Tunisie

« El Sett », biopic d’Oum Kolthoum : la diva derrière la femme

Oum Kalthoum, surnommée l’Astre d’Orient, est la chanteuse la plus célèbre du monde arabe. Le long métrage « El Sett », avec Mona Zaki dans le rôle principal, a été présenté en salles à partir du 11 décembre.


Que l’on soit un fervent admirateur d’Oum Kalthoum ou que l’on préfère d’autres styles musicaux, ce film modifie la perception que l’on peut avoir de ses œuvres.

La Presse — Surnommée l’Astre d’Orient ou la Quatrième Pyramide, Oum Kalthoum est incontestablement la chanteuse la plus renommée du monde arabe. Ses chansons ont envoûté des générations et sa vie tumultueuse inspire toujours les cinéastes. Cinquante ans après sa disparition, le long métrage égyptien « El Sett », avec la star Mona Zaki dans le rôle principal, est actuellement projeté dans nos salles.

Une controverse entoure la sortie du film. Depuis le 11 décembre, les amateurs de cinéma et de musique peuvent découvrir ce nouveau biopic. Le scénario, signé Ahmad Mourad, est connu pour avoir écrit « Al Fil Al Azrak » (L’éléphant bleu), best-seller vendu à plus d’un million d’exemplaires, adapté avec succès au cinéma. Le réalisateur, Marwan Hamed, a également dirigé le célèbre « Imarat Yaâkoubian » (L’immeuble de Yaâkoubian) et a collaboré avec Mourad sur plusieurs films à succès.

Avec un duo aussi talentueux et l’affection que suscite Oum Kalthoum, beaucoup attendaient un projet artistique d’exception. Pourtant, le film a été critiqué dès son annonce. Deux raisons principales ont alimenté cette polémique. Tout d’abord, un feuilleton retraçant la vie d’Oum Kalthoum, interprété par l’actrice Sabrine, avait été diffusé en 1999, recueillant des éloges du public et de la critique. Beaucoup s’interrogent sur ce qu’un film de 2 heures pourrait apporter de nouveau par rapport à une série de 30 épisodes.

La seconde raison de la controverse concerne le choix de Mona Zaki pour le rôle principal. L’actrice a récemment été critiquée pour son interprétation de Souad Hosni dans une série qui n’a pas convaincu. De plus, sa popularité a diminué, notamment à cause de son rôle controversé dans le film « On se connaît.. ou pas » (Ashab.. wella aazz). L’idée de la voir dans la peau d’une personnalité aussi rigoureuse qu’Oum Kalthoum suscite des doutes, notamment en raison de l’absence de ressemblance physique et de traits de caractère communs.

Le film débute avec une voix off relatant la guerre en Égypte en 1967, en parallèle du concert légendaire d’Oum Kalthoum à l’Olympia de Paris, attirant des fans, dont certains haut placés. Mona Zaki, méconnaissable grâce à des effets spéciaux, incarne la diva. Un fan excité provoque une chute de la chanteuse sur scène, déclenchant le chaos. Alors qu’elle est au sol, elle repense à son parcours, de son enfance dans un village à son statut d’artiste emblématique.

Le film alterne entre flashbacks et scènes actuelles, dévoilant non seulement son ascension fulgurante, mais également l’interaction entre les dynamiques politiques et musicales et la complexité de son personnage. Oum Kalthoum était à la fois une diva et une femme sensible, à la fois forte et vulnérable, portant en elle une dualité qui rend son parcours unique. Bien qu’elle semble posséder tout, son cœur a été brisé à plusieurs reprises, symbolisant une solitude et une souffrance que le choix de Mona Zaki met en lumière. L’actrice réussit à dessiner le portrait d’Oum Kalthoum, capable de charme et d’intelligence.

Des scènes émouvantes du film ont suscité des émotions parmi les spectateurs. Le long métrage évoque aussi son engagement, notamment en tant que première femme élue à la tête du Syndicat des musiciens en Égypte. Les dernières images montrent ses funérailles, auxquelles ont assisté quatre millions et demi de personnes, et le public a longuement applaudi jusqu’à la fin du générique, un fait rare au cinéma.

Pour rendre hommage à « El Sett », le film devait être impressionnant et novateur. Chaque décennie de sa vie, depuis les années 1920, est minutieusement reconstituée, avec des détails de décors, costumes, coiffures et mobilier d’époque. Certaines scènes iconiques ont été recréées avec un soin remarquable, malgré le budget élevé et la complexité du procédé. Le film mélange séquences en couleur et en noir et blanc, offrant une atmosphère authentique et captivante. Des acteurs renommés, tels que Sayed Ragab, Mohamad Farrag, Amina Khalil, Karim Abdelaziz, Nelly Karim et Ahmad Helmy, viennent enrichir le casting, apportant une touche d’humour.

Cependant, la bande sonore ne respecte pas toujours la tradition orientale, ce qui pourrait ne pas convenir à la tension dramatique de certaines scènes. Ce long métrage de 160 minutes cherche davantage à exposer la sensibilité d’Oum Kalthoum, femme de sacrifices, qui continue de se relever après chaque chute. Au final, que l’on soit un inconditionnel d’Oum Kalthoum ou non, ce film modifie notre vision de ses œuvres. Ses chansons prendront une résonance différente, devenant plus proches grâce au lien intime établi par ce biopic.