Suisse

Opacité au sein du système de santé le plus cher d’Europe 

hopital


Keystone / Gaetan Bally

Faute de données comparables sur la qualité des traitements, choisir un hôpital de manière éclairée reste difficile pour les patients et patientes en Suisse, révèle l’émission «Kassensturz» de la SRF. 

D’après le médecin, il devait s’agir d’une «intervention de routine». Pourtant, elle n’avait jamais été pratiquée plus de sept fois par an dans cet hôpital au cours des dernières années. La patiente, Anna Gentile, s’est bien posé des questions, mais elle n’a trouvé le nombre de cas de sa future intervention nulle part.

Les conséquences ont été lourdes: le chirurgien de la clinique Gut à Fläsch, dans les Grisons, n’aurait pas tenu compte du début d’ostéoporose de sa patiente et aurait mal calculé l’intervention à la cuisse. Résultat, l’arrêt de travail censé durer trois mois a en fait été prolongé à 15 mois, pendant lesquels l’os ne s’est pas ressoudé et les douleurs ont été immenses.

>> Regarder le sujet de l’émission «Kassensturz» de la SRF (en allemand):


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La clinique Gut a écrit à l’émission «Kassensturz» de la télévision publique alémanique SRF:

«Nous regrettons fortement que l’intervention n’ait pas donné le résultat escompté pour la patiente. En ce qui concerne le diagnostic, les informations orales et écrites données à la patiente sur l’opération et les risques qui en découlent, nous apprécions les faits de manière différente. (…) Nous aurions nous aussi espéré un meilleur processus de guérison, mais nous sommes convaincus que nous disposons de l’expertise nécessaire pour de telles interventions et que nous avons traité à tout moment la patiente conformément à l’état actuel de la science, de la pose du diagnostic jusqu’au suivi.

Nous ne pouvons pas donner d’autres informations en raison de la procédure en cours et vous remercions de votre compréhension.»

Collecte de données lacunaire

Cette patiente n’est pas seule dans cette situation. On estime à 90’000 le nombre de personnes lésées chaque année en raison d’erreurs hospitalières évitables, dont un quart souffrent d’atteintes importantes à leur santé.

Bien que la Suisse ait le système de santé le plus cher d’Europe, elle n’obtient pas de bons résultats en ce qui concerne l’accès aux données relatives à la qualité.

Depuis quelques années, plusieurs indicateurs de qualité (par exemple le nombre de cas, les taux de complications ou d’infections) sont certes relevés et publiés. Mais ils ne sont pas toujours disponibles sur l’ensemble du territoire et il est difficile pour les personnes non initiées de se frayer un chemin dans la jungle terminologique.

Matthias Steiner, responsable des services de santé de la caisse maladie Concordia, fait dans ce domaine un travail de pionnier. Il a élaboré un classement de tous les types d’hôpitaux à l’attention des assurés de Concordia.

Admettons que l’on recherche un hôpital pour une prothèse de genou dans un rayon de 50 kilomètres autour d’Olten: 33 établissements hospitaliers proposent cette intervention, mais seules 9 cliniques sont recommandables, selon Concordia. L’hôpital qui obtient les meilleurs résultats, la clinique Merian-Iselin à Bâle, est celui qui traite le plus grand nombre de cas pour ce type d’intervention.

Beaucoup d’hôpitaux n’atteignent pas le nombre minimum de cas

Traiter chaque année un nombre minimum de cas par type d’intervention est un critère de qualité bien connu, recommandé depuis 2009 par la Conférence suisse des directeurs de la santé.

Mais l’émission «Kassensturz» de la SRF a découvert que sept cantons ne fixent toujours pas de nombre minimum de cas, parmi lesquels de grands cantons comptant beaucoup d’hôpitaux comme Lucerne ou les Grisons.

Pour Matthias Steiner de Concordia, c’est incompréhensible: «De nombreux hôpitaux n’atteignent pas le nombre minimum de cas. Cela peut poser un problème et entraîner par exemple une hausse des complications.»

Autre critère décisif: le succès perçu de l’intervention

Un autre indicateur de qualité est le succès perçu de l’intervention, ce que l’on appelle les PROM («Patient Reported Outcome Measures»).

Pour cela, les patientes et patients sont interrogés sur la réussite du traitement, comme cela se fait à l’hôpital universitaire Bethesda de Bâle. Après une opération de l’épaule, par exemple, la personne ayant subi l’intervention doit régulièrement indiquer dans quelle mesure elle peut à nouveau utiliser son épaule.

Pour Andreas Müller, médecin-chef du service d’orthopédie de l’Hôpital universitaire de Bâle, cette mesure de qualité est indispensable, car elle permet de savoir comment se portent réellement les patients et patientes après une intervention.

«Les autres critères de qualité dont nous disposons actuellement, tels que les taux de complications, ne reflètent pas cela», explique-t-il.

Il reste important de demander un deuxième avis

La Suisse est toutefois encore loin de pouvoir proposer un comparatif à l’échelle nationale des hôpitaux en matière de réussite des traitements. D’ici là, la patientèle doit continuer à demander un deuxième avis et à poser des questions critiques lors de l’entretien d’information.

Traduit de l’allemand par Pauline Turuban avec DeepL