Suisse

Résiliations de comptes bancaires, frais élevés: les Suisses de l’étranger subissent-ils l’effet Trump?

Main sortant un billet de dix francs d'un porte-monnaie rempli de billets.


En tant que Suisse à l’étranger, on paie des frais plus élevés pour son compte bancaire en Suisse – un sujet qui préoccupe depuis longtemps la Cinquième Suisse.


Keystone / Christian Beutler

Postfinance résilie les comptes de Suisses à Cuba – un exemple des difficultés croissantes auxquelles la Cinquième Suisse est confrontée avec les banques. Et l’arrivée de Donald Trump ne simplifie pas les choses.

«Nous sommes contraints de mettre fin à notre relation d’affaires avec vous et de résilier les comptes et services correspondants», indique Postfinance dans une lettre adressée à Sandra S., une Suisse vivant à Cuba.

Elle a deux semaines pour chercher un nouvel établissement. Sandra S. tente de retirer de l’argent de son compte, ce qui n’est déjà plus possible. Et comme le précise la radiotélévision publique alémanique SRFLien externe, trouver une nouvelle banque depuis l’étranger en si peu de temps est inenvisageable.

Les Suisses de l’étranger et leurs comptes bancaires est un sujet qui préoccupe la Cinquième Suisse. Quelle banque leur est favorable, à quelles conditions peut-on maintenir une relation bancaire et combien cela coûte-t-il?

Actuellement, Postfinance ferme les comptes des Suisses résidant à Cuba dans un délai de deux semaines. La banque réagit ainsi au durcissement des sanctions américaines et aux menaces de Donald Trump, poursuit SRF.

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Moins d’une douzaine de relations d’affaires concernées

Sandra S. est surprise par cette résiliation. Elle est une cliente tout à fait normale depuis de nombreuses années, vit à Cuba et s’acquitte de frais bancaires plus élevés en tant que Suisse de l’étranger. Elle ignore comment elle recevra à l’avenir ses rentes de l’AVS.

Les recherches de SRF montrent qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé. Au contraire, Postfinance résilie actuellement systématiquement les comptes de ses clients et clientes ayant des liens avec Cuba. La raison du délai si court reste obscure.

212 ressortissants et ressortissantes suisses étaient enregistrés à Cuba à la fin de l’année 2024. Moins d’une douzaine de relations d’affaires sont concernées, a indiqué Postfinance à l’agence de presse AWP.

Postfinance n’a pas fourni d’informations supplémentaires à SRF. Cette réaction permet de conclure que le long bras de Donald Trump s’étend jusqu’au siège bernois de Postfinance.

Y a-t-il un effet Trump? Les banques suisses sont-elles devenues plus sensibles aux comptes bancaires des Suisses de l’étranger? Si l’on pose la question aux banques, les réponses concrètes manquent; on renvoie souvent de manière générale à des «réflexions sur les risques» ou à la «stratégie de conformité».

Les sanctions internationales sont soumises à une évolution constante et ne sont pas figées, précise également Postfinance. Chaque banque doit sans cesse se demander de quelle manière elle gère les risques qui en découlent.

Postfinance n’a pas d’obligation d’approvisionnement pour les Suisses de l’étranger

Les grandes banques suisses avaient déjà cessé le trafic des paiements avec Cuba depuis des années sous la pression des États-Unis. Postfinance était le seul établissement majeur à continuer à traiter de tels dossiers.

Les sanctions en vigueur depuis des décennies à l’encontre de Cuba ont toujours été adaptées, a fait savoir l’entreprise. Par le passé, elle a également modifié sa politique interne à plusieurs reprises.

Alors que le Conseil fédéral a précisé en 2019 que l’obligation de service universel de Postfinance ne s’appliquait qu’au trafic des paiements national, la Confédération, en tant que propriétaire de Postfinance, se montre toujours intéressée à offrir aux Suisses de l’étranger des prestations dans ce domaine.

Les objectifs stratégiques du Conseil fédéral pour la Poste Suisse SALien externe stipulent tout de même que ces prestations doivent être fournies «dans la mesure où cela est possible avec un effort proportionné et qu’aucun risque juridique ou de réputation n’y est lié».

