Tunisie

De Beijing à Tunis : Le rôle des femmes pour la stabilité en Afrique

Pour la première fois hors du siège de l’Union africaine, Tunis accueille le Forum africain sur les femmes, la paix et la sécurité les 9 et 10 décembre au siège de l’Académie diplomatique internationale de Tunis. La sixième session ordinaire de ce Forum, créé en 2019, vise à renforcer la mise en œuvre de l’agenda international et africain en matière de participation des femmes, de prévention des conflits et de consolidation de la paix.

Pour la première fois hors du siège de l’Union africaine, Tunis accueille le Forum africain sur les femmes, la paix et la sécurité.

Alors que, vingt-cinq ans après la résolution 1325 et trente ans après Beijing, les droits des femmes continuent d’être menacés, cette rencontre continentale souligne que la stabilité des sociétés africaines dépend de l’émancipation et de l’implication des femmes.

La Presse —La sixième session ordinaire du Forum africain de haut niveau sur les Femmes, la Paix et la Sécurité se déroulera les 9 et 10 décembre à l’Académie diplomatique internationale de Tunis.

Pour la première fois depuis sa création, cet événement stratégique quitte le siège de l’Union africaine pour se tenir dans un pays membre, témoignant de la confiance accordée à la Tunisie et à sa diplomatie.

Selon le ministère des Affaires étrangères, cette édition rassemblera des personnalités africaines et internationales autour du thème : « Vingt-cinq ans après la résolution 1325 : renforcer la diplomatie multilatérale pour consolider l’agenda Femmes, Paix et Sécurité en Afrique dans un ordre mondial en mutation ».

Des représentants d’États membres de l’Union africaine, de pays partenaires, d’organisations internationales, de think tanks, d’ONG et d’associations travaillant pour les droits des femmes dans le domaine de la paix et de la sécurité participeront à ce Forum.

Un double anniversaire pour un agenda encore inachevé

Ce Forum coïncide avec deux événements marquants : le 25e anniversaire de l’adoption de la résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations unies et le 30e anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing.

Créé en 2019, le Forum africain Femmes, Paix et Sécurité est aujourd’hui une plateforme stratégique continentale, consacrée à la réflexion, au suivi des engagements et à la planification conjointe.

Son objectif est de renforcer l’application effective de l’agenda international et africain concernant la participation des femmes, la prévention des conflits, la protection et la consolidation de la paix.

La femme, première cible en temps de guerre

En dépit d’un vaste arsenal juridique international, la réalité demeure sévère : la femme est le maillon le plus vulnérable, tant en temps de conflit qu’en temps de paix.

Dans les zones de guerre, elle devient souvent la première cible. Le viol y est utilisé comme arme de terreur et de domination, un outil pour démoraliser les communautés, instiller la peur et briser les liens sociaux.

Cette vulnérabilité est particulièrement manifeste dans les régions pauvres d’Afrique, d’Asie du Sud et du Sud-Est.

Le retour des Talibans au pouvoir en Afghanistan en est une illustration douloureuse ; les femmes en subissent aujourd’hui le coût le plus lourd, privées d’éducation, de liberté de mouvement, de protection et parfois même de leur existence publique.

Un fardeau invisible mais constant

Hors des conflits armés, la charge pesant sur les femmes demeure immense. Elles élèvent les enfants, gèrent les foyers, effectuent les tâches domestiques et travaillent souvent pour subvenir aux besoins de la famille.

Dans de nombreux pays en développement, cette responsabilité est aggravée par la pauvreté, le manque de services publics, l’instabilité économique et des normes sociales restreignant leur autonomie.

Dans ce contexte, même en Tunisie, où les femmes bénéficient de lois protégeant leurs droits et leur égalité avec les hommes, des difficultés persistent.

Les mentalités, les reculs intermittents des acquis et une société parfois pesante continuent de les opprimer, montrant que la législation seule ne garantit pas la liberté et la dignité.

Comme l’histoire le démontre, lorsque un régime se sent menacé, la première liberté sacrifiée est celle des femmes. L’exemple de l’Iran est significatif : restreindre les droits des femmes devient un outil politique pour rétablir le contrôle sur une société agitée.

Les contextes de crise mettent ainsi en lumière cette réalité brutale ; les femmes sont les premières pénalisées, les premières à être muselées.

La paix portée par les femmes

Il est souvent oublié que la paix ne résulte pas seulement de résolutions internationales ou de signatures d’accords.

Elle se construit d’abord sur le terrain, au quotidien, grâce aux femmes, loin des tribunes officielles.

Dans les villages isolés, elles désamorcent les tensions familiales, maintiennent les liens entre communautés et protègent les enfants des cycles de violence.

Dans les quartiers urbains vulnérables, elles organisent la solidarité, créent des réseaux d’entraide, surveillent les dérives et préservent un équilibre là où les institutions s’affaiblissent. Leur action, souvent discrète et jamais spectaculaire, est essentielle.

C’est une diplomatie de proximité, patiente, ancrée dans la réalité. Reconnaître ce rôle, le valoriser et le soutenir, c’est admettre que la stabilité d’un pays repose autant sur ces interventions invisibles que sur les décisions des capitales.

La paix se construit d’abord par les mains de celles qui soutiennent la société au quotidien.

Pour une stratégie au service de l’autonomisation

Parce que la femme reste la colonne vertébrale de toute société, il est urgent que les États ne se contentent plus de déclarations de principe et passent à de véritables politiques publiques, ambitieuses et efficaces.

La priorité absolue doit être l’éducation. Une société qui néglige l’instruction de ses filles compromet non seulement son avenir, mais diminue également sa capacité à bâtir une citoyenneté éclairée.

Assurer l’accès à l’école, coûte que coûte, quelle que soit la crise, est le premier acte de résistance contre l’obscurantisme, la pauvreté et la marginalisation.

Cette éducation doit s’accompagner d’une véritable autonomisation économique. Tant qu’une femme n’a pas de revenus stables, d’opportunités professionnelles et d’accès équitable au marché du travail, elle reste piégée dans un cycle de dépendance qui entrave sa capacité à se défendre, à se projeter et à influencer les choix de société.

L’indépendance économique n’est pas un luxe ; c’est une condition de dignité. À cela s’ajoute un impératif moral et politique : lutter résolument contre toutes les formes de violence, y compris celles qui se manifestent dans le silence des foyers.

Trop souvent, ces violences demeurent invisibles ou sont tolérées, alors qu’elles constituent l’un des principaux obstacles à l’émancipation des femmes et l’une des plus graves atteintes à l’intégrité humaine. Protéger les femmes, c’est protéger le socle même de la cohésion sociale.

Enfin, dans les processus de paix et les négociations diplomatiques, la place des femmes doit cesser d’être symbolique. Toutes les études montrent que leur contribution rend les accords plus durables, inclusifs et légitimes.

Cependant, elles restent encore largement écartées des décisions sur l’avenir des nations. Les inclure n’est pas un geste de représentation, mais un choix stratégique.

Car lorsqu’une femme s’effondre, ce n’est jamais elle seule qui tombe : ce sont ses enfants, sa famille et parfois toute une communauté qui vacillent.

À l’inverse, lorsque une femme progresse, tout un pays avance avec elle. Le Forum de Tunis représente précisément cette opportunité.

Après vingt-cinq ans de promesses, le véritable défi est d’activer le pouvoir des femmes, pour qu’elles soient au centre des décisions et des transformations qui façonnent l’Afrique.

Dans chaque village, chaque ville et chaque institution, leur action bâtit la paix, la stabilité et la prospérité que le continent mérite.