, les défenseurs de la pensée libre, du questionnement scientifique et de l’autonomie intellectuelle.
Pour traduire cette tension sur scène, il a adopté une approche immersive, brouillant les frontières entre fiction et réalité. En plaçant une partie du public sur le même plateau que les comédiens, il a transformé les spectateurs en partenaires scéniques, les impliquant dans le verdict et les intégrant ainsi dans le récit dramatique. Au-delà de l’esthétique, cette implication était narrative, presque éthique, puisqu’elle confrontait le public aux enjeux fondamentaux de l’œuvre.
Le même procédé a été utilisé pour les protagonistes jouant les témoins. Émergeant du public, ils ont perturbé les repères habituels et aboli les frontières entre scène et audience. Cette démarche a créé une circulation dynamique entre les espaces, renforçant l’intensité du procès fictif et établissant une véritable promiscuité, au sens théâtral, entre le public et les comédiens.