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Les Suisses de l’étranger sont régulièrement confrontés à des problèmes

Si l’on regarde autour des forums de la communauté des Suisses de l’étranger, le thème du compte bancaire fait actuellement l’objet de nombreuses discussions. Où trouver les meilleures conditions? Où est-il encore possible d’avoir un compte en tant que Suisse de l’étranger? Et que faire si le compte est résilié?

Récemment, une Suisse en Australie a été priée de clôturer son compte de libre passage et son compte de 3e pilier auprès de la Banque cantonale de Zurich. La banque a donné à sa cliente un peu plus de six semaines pour transférer son argent. Désespérée, elle s’est adressée aux autres expatriés dans la communauté Swiss-Abroad sur Facebook.

Carmen Trochsler, conseillère et membre du comité de l’Organisation des Suisses de l’étranger Swisscommunity OSE, s’est penchée sur son cas et a pu résoudre le malentendu interne à la ZKB en 24 heures. «La personne concernée peut conserver ses comptes, précise Carmen Trochsler. C’est un bon exemple de la manière dont les délégués des Conseils des Suisses de l’étranger peuvent, grâce à leurs connaissances et à leurs contacts, obtenir des résultats positifs et une clarification, localement et en Suisse.»

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Les tensions géopolitiques et leurs répercussions sur les banques suisses

Tomislav Joksimovic est un avocat américain et partenaire du cabinet d’avocats suisse 5Gambit Disputes. Interrogé par swissinfo.ch, ce spécialiste des banques helvétiques affirme que l’on peut parler en ce moment d’une sensibilisation des établissements financiers suisses.

«Surtout au vu de la volatilité géopolitique actuelle qui émane des États-Unis», explique-t-il. Mais cela dépend du pays dont on parle. Dans l’UE, une relation bancaire est moins controversée que lorsque des citoyens et citoyennes suisses se trouvent dans un pays sanctionné par Washington. «On peut dire que plus les tensions entre les États-Unis et le pays concerné sont élevées, plus la sensibilité est grande», précise l’expert. Le profil de risque pour la banque serait alors différent.

Cela explique aussi pourquoi les établissements bancaires suisses ne se sont guère détendus. Le passage d’une administration américaine démocrate à une administration républicaine n’a fait que déplacer le problème. Les États-Unis sous les présidents Obama et Biden ont mis l’accent sur l’évasion fiscale, ce qui a généré une certaine nervosité au sein des banques helvétiques.

Désormais, l’administration Trump agit par la menace et utilise les démonstrations de force pour tenter d’amener d’autres États sur une ligne qui lui est favorable. Cette politique crispe également les banques suisses, car Donald Trump pourrait aussi leur appliquer cette stratégie pour s’imposer.

Recherchée: une banque qui accepte les clients d’Amérique du Nord

L’Organisation des Suisses de l’étrangerLien externe (OSE) s’est donné pour mission de trouver des solutions à la problématique bancaire des Suisses de l’étranger. Grâce à des partenariats avec la Banque cantonale de Genève BCGE et la Banque cantonale de Zurich ZKB, l’OSE a pu gagner deux établissements qui proposent également des solutions bancaires à la Cinquième Suisse.

Sur son site InternetLien externe, la ZKB indique par exemple que l’ouverture d’un compte sans montant minimum est possible indépendamment du domicile. Une donnée que la banque a confirmée à SWI swissinfo.ch.

Il pourrait toutefois y avoir des exceptions: «Pour des raisons de risque et de politique commerciale, aucune prestation n’est fournie aux personnes domiciliées dans certains pays», écrit l’établissement. Elle ne s’occupe actuellement d’aucun client vivant à Cuba.

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D’autres banques sont aussi prêtes, selon le pays de résidence, à nouer une relation bancaire avec des Suisses de l’étranger.

Celles et ceux qui vivent aux États-Unis font toutefois face à une situation délicate. Il n’y a pratiquement plus de possibilité d’avoir un compte suisse, sauf en cas de fortune importante.

Comme il a été rapporté lors de la séance du Conseil des Suisses de l’étranger, l’un des objectifs centraux de la législature de l’OSE reste la poursuite d’entretiens exploratoires avec des banques en Suisse afin de trouver un établissement qui accepte les Suisses d’Amérique du Nord comme clients.

Texte relu et vérifié par Balz Rigendinger, traduit de l’allemand par Lucie Donzé/op

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