Journées cinématographiques de Carthage : Jim Jarmush explore la famille dans « Father, mother, sister, brother »
Le film « Father, Mother, Sister, Brother » de Jim Jarmusch, Lion d’Or de la Mostra de Venise 2025, est construit en trois chapitres distincts autour de la thématique de la famille, se déroulant à New York, Dublin et Paris. Au cours des chapitres, les relations entre parents vieillissants et enfants sont explorées, mettant en lumière des échanges souvent réduits à des banalités et des tensions sous-jacentes.
En trois parties, se déroulant à New York, Dublin et Paris, Jim Jarmusch explore la famille comme un espace fragmenté.
Father, Mother, Sister, Brother transforme les retrouvailles en moments d’observation délicats, où l’humour, les silences et les non-dits révèlent l’essence des liens qui s’effritent.
La Presse — Dans le cadre de la section Cinéma du Monde, « Father, mother, sister, brother » du réalisateur américain Jim Jarmusch, Lion d’Or de la Mostra de Venise 2025, a suscité un vif intérêt lors de sa projection au cinéma Le Rio (réservée néanmoins par plusieurs interruptions) en raison de la pertinence de son message et de sa démarche artistique unique.
Le film est organisé en trois chapitres distincts autour du thème de la famille.
Ce sujet, bien que déjà exploré, demeure d’actualité et se déroule à New York, Dublin et Paris, traité avec un humour acéré. La question de la famille disloquée est d’une grande importance dans la société occidentale.
Dès la fin de l’adolescence, les enfants quittent leurs parents et ne leur rendent visite qu’à l’occasion des fêtes de fin d’année.
Pour Jim Jarmush, ce thème semble être presque un prétexte pour mettre en lumière des motifs qui fonctionnent comme un leitmotiv. Comment cela se manifeste-t-il ?
Dans le premier chapitre, un frère et une sœur quittent New York pour rendre visite à leur père installé à la campagne.
Dans son chalet en ruine au bord d’un lac, le père, qui ne prend pas soin de lui, ne semble pas ravi de les revoir et eux non plus, aspirent à rentrer chez eux au plus vite.

Le second chapitre nous transporte à Dublin où une mère écrivain reçoit ses deux filles, l’une rebelle et l’autre introvertie, qui viennent lui rendre visite une fois par an.
Au cours d’un tea time, la mère et ses filles n’échangent que des banalités.
En contraste avec les deux chapitres précédents, le troisième présente une sœur et un frère jumeaux qui visitent pour la dernière fois l’appartement de leurs parents à Paris, décédés dans un accident tragique, où ils ont passé une partie de leur enfance.
Leur priorité est de se débarrasser des effets du passé.
Le film aborde les relations complexes entre des parents vieillissants et des enfants qui entretiennent un lien distant, voire indifférent.
Émergent dans ce contact les remords de ne pas avoir suffisamment profité de leurs parents et les tensions qui surviennent entre le frère et la sœur à ce sujet lors de leur visite, qui semble être une simple formalité.
Le film se focalise sur les détails, les faux-semblants et les non-dits pour présenter une image familiale en façade, tout en révélant son dysfonctionnement. C’est ce qui lui confère toute sa force et son intérêt.
Jim Jarmush propose une observation des scènes de retrouvailles familiales, particulièrement celles liées aux douleurs du passé et aux non-dits.
Sa réflexion sur les liens familiaux ambivalents repose sur l’observation.
Pour cela, il utilise des motifs pour enrichir sa mise en scène : la symétrie des plans, les situations similaires dans les trois chapitres, bien que les pays soient différents (New York, Dublin et Paris), les espaces restent identiques (les routes, la maison).
On retrouve des objets ici et là : la montre Rolex, vraie ou fausse, l’eau comme boisson essentielle, les photos souvenirs, et les skateurs sur les routes qui se faufilent entre les voitures.
Les acteurs sont d’une rare intensité, notamment Tom Waits, qui incarne un vieil homme désinvolte et rusé mais qui n’est qu’un masque qu’il revêt lors de la visite de ses enfants.
Charlotte Rampling est remarquable en mère douce, tendre et affectueuse, attentive à tous les détails lors de l’entretien avec ses filles, sans oublier le reste du casting, incluant Cate Blanchett, Vicky Krieps, Mayim Bialik et Adam Driver, qui jouent avec finesse et beaucoup de retenue.

