«La planète a des limites qu’il ne faudrait pas dépasser»
Pour préserver la nature, il conviendrait de respecter ses limites. Si les deux invitées de notre débat Let’s Talk sont d’accord sur ce constat, leurs avis divergent sur les mesures à prendre. La coprésidente des Jeunes Vert-e-s, Margot Chauderna, et la Jeune libérale-radicale, Pauline Blanc, ont débattu de l’initiative pour la responsabilité environnementale, soumise au vote le 9 février.
Les Jeunes Vert-e-s souhaitent que l’économie ne puisse pas utiliser plus de ressources que ce que la planète peut supporter. La section jeune du parti écologiste s’appuie ainsi sur le concept de limites planétaires, théorisé en 2009 par une équipe internationale de scientifiques.
«Celui-ci définit neuf seuils à ne pas dépasser pour assurer les bases de subsistance sur notre planète», a expliqué la coprésidente des Jeunes Vert-e-s, Margot Chauderna, dans notre débat filmé Let’s Talk. Elle cite entre autres le changement climatique, la biodiversité, la consommation d’eau ou encore l’utilisation des sols.
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«Il y a effectivement des limites planétaires qu’il ne faudrait pas dépasser», reconnaît Pauline Blanc, membre des Jeunes libéraux-radicaux (JPLR) et opposée à l’initiativeLien externe. Elle considère toutefois que la Suisse ne peut pas agir seule. «Il faudrait avoir une coopération internationale et une vision globale. De plus, la Suisse fait déjà sa part en mettant en place des mesures pour atteindre ses objectifs climatiques», souligne-t-elle.
Si tout le monde vivait comme en Suisse, il faudrait 2,5 Terres, selon les calculs de l’organisation non gouvernementale (ONG) Global Footprint Network, validés par la Confédération. Cinq Terres seraient nécessaires si tout le monde vivait comme aux États-Unis. Parmi les pays qui consomment moins d’une Terre se trouvent des pays pauvres comme l’Afghanistan, Madagascar ou encore l’Érythrée, des États qui ne consomment que 0,5 Terre, comme le montre le graphique ci-dessous.
Margot Chauderna considère toutefois qu’il est difficile de comparer la Suisse, «un petit pays riche et privilégié», à des pays dans une situation précaire. «Cela nous met face à nos responsabilités. Nous polluons plus que les autres, notamment en exploitant des ressources à l’étranger et nous avons plus de moyens. Il faut ainsi que nous prenions des mesures plus importantes», analyse la coprésidente des Jeunes Vert-e-s.
Une opinion que ne partage pas Pauline Blanc. «Cette initiative exigerait un niveau de consommation tel que le connaissent certains pays en voie de développement, à l’image de l’Afghanistan», remarque-t-elle. La jeune politicienne considère que le texte nuirait à la prospérité de la population suisse.
«Il n’y a pas de prospérité sans respect des limites planétaires. Il s’agit d’une donnée: nous ne pouvons pas consommer plus que ce que nous avons», réplique, pour sa part, Margot Chauderna. Elle relève que le réchauffement climatique est responsable de nombre de catastrophes naturelles et qu’il convient de protéger la population.
>> L’initiative met-elle en danger la prospérité de la Suisse? La réponse de Margot Chauderna:
Aux yeux de Pauline Blanc, l’initiative imposerait des normes strictes aux entreprises industrielles, qui augmenteraient les coûts de production et donc les prix. «La population en subirait les conséquences, puisque cela diminuerait son pouvoir d’achat», déplore cette dernière.
«Si la Suisse décide seule de respecter les limites planétaires, alors que les autres pays ne changent rien, cela servira-t-il vraiment à quelque chose?», demande Christopher Greenish, un Suisse de Suède qui participait à l’émission à distance, à Margot Chauderna.
La coprésidente de Jeunes Vert-e-s répond que la Confédération peut jouer un rôle de pionnière: «La Suisse a d’importants moyens financiers et des savoirs technologiques qui lui permettraient de rayonner par sa durabilité».
Pour sa part, Pauline Blanc précise que la stratégie pour le développement durable 2030 mentionne déjà les limites planétaires. «Nous ne sommes pas en train de nier le problème, mais nous avons une vision différente des mesures à prendre», dit-elle.
Miser sur le nucléaire ou investir différemment
Si l’initiative est formulée en termes généraux et ne propose donc pas de mesures concrètes, la coprésidente des Jeunes Vert-e-s évoque des pistes: «Nous pourrions par exemple supprimer tous les investissements dans des domaines qui sont dommageables à la biodiversité, à l’environnement et au climat. À l’inverse, il conviendrait d’investir davantage dans les domaines de la mobilité, de l’habitat, de l’énergie ou de l’agriculture, afin de les rendre plus durables».
Christopher Greenish rappelle que la Suède, son pays de résidence, produit principalement de l’énergie sans combustibles fossiles, grâce entre autres au nucléaire. Le Suisse de l’étranger demande ainsi à Pauline Blanc si la Suisse n’aurait pas intérêt à rouvrir des centrales nucléaires?
Pauline Blanc est membre du comité à l’origine de l’initiative «Stop au black-out», qui souhaite le retour de l’atome au sein de la Confédération. «C’est la solution pour répondre à nos objectifs climatiques. Le nucléaire nous aiderait à générer plus d’énergie, sans émettre de CO2», affirme-t-elle.
L’environnement fait de moins en moins recette
La Confédération s’est fixé l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Une stratégie approuvée par le peuple en votation en juin 2023. Depuis, l’environnement et les questions climatiques ont toutefois perdu de l’importance dans l’agenda politique, éclipsé par les thématiques sécuritaires.
Pauline Blanc remarque que la population a surtout d’autres problèmes concrets et urgents qui influencent directement son quotidien et font donc passer l’environnement au second plan. «Le pouvoir d’achat est par exemple un thème qui anime particulièrement les citoyennes et les citoyens. Beaucoup de personnes se demandent déjà comment elles vont nourrir leurs enfants à la fin du mois. Cela passe avant le climat», observe-t-elle.
>> Les thématiques sécuritaires ont relégué au second plan les questions environnementales dans l’agenda politique. L’avis de Pauline Blanc sur le sujet:
Margot Chauderna estime toutefois que son parti prend en compte l’acceptabilité sociale des mesures en faveur de l’environnement: «Nous souhaitons que les multinationales et les ultrariches, qui sont les acteurs qui polluent le plus, passent à la caisse. L’idée n’est pas de faire porter le poids de la transition énergétique à la population».
Pourtant, les écologistes ont perdu du terrain lors des dernières élections, en Suisse, comme ailleurs en Europe. «Nous devons mieux faire passer l’idée que notre écologie veut également une justice sociale. Elle n’est pas contre les gens, mais veut préparer un monde qui donne envie aux générations futures», explique Margot Chauderna.
Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg