Tunisie

Film « The voice of Hind Rajeb » de Kaouther Ben Hania : Incrimination ou compassion ?

Le film «The voice of Hind Rajeb» de la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania a été primé au Lion d’argent lors de sa première mondiale à la Mostra de Venise. Il retrace la destinée tragique de la petite fille palestinienne Hind Rajeb, unique survivante de sa famille, assassinée par 355 tirs de l’armée sioniste.

kaouther ben hania

La littérature, les arts visuels et le cinéma ont toujours été des outils essentiels pour l’humanité, agissant comme une barrière contre l’oubli, le mensonge et les falsifications. Concevoir le réel de manière esthétique pour apaiser les souffrances, même moralement, témoigne de l’engagement de l’artiste envers des causes humaines.

Nous avons tous été ravis d’apprendre la sortie du film «The voice of Hind Rajeb» de la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania. Pleins d’impatience, animés par la curiosité de découvrir cette œuvre qui a attiré de prestigieux producteurs occidentaux et qui a été récompensée à la Mostra de Venise lors de sa première mondiale, décrochant le Lion d’argent, une distinction honorifique d’un festival renommé, outre d’autres prix parallèles.

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Ainsi, c’est avec une grande curiosité que nous nous sommes rendus au cinéma Le Colisée le 12 septembre, pour la projection réservée aux journalistes. Hélas ! Juste après celle-ci, l’enthousiasme s’est évanoui, laissant place à une déception, en constatant que ce film ne pourrait pas se hisser parmi les grandes œuvres de l’histoire, telles que «Guernica» de Pablo Picasso, «Les Horreurs de la guerre» de Rubens ou encore des films traitant des bombardements et des génocides, sans atteindre les sommets de «Apocalypse Now» de Francis Coppola.

Incrimination ou compassion ?!

Le film se classe dans la catégorie docu-fiction. Il retrace le destin tragique de la petite fille palestinienne Hind Rajeb, unique survivante parmi les victimes de sa famille, qui appelle en vain à l’aide et finit par mourir après des heures d’attente, tuée par 355 balles de l’armée sioniste.

La tragédie de l’enfant Hind Rajab, parmi d’autres actes atroces, atteint un sommet de la monstruosité sioniste. Créer des œuvres cinématographiques sur la réalité de Gaza et de la Palestine est un impératif éthique, une nécessité historique et un engagement humain. Au minimum, il est essentiel de représenter sur l’écran les horreurs de cet occupant criminel de manière responsable, claire, directe et tranchante.

Le cinéma est l’art le plus puissant, influent et concret pour sensibiliser le monde occidental silencieux, en lui montrant son incapacité face à la cause palestinienne et en braquant la caméra sur la déliquescence des valeurs universelles. L’objectif n’est pas de susciter une compassion, de demander pitié, mais de promouvoir une conscience critique face à la situation à Gaza !

«The voice of Hind Rajeb» de Kaouther Ben Hania a touché l’affectif du public au détriment de son intellect, se limitant à une séance cathartique où les larmes ont coulé, tout en évitant une incrimination directe de l’occupant sioniste. S’adresser à l’opinion occidentale ne devrait pas se cantonner à émouvoir et à provoquer de l’empathie, mais à s’indigner, à dénoncer le génocide, tout en questionnant le silence et l’avilissement des valeurs humaines.

Les réseaux sociaux ont joué un rôle significatif en diffusant des informations et en touchant un large public sur les événements. L’artiste, de son côté, doit assumer une responsabilité plus profonde, plus consciente et plus déterminante. Il est appelé à offrir une vision cinématographique, une approche esthétique réfléchie, incitant à l’interrogation, à la réflexion, à disséquer les structures de pouvoir de l’occupant sioniste et à motiver une action pour engendrer un changement positif.

L’ombre d’une autocensure

«The voice of Hind Rajeb» s’est concentré sur deux éléments : d’une part, il a mis en lumière les obstacles internes liés au Croissant-Rouge Palestinien, aux complications administratives et aux problèmes de coordination entre les différentes cellules d’intervention qui ont freiné l’envoi des secouristes.

D’autre part, il a questionné les conflits internes parmi les Palestiniens, illustrés par le désaccord entre Amr, qui souhaitait sauver la fille coûte que coûte, et son supérieur, Mahdi, chef du centre, soumis aux protocoles du Croissant-Rouge pour éviter de perdre des secouristes.

Le désaccord était tel qu’ils en venaient à s’accuser mutuellement. À mon avis, ces deux éléments ont dominé le film, reléguant la source du mal — l’entité sioniste — au second plan. Cela a, par la suite, détourné l’attention du spectateur du génocide et des atrocités sionistes. D’ailleurs, la dévastation et les destructions à l’extérieur sont montrées très brièvement à la fin, sans dépasser quelques secondes, avant de revenir à l’interview de la mère de Hind.

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Il semblerait donc que le film ait été orienté par les producteurs occidentaux, ou potentiellement qu’il soit le résultat d’une autocensure de la réalisatrice, choisissant un cadre intérieur comme lieu d’action, peut-être pour garantir des financements et l’intérêt des festivals internationaux (l’autocensure est plus insidieuse que la censure extérieure). Quoi qu’il en soit, il y a comme une impression d’une certaine manipulation politique et d’un détournement de regard par rapport à l’horreur de l’occupant sioniste.

Le cinéma, c’est d’abord l’image!

En dehors du stress, de l’effondrement émotionnel et des pleurs, que reste-t-il du film ? Quelles impressions subsistent après la projection ? Presque rien ! Mais le cinéma, avant tout, est une question d’image, de narration, de jeu d’acteurs, de belles prises de vue et d’expressions visuelles, de rythme, et de vision créative du réalisateur… Il ne reste à mon sens rien d’exceptionnel dans ce film, sinon la voix tragique de Hind Rajeb qui résonnait en nous dès que l’on a entendu sa voix le jour même de sa tragédie sur les réseaux sociaux.

Honnêtement, le scénario est si simple qu’il ressemble à un documentaire sonore, d’autant plus qu’il s’appuie sur des enregistrements audio de la voix de Hind. Par conséquent, sur le plan cinematographique, le film est relativement modeste.

Ce qui a touché le public, c’est la tragédie de l’enfant Hind, et non les qualités esthétiques du film. C’est dans un esprit de solidarité que ce film a attiré plusieurs producteurs de renom, que ce soit pour prendre position ou pour des raisons mercantiles, compte tenu de l’évolution de l’opinion publique occidentale concernant Gaza. C’est pourquoi le film a été ovationné pendant 23 minutes lors de sa première mondiale, une réaction tout à fait normale, et a reçu le prestigieux Lion d’argent de la Mostra de Venise !?