Débats budgétaires 2026 : Les moments clés à retenir
Les débats budgétaires pour l’exercice 2026 ont porté sur des thèmes tels que « une voiture pour chaque famille » et « une taxe sur la fortune ». Selon un rapport de la Banque mondiale publié en 2024, la Tunisie compte le plus grand écart entre l’impôt perçu sur le revenu du travail et celui collecté sur le revenu du capital.
« Une voiture pour chaque famille » et « une taxe sur la fortune » ont marqué les débats budgétaires pour l’exercice 2026, qui visaient à promouvoir une dimension sociale et solidaire.
Les propositions de majorations salariales sur trois ans ont également suscité de vives réactions, tant au sein qu’en dehors du Palais du Bardo, alors que les élus de l’Assemblée nationale et du Conseil national des régions et des districts échangeaient âprement sur le projet du gouvernement.
Après plus de trois semaines de discussions, il apparaît quasi certain que les riches ne paieront pas la taxe sur la fortune suggérée par le gouvernement, tandis que les ménages pourraient avoir un espoir, « faux ou presque », selon certaines analyses, d’accéder à une voiture, étant donné le nombre et la complexité des conditions établies.
Les débats budgétaires s’achèvent, mais les thèmes évoqués continuent de faire l’actualité. Analyse.
La Presse — L’idée d’accorder un avantage fiscal à chaque famille tunisienne pour importer une voiture ne dépassant pas sept ans n’était pas dans la version initiale présentée par le ministère des Finances. Un article a été ajouté à la suite de propositions lors des discussions en commission, mais sans étude ni demande manifestes de la part des Tunisiens.
L’acquisition d’un véhicule est souvent perçue comme un symbole de réussite et de statut social. Il est nécessaire de rappeler que « la voiture familiale » est l’une des ambitions majeures des Tunisiens, au même titre que fonder une famille ou accéder à la propriété.
Cette proposition évoque une mesure similaire prise en 1994, visant à permettre à chaque famille d’acquérir une voiture 4 chevaux, dite « populaire », devenue obsolète face à l’augmentation vertigineuse des prix des véhicules neufs par rapport à une hausse des salaires beaucoup moins prononcée, la loi de finances prévoyant une augmentation de 4 % pour 2026, 2027, et 2028.
Dans un contexte de dégradation et de vétusté des transports en commun, les Tunisiens voient la voiture comme une nécessité plutôt qu’un luxe, même si le projet de budget prévoit l’acquisition de nouvelles rames de métro et de bus à partir de 2026.
Pour répondre à cette nécessité devenue un luxe, certains Tunisiens n’hésiteront pas à s’endetter, comme l’expérience vécue avec les 4 CV, où l’État avait prévu un mécanisme de financement à travers les caisses sociales.
Les arguments des opposants à la mesure
Les détracteurs du projet visant à relancer le « rêve » d’acquérir une « bagnole » à un prix abordable avancent de nombreux arguments. De manière générale, on estime que l’achat d’une voiture d’occasion (âgée de maximum 7 ans) entraînerait des dépenses supplémentaires (vignette, assurance, entretien), pour des ménages supposés déjà aux prises avec des finances limitées.
Pour le pays, cela signifierait une augmentation des importations de carburant et de pièces de rechange, ainsi qu’une hausse des émissions de gaz à effet de serre, alors qu’à quelques encablures de nos côtes maritimes, un passage complet aux véhicules électriques est envisagé d’ici 2035 pour une économie verte et une vie saine.
Dans cette optique, investir dans des véhicules d’occasion, même à bas prix, ne peut être perçu comme un progrès, même comparé aux 4 CV de 1994. Comment convaincre des députés soucieux de leurs intérêts électoraux ?
Les nombreuses et complexes conditions pourraient également envisagées comme un rempart indirect contre la transformation de la Tunisie en dépotoir de voitures d’occasion importées. Comment contrôler la qualité des véhicules importés ?
Quid de l’impôt sur la fortune
Si le débat autour de la « voiture pour chaque famille » ne devrait pas alarmer les finances publiques à court terme, la question de l’« impôt sur la fortune » soulève davantage d’inquiétudes et nécessite une réflexion approfondie pour éviter une faille budgétaire qui pourrait compromettre des objectifs sociaux pourtant légitimes.
Ces objectifs sont en effet au cœur de la nouvelle politique en Tunisie, et d’une manière ou d’une autre, le gouvernement devra réévaluer la situation afin de renforcer l’équité, au bénéfice des plus vulnérables, sans pénaliser outre mesure les plus favorisés, pour assurer une stabilité sociale durable.
Concernant les fortunes, il est essentiel de distinguer entre trois catégories. D’une part, il y a les grands groupes connus, qui paient leurs impôts, créent des emplois, adhèrent aux objectifs et s’engagent dans le circuit légal de l’économie. Les pénaliser avec de nouvelles taxes revient, selon certains députés, à sanctionner les réussites économiques qu’ils représentent.
D’autre part, il existe le secteur informel, qui prospère rapidement mais reste peu-visible, ses acteurs opérant dans la clandestinité. Entre ces deux extrêmes, certains acteurs maintiennent une partie de leur activité dans le secteur formel tout en profitant des opportunités du secteur informel.
Tout cela aura un prix… !
« Trop d’impôt aurait un effet contraire ! », ont averti de nombreux députés, mettant en garde contre le risque de voir les acteurs du secteur légal migrer vers l’informel, voire délocaliser. Ceux qui ont constitué des fortunes à l’étranger ne seraient pas incités à rapatrier leurs actifs », a-t-on aussi souligné.
Dans le cadre de cette polémique, un expert a estimé, sans argumentation scientifique, que l’impôt sur la fortune ne devrait générer qu’environ 11 millions de dinars de recettes fiscales. « Quel est l’intérêt d’adopter une mesure aux retombées aussi limitées ? »
En réponse, l’Observatoire tunisien de l’économie (OTE) a affirmé que le rejet de l’article 50 du projet de budget serait un recul, soutenant que l’impôt sur la fortune pourrait inciter les individus fortunés à réorienter leurs actifs vers des investissements plus rentables et productifs.
L’article contesté visait à rééquilibrer la répartition des richesses en Tunisie, note l’OTE, soulignant que 10 % des plus riches possèdent 58 % de la richesse totale, et 1 % d’entre eux détient 24,1 %, tandis que 50 % de la population ne partage que 4,9 % des richesses.
Selon un rapport de la Banque mondiale publié en 2024, la Tunisie affiche le plus grand écart entre l’impôt sur le revenu du travail et celui sur le revenu du capital.
Enfin, il est à noter qu’au cours des débats, la question de la gestion des fortunes n’a jamais été soulevée, une spécialité abordée ailleurs, qui semble pourtant intéresser peu tant les décideurs que les barons de la richesse, la structure des entreprises tunisiennes étant majoritairement « familiale » pour des raisons culturelles qui pourraient nécessiter une remise en question. Les débats sur ce sujet ne font que commencer.

