De l’aubaine à la malédiction : Tunisie et sa récolte record
Le pays s’apprête à réaliser une production historique de 500 000 tonnes d’huile d’olive cette saison, portée par des conditions météorologiques favorables. Faouzi Zayani, expert en politique agricole et président de l’association Tunisie Oléiculture, alerte sur une situation paradoxale où ce secteur stratégique risque de devenir une menace pour la paix sociale.
Le pays se prépare à atteindre une production record de 500 000 tonnes d’huile d’olive cette saison, grâce à des conditions météo favorables. Sur le marché international, la demande dépasse l’offre d’au moins 10 %, plaçant la Tunisie dans une situation théoriquement avantageuse. Cependant, cette réussite fait face à une chute des prix qui entraîne la colère des agriculteurs.
Dans une intervention sur les ondes de RTCI, le 19 décembre 2025, Faouzi Zayani, expert en politique agricole et président de l’association Tunisie Oléiculture, a alerté sur un paradoxe : ce secteur stratégique risque de devenir un danger pour la paix sociale. Les prix sur les marchés internationaux s’élèvent à plus de 4,40 euros le kilo, soit environ 15 dinars, mais les importateurs étrangers offrent aux exportateurs tunisiens des tarifs allant de 3 à 3,50 euros le kilo. De tels prix ne couvrent même pas les coûts de production, alors que les producteurs dépensent entre 3 500 et 4 000 dinars pour produire une tonne d’huile d’olive.
L’expert souligne l’absence de vision et de stratégie des autorités publiques dans la gestion de la production, du stockage et de la commercialisation. La prime de stockage mise en place par l’Office National de l’Huile, située entre 100 et 110 dinars par tonne, est jugée largement insuffisante. Faouzi Zayani estime qu’elle devrait s’élever à au moins 500 dinars la tonne, être versée en amont et prolongée de six mois, au lieu de trois.
Le président de Tunisie Oléiculture indique que le pays dispose d’une capacité de stockage privée dépassant 300 000 tonnes, tandis que l’ONH peut en stocker 90 000. Il recommande que l’État acquière l’équivalent de 100 000 tonnes d’huile d’olive à des prix proches de ceux du marché international, afin de créer un effet psychologique et de rétablir l’équilibre des forces avec les acheteurs étrangers.
La question de la valorisation est essentielle. Actuellement, 85 % de l’huile tunisienne est exportée en vrac, sans marque, souvent pour être réétiquetée ailleurs. Cette situation réduit la Tunisie à un rôle de sous-traitant, entraînant une perte de valeur ajoutée et d’identité pour le produit. Faouzi Zayani préconise une politique commerciale favorisant l’exportation de produits conditionnés, en particulier d’huile d’olive biologique.
À moyen et long terme, l’expert recommande la création d’une agence nationale de l’exportation regroupant toutes les instances concernées, des médias spécialisés aux différents ministères impliqués. Il met en garde contre le risque de voir les producteurs abandonner leur profession face à des crises récurrentes, d’autant que d’autres pays développent leur propre culture oléicole.

