Suisse

«Les initiatives écologistes échouent souvent en raison de la résistance des milieux paysans»

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«La campagne a été décisive», déclare le politologue Urs Bieri à propos de la victoire des agricultrices et agriculteurs sur l’initiative sur la biodiversité.


Keystone / Valentin Flauraud

Que révèlent les résultats des votations fédérales sur les sensibilités en Suisse? Une mise en perspective avec Urs Bieri, politologue de gfs.bern.

swissinfo.ch: Que révèle le non à l’initiative sur la biodiversité sur le pouvoir de l’Union suisse des paysans?

Urs Bieri: L’Union suisse des paysans a fait une campagne efficace. Cela a été décisif pour rallier à leur cause le camp des protecteurs du paysage et du patrimoine de la droite conservatrice. Cela a débouché sur un «non» clair.

Tout le monde reconnaît que la biodiversité est menacée mais, dans les urnes, ce projet a été assez peu approuvé. Pourquoi?

Dans les initiatives, deux éléments sont toujours décisifs. D’une part, il faut un problème susceptible de réunir une majorité, ce qui était le cas ici. Mais d’autre part, il faut aussi une solution susceptible de réunir une majorité, ce que l’initiative n’offrait pas. La discussion s’est ainsi focalisée sur les points faibles du texte et ses conséquences négatives pour l’agriculture. Une vision critique de l’initiative a prévalu.

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Après les deux initiatives anti-pesticides rejetées en 2021, l’initiative sur la biodiversité est la troisième à avoir une orientation similaire, mais elle a été plus nettement rejetée que les autres. Cela reflète-t-il une tendance?

Oui, cela fait déjà plusieurs années que le calme est visible dans ce domaine. La dernière grande initiative écologiste à avoir passé la rampe était l’initiative sur les résidences secondaires. Toutes celles qui ont suivi ont été rejetées. Souvent, elles ont en effet échoué en raison de la résistance des milieux paysans. L’initiative sur les résidences secondaires a pu compter sur l’approbation de la droite conservatrice. Ce soutien a fait défaut aux autres textes dans la même veine.

Une nouvelle initiative viendra bientôt s’ajouter à cette liste, celle pour la sécurité alimentaire, qui vise à renforcer la production indigène durable. Peut-elle tirer des leçons des échecs précédents, et quelles seraient-elles?

Urs Bieri, politologue de gfs.bern


Urs Bieri, politologue de gfs.bern


gfs.bern

Les initiatives écologistes doivent réussir à sortir du camp gauche-vert et à avoir un impact loin au centre ou jusqu’à la droite. Si cette initiative y parvient, elle a une chance. Sinon, elle échouera elle aussi en raison du décalage entre le «oui» des villes et le «non» des campagnes.

Quelle a été l’intensité de ce scrutin?

La campagne de votation a été relativement intense. Une fois de plus, un débat vif, voire très conflictuel, a été mené. Mais la votation elle-même a été moyenne. Il n’y a pas eu de mouvement de vote de protestation comme nous en avons eu par exemple lors de la votation sur la 13e rente de l’Assurance vieillesse et survivants (AVS).

La réforme de la prévoyance professionnelle (LPP) a tout de même essuyé un «non» retentissant pour un projet émanant des autorités. Est-ce dû à sa conception? Le Parlement aurait-il pu l’empêcher?

Le Parlement a certes tenté de trouver un compromis, mais celui-ci n’a pas recueilli suffisamment de soutien. En fin de compte, il manquait un problème susceptible de réunir une majorité. Pendant la campagne de votation, les critiques, la méfiance et l’incertitude à l’égard des autorités ont augmenté, car c’est précisément à ce moment-là que la Confédération a dû admettre une erreur dans les calculs de ses prévisions pour l’AVS. Soudain, on ne savait plus si nous avions vraiment un problème de financement des rentes.

Quel pourcentage cette erreur de calcul dans les chiffres de l’AVS a-t-elle coûté dans les urnes?

Notre premier sondage a été réalisé avant la communication de cette erreur, le deuxième juste après. Les chiffres diffèrent fortement, d’environ 10 points de pourcentage. Nous en attribuons une part importante à ce calcul erroné.

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Les syndicats semblent avoir eu peu de difficulté à mettre la réforme à terre. Le projet était-il si faible que cela, ou les arguments des opposants étaient-ils bons?

En fait, les syndicats ont fait appel à un discours qui fonctionne depuis plus d’un an et qui est né dans le contexte des élections de 2023. Il tourne autour du coût de la vie en Suisse et de la perte de pouvoir d’achat, mais aussi de la difficulté de payer les primes d’assurance maladie ou simplement les denrées alimentaires.

Ce discours perdure. Il a atteint un point culminant lors de la votation sur la 13e rente AVS en mars. Les syndicats ont réussi à prolonger ces discussions. Le non à la réforme de la LPP est donc aussi la conséquence d’une très bonne campagne menée par les milieux syndicaux de gauche. Elle a pu générer un rejet jusque dans le camp de la droite conservatrice.

A quel projet des autorités ce vote vous fait-il penser?

Il est significatif que nous ayons déjà voté en 2010 sur le taux de conversion du deuxième pilier, avec un rejet tout aussi important. Chaque fois que l’on prévoit une détérioration des assurances sociales, il faut des mesures de compensation reconnues comme suffisantes par la majorité. Ce n’était pas le cas à l’époque et cela n’a pas non plus été le cas aujourd’hui.

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