Le lobby automobile verse des millions pour une chaire universitaire
Keystone / Christian Beutler
L’Université de Saint-Gall reçoit 2,86 millions de francs des importateurs suisses d’automobiles pour la recherche sur la mobilité. Dans quelle mesure une telle recherche peut-elle être indépendante?
L’émoi fut grand en 2012, lorsqu’il avait été rendu public que la grande banque UBS finançait une chaire à l’Université de Zurich. Mais de nos jours, il est courant que des chaires soient sponsorisées par le secteur privé dans les universités suisses.
Selon l’Office fédéral de la statistique, environ huit pour cent des fonds des universités proviennent actuellement de fondations ou sont des mandats de recherche privés.
Longue tradition de partenariat
Si l’Université de Saint-Gall (HSG) se lance désormais dans la recherche sur la mobilité avec l’Institut de la mobilitéLien externe, elle fera avec l’argent des importateurs suisses d’automobiles. Ceux-ci verseront 2,68 millions de francs pendant huit ans. Parmi les autres financements, on trouve aussi Porsche, BMW et Toyota.
La HSG est traditionnellement étroitement liée à l’économie privée, explique Andreas Herrmann, directeur de l’Institut de la mobilité, qui bénéficie de l’argent du lobby automobile.
Il n’y voit aucun problème. Tout est réglé par contrat. «Je travaille de la même manière avec les CFF ou avec d’autres entreprises de transports publics», précise Andreas Herrmann. A ses yeux, il n’existe pas de restrictions ni de conflits d’intérêts.
Selon l’Office fédéral de la statistique, la HSG a reçu en 2023 quelque 13,5 millions de francs de la part de privés pour sa recherche. À cela s’ajoute l’argent de fondations, qui sert notamment au financement des instituts.
Mathias Finger ne voit lui aussi «aucun problème» dans cette démarche. Ce professeur émérite a lui-même mené des recherches sur les transports à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL).
Pour Mathias Finger, le financement privé de la recherche universitaire ne constitue pas un danger pour une recherche indépendante. Selon lui, le mécanisme est plutôt inverse: «Ce sont justement ces doutes qui aident la recherche. Lorsqu’on a une chaire sponsorisée, il faut montrer encore plus qu’on est indépendant, sinon on n’est pas crédible, ni en tant que personne ni en tant que scientifique».
Dans toute la Suisse, de plus en plus de fonds privés sont investis dans la recherche. Que ce soit dans les hautes écoles, les universités ou les entreprises. En 2021, 66 pour cent de l’ensemble des investissements dans la recherche en Suisse ont été réalisés par des privés. Selon l’Office fédéral de la statistique, ils ont alors investi 16,8 milliards de francs dans la recherche. En 2000, c’était un peu moins de la moitié, soit 7,8 milliards de francs.
«Il est important que le professeur soit employé par l’université et non par le sponsor», explique le scientifique Mathias Finger, dont la chaire était alors sponsorisée par La Poste.
Classement plutôt que résolution de problèmes spécifiques
Un professeur sponsorisé n’a pas le droit de défendre des intérêts particuliers ou de mener des recherches sur des problèmes très spécifiques qui n’intéressent qu’un seul acteur.
La recherche doit classer et livrer une vue d’ensemble. C’est important, affirme Mathias Finger. Pour lui, il est clair que «de nombreuses universités gagneraient à avoir des chaires plus proches de la pratique». Cette proximité favoriserait la recherche interdisciplinaire, selon lui.
La Confédération veut resserrer les cordons de la bourse
La Confédération entend réduire dès l’année prochaine les fonds alloués aux hautes écoles et aux universités. Il s’agit de 460 millions de francs au total. La recherche est également concernée.
Pour pouvoir faire face à l’augmentation des dépenses militaires ou financer la 13e rente AVS, le Conseil fédéral veut économiser un montant total de 3,6 milliards de francs dans plusieurs domaines. Ce paquet d’allègement budgétaire est encore en procédure de consultation jusqu’à début mai.
En juin 2023, l’HSG a retiré à un professeur la direction de l’Institut de gestion de la chaîne d’approvisionnement en raison de la combinaison d’intérêts privés et professionnels et s’est séparée de lui par la suite – également en raison d’autres reproches.
Selon la commission d’enquête, le professeur se trouvait dans un conflit d’intérêts multiple entre ses intérêts financiers, professionnels et privés. Les domaines d’activité de son entreprise privée se seraient chevauchés avec le mandat de recherche de l’institut. Entre-temps, le Grand Conseil saint-gallois a révisé la loi sur l’université et a également pris en compte ces points.
Texte traduit de l’allemand à l’aide de DeepL/op