Tunisie

Hichem Turki : « Les startups tunisiennes ne quittent pas le podium des concours internationaux »

Hichem Turki, directeur général de Novation City, a défendu une vision de collaboration entre startups et entreprises basée sur l’accompagnement expert et la création de centres de compétences sectoriels. Lors du panel « Startups et entreprises : entre collaborations stratégiques, dynamiques d’écosystème et perspectives d’exit », organisé le 15 décembre 2025 à Tunis par la Chambre de Commerce et d’Industrie Tuniso-Française, il a présenté le modèle opérationnel de Novation City pour faciliter les synergies entre startups technologiques et tissu industriel tunisien.


Le directeur général de Novation City, Hichem Turki, plaide pour une collaboration structurante entre les startups et les entreprises. Cette collaboration repose sur un accompagnement expert, l’établissement de centres de compétences sectoriels et l’intégration progressive des jeunes startups technologiques dans les organisations industrielles. L’objectif est de réduire l’écart entre innovation et adoption, tout en favorisant l’internationalisation.

Lors d’un panel intitulé « Startups et entreprises : entre collaborations stratégiques, dynamiques d’écosystème et perspectives d’exit », tenu le 15 décembre 2025 à Tunis dans le cadre de la première édition de Bridge 25 par la Chambre de Commerce et d’Industrie Tuniso-Française, Hichem Turki a présenté le modèle opérationnel développé par Novation City pour faciliter la synergie entre startups technologiques et tissu industriel tunisien.

**Trois centres de compétences pour structurer l’innovation**
Novation City a mis en place des centres de compétences basés sur trois axes stratégiques : l’industrie intelligente, l’intelligence artificielle et la mobilité. Cette spécialisation est liée à la mécatronique, qui est par nature transversale. Chaque centre de compétences se concentre sur trois activités principales : formation, incubation et accélération, ainsi que conseil et accompagnement des entreprises.

L’approche de Novation City se démarque par ce que Hichem Turki appelle l’« open innovation », avec une nuance importante : ce n’est pas l’entreprise qui dirige cette démarche d’innovation ouverte, mais Novation City qui guide l’entreprise et attire les startups à l’intérieur de l’organisation. Ce rôle d’intermédiaire proactif a pour but de surmonter les réticences et incompréhensions entre ces deux mondes aux logiques de fonctionnement et aux temporalités distinctes.

**L’expertise terrain, clé de la confiance**
La crédibilité de cette médiation s’appuie sur l’expertise des équipes de Novation City. En étant présents au sein des entreprises, les experts peuvent proposer des technologies développées par les startups qu’ils soutiennent. Cette immersion crée un climat de confiance entre les entreprises et les solutions technologiques émergentes, un élément que Turki juge essentiel pour l’adoption de l’innovation. L’accès aux experts, ainsi que leur connaissance du terrain, est selon lui un atout décisif pour ouvrir les portes aux startups et leur permettre d’obtenir un premier contrat, souvent crucial pour leur développement.

Novation City s’inscrit dans un écosystème complexe et interconnecté, collaborant étroitement avec l’enseignement supérieur, la recherche, les technopôles et les clusters. Cette approche vise surtout les PME, qui ne possèdent pas les ressources financières et organisationnelles des grandes entreprises pour mener seules des démarches d’open innovation. Alors que des grandes entreprises françaises présentes en Tunisie, telles que Actia ou Safran, peuvent déployer leurs propres dispositifs d’innovation ouverte, les PME nécessitent un accompagnement structuré pour accéder à l’innovation technologique.

**De Tunis aux podiums internationaux**
Une fois la première collaboration établie, Novation City continue d’accompagner les startups dans leur expansion internationale, notamment par leur participation à des salons professionnels et à des concours internationaux. Turki mentionne l’IA Challenge et l’Arabia Challenge, deux compétitions où les startups tunisiennes se distinguent régulièrement, atteignant les premiers rangs. Ces succès témoignent, selon lui, de la qualité des talents disponibles en Tunisie, une ressource d’innovation à exploiter.

Concernant la préparation de l’écosystème tunisien aux sorties internationales, Hichem Turki a une position nuancée. Il admet que le marché tunisien est limité et ne permet pas, à lui seul, de générer des sorties significatives pour les startups. L’internationalisation devient alors nécessaire non seulement pour explorer de nouveaux marchés, mais également pour contourner les contraintes réglementaires liées aux devises en Tunisie. Une présence physique sur d’autres marchés est donc essentielle pour envisager des sorties significatives.

Novation City a établi des partenariats stratégiques pour aider les startups dans cette internationalisation, veillant à ce qu’elles ne s’engagent pas seules, mais bénéficient d’un soutien structuré. Plusieurs projets sont en préparation, et Turki exprime sa fierté quant aux perspectives qui s’offrent à ces jeunes entreprises.

**Exits : la collaboration comme tremplin vers les rachats**
Quant à la capacité des entreprises tunisiennes à participer directement à des exits par rachat, le directeur général de Novation City reste pragmatique. Il constate qu’il n’y a pas, à l’heure actuelle, un nombre suffisant d’entreprises de taille critique en Tunisie, capables d’absorber des startups lors d’opérations de croissance externe significatives. Cependant, il souligne que les collaborations établies en amont, facilitées par Novation City, peuvent créer des opportunités d’acquisition par des groupes internationaux, y compris ceux présents en Tunisie, comme Safran.

Pour soutenir cette dynamique, Novation City pilote ou participe à plusieurs programmes structurants. En plus de ses propres initiatives, l’organisation est impliquée dans des programmes intéressants en collaboration avec le cluster et l’Agence de Promotion de l’Industrie et de l’Innovation, notamment à travers le dispositif Smart Capital, qui vise spécifiquement à promouvoir la collaboration entre startups et entreprises tout en accompagnant leur partenariat concret.

Turki insiste sur l’importance de cultiver cette relation de confiance entre startups et entreprises pour l’avenir de l’écosystème tunisien. Bien que la capacité financière locale reste limitée pour absorber de grandes sorties, des partenariats industriels bien menés avec de grands groupes, qu’ils soient tunisiens ou internationaux, peuvent aboutir à des opérations de rachat significatives. Il rappelle aussi que les startups, au-delà de l’aspect technologique, doivent être soutenues dans tous les aspects de leur développement : finance, accès au marché, gestion d’équipe. Cette vision holistique de l’accompagnement est, selon lui, cruciale pour aider les startups à franchir les différentes étapes et atteindre une maturité suffisante pour envisager des sorties réussies.

Hichem Turki a également mentionné la création d’une Smart Factory au sein de Novation City, un espace destiné à permettre aux startups de tester leurs solutions dans un environnement industriel réel avant de les déployer chez les clients. Ce dispositif vise à rassurer les entreprises, leur offrant la possibilité de valider concrètement les technologies proposées par ces jeunes startups, dans des conditions proches de celles de leurs propres installations de production. Cette démarche met en lumière la volonté de réduire les risques perçus par les industriels et de faciliter l’adoption de solutions innovantes en créant un environnement de test sécurisé.