Suisse

La réforme de la prévoyance professionnelle balayée dans les urnes

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Pour les autorités, la réforme de la LPP devait permettre d’améliorer la prévoyance vieillesse des personnes à bas revenus et travaillant à temps partiel, majoritairement des femmes. Les adversaires du texte voyaient les choses autrement.


Keystone / Gaetan Bally

Le projet ficelé par les autorités pour réformer le deuxième pilier du système suisse des retraites n’a pas convaincu. Le non à la modification de la Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle (LPP) l’emporte nettement, d’après les projections des résultats de ce dimanche de votation.

Le niveau des cotisations versées à la caisse de pension par classe d’âge devait aussi être révisé, de sorte que les personnes de plus de 55 ans ne coûtent pas plus cher aux employeurs que des travailleurs et travailleuses plus jeunes – ceci afin d’augmenter leurs chances sur le marché du travail.

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L’argument-phare du camp du non

Outre le gouvernement et le Parlement, la modification de la LPP était soutenue par de nombreuses associations économiques et les partis bourgeois.

Les syndicats et la gauche y étaient farouchement opposés. Après avoir remporté la votation sur l’introduction d’une 13e rente AVS en mars, l’Union syndicale suisse (USS) signe ainsi une nouvelle victoire sur la thématique des retraites. C’est elle qui avait lancé le référendum afin de soumettre la réforme de la LPP au peuple.

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Pour ses adversaires, le problème principal était la baisse du taux de conversion. L’USS a fait campagne avec un argument-phare: celui selon lequel la révision impliquerait que les personnes salariées paient des cotisations plus élevées pour percevoir des rentes plus basses à la retraite.

Lors du dernier sondage SSR publié il y a dix jours, alors que la tendance au non se dessinait déjà, 55% des personnes interrogées se disaient d’accord avec cette affirmation, qui apparaissait comme la plus influente sur la décision de vote.

«C’était 12% de baisse de rentes pour le même capital à l’âge de la retraite, on ne pouvait pas maquiller cette réforme sous d’autres arguments», a répété dimanche la députée socialiste Jessica Jaccoud à la RTS, qualifiant la réforme de «mesure de démantèlement» des retraites. «Les baisses de rentes, les gens ne peuvent plus les supporter», a pour sa part réagi le président de l’USS, Pierre-Yves Maillard.

Les opposants à gauche jugeaient par ailleurs faux l’argument selon lequel les femmes seraient les premières bénéficiaires de la réforme.

«Les partis bourgeois doivent comprendre que de telles propositions constituent un changement politique antisocial dans ce pays, a réagi Cédric Wermuth, co-président du Parti socialiste. La réforme ne répondait pas du tout à la couverture pour le travail de care, soit la garde des enfants ou la prise en charge d’un parent âgé», ajoutant que ces aspects devraient être repris dans les travaux futurs.

«On est passé à côté d’une occasion pour les plus de 360’000 personnes concernées», a pour sa part regretté la sénatrice PLR fribourgeoise Johanna Gapany sur le plateau de la RTS, tout en estimant que la base même de la réforme était bonne et qu’il faudrait repartir de là pour trouver une solution. «On va devoir se remettre au travail; la mission reste la même pour les personnes qui en ont besoin, soit les personnes qui ne touchent pas de rentes ou des trop petites», a-t-elle déclaré.

Un projet complexe

Certaines associations de branches où les bas salaires sont répandus s’étaient également opposées au texte, de crainte qu’il n’implique une hausse des coûts du travail. Cette alliance économique a salué dimanche son rejet, estimant qu’il permettra l’élaboration d’une meilleure solution pour la prévoyance professionnelle. «Il est primordial que la nouvelle réforme prenne en considération les intérêts des secteurs fortement touchés», a notamment souligné la sénatrice UDC (droite conservatrice) Esther Friedli, membre du Conseil de GastroSuisse, l’organisation faîtière de l’hôtellerie-restauration.

La modification de la loi sur la LPP a aussi été desservie par sa complexité. La Suisse compte plus d’un millier de caisses de pension, dotées pour la plupart de leurs propres règlements, ce qui a rendu particulièrement difficile pour les votants et votantes de comprendre l’impact qu’aurait la réforme sur leur situation individuelle.

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La grande majorité de l’électorat est tout de même convaincue que des changements sont nécessaires. 85% des personnes interrogées par gfs.bern estiment que la prévoyance professionnelle des personnes travaillant à temps partiel, en particulier les femmes, doit être améliorée. Mais la prochaine occasion ne se représentera sûrement pas avant plusieurs années.