En Tunisie, la justice ordonne la libération du journaliste Mohamed Boughalleb
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La justice tunisienne a décidé jeudi 20 février de remettre en liberté Mohamed Boughalleb, journaliste et figure médiatique poursuivi en vertu d’un décret présidentiel visant officiellement à lutter contre les « fausses informations », a rapporté à l’Agence France-Presse (AFP) l’un de ses avocats. Sa libération intervient au lendemain de celle de Sihem Bensedrine, l’une des militantes des droits humains les plus connues du pays.
La cour criminelle au sein du tribunal de première instance a accepté la demande de la défense de libérer le journaliste, qui reste poursuivi en vertu du décret-loi 54, selon Me Hamadi Zaafrani. Il lui est interdit de quitter le territoire et son procès a été reporté au 21 avril, selon la même source.
Ses frères avaient indiqué à l’AFP qu’il était fragile, souffrant de diabète et d’hypertension. Fin janvier, le président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH), Bassem Trifi, l’avait mentionné parmi des détenus dans « un état de santé grave ».
Ce journaliste est connu en Tunisie pour ses critiques de la classe politique et du président Kais Saied et son travail d’investigation dans des affaires de corruption. Emprisonné depuis le 22 mars 2024, il avait été condamné un mois plus tard à six mois de prison, peine alourdie à huit mois en appel, pour avoir porté atteinte à l’honneur et la réputation d’une cheffe de service au sein du ministère des affaires religieuses.
« Nouvelle gifle »
Dans une publication sur sa page Facebook et à l’antenne d’une radio privée, M. Boughalleb avait demandé des explications sur l’intérêt de déplacements de cette responsable à l’étranger avec le ministre des affaires religieuses.
Selon des données de la LTDH fin janvier, « environ 400 personnes sont poursuivies » en vertu du décret, dont des opposants, des journalistes, des avocats, des blogueurs et des citoyens. Le président Kaïs Saïed avait promulgué ce décret en septembre 2022 pour lutter contre la diffusion de « fausses informations », mais le texte est vivement critiqué par les défenseurs de droits pour l’interprétation trop large qu’en fait la justice.
Des ONG et des députés indépendants ont appelé fin janvier à réviser ou abroger ce texte dénonçant son instrumentalisation pour écarter les voix critiques. Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, le Syndicat national des journalistes tunisiens a toutefois estimé que la libération de Mohamed Boughalleb constituait « une nouvelle gifle au décret 54, qui s’est avéré être par les faits une arme de persécution des leaders d’opinion et des journalistes ».
Depuis que le président Saïed, élu démocratiquement en octobre 2019, s’est octroyé les pleins pouvoirs lors d’un coup de force en juillet 2021, des ONG tunisiennes et internationales ont déploré une régression des droits en Tunisie.