La guerre en Ukraine contribue au sous-financement d’autres crises

La guerre en Ukraine a généré des millions de personnes réfugiées et déplacées à l’intérieur du pays, mais les conflits et le changement climatique alimentent également les déplacements forcés ailleurs, notamment en Éthiopie. Copyright 2020 The Associated Press. All Rights Reserved.

Début décembre, l’ONU va lancer son appel humanitaire pour 2023, un appel à l’attention des donateurs et donatrices qui s’annonce record. Cette année, l’écart entre les besoins et les fonds reçus s’est creusé pour la plupart des agences onusiennes. La guerre en Ukraine est l’un des facteurs qui alimentent le sous-financement, mais pas le seul.

Ce contenu a été publié le 30 novembre 2022 – 16:00


«rapport sur le sous-financement»Lien externe publié en septembre, l’agence a mis en évidence 12 pays où ses opérations ne sont même pas couvertes à 50%. Fin octobre, elle a lancé un nouvel appel aux dons, précisant qu’elle avait besoin d’au moins 700 millions de dollars (693 millions de francs suisses) d’ici la fin de l’année, faute de quoi elle craint que «la prochaine série de coupes ne soit catastrophique pour les personnes dans le besoin».

Le sous-financement est également un problème pour les autres agences d’aide des Nations unies. Un porte-parole du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) a déclaré que les appels qu’il gère n’avaient reçu que 46,7% de leurs besoins financiers annuels au 22 novembre, contre une moyenne de 55% au cours des trois années précédentes.

«Cela tire évidemment la sonnette d’alarme, car il semble que nous nous dirigions vers un sous-financement record du montant global dont nous avons besoin», a indiqué Jens Laerke, porte-parole d’OCHA. Pourtant, la somme totale des fonds perçus croît. «Le problème est que les demandes sont de plus en plus importantes. Le financement augmente, certes, mais pas à la même vitesse. Donc, l’écart se creuse», a-t-il précisé.

103 millionsLien externe en milieu d’année; ce chiffre comprend les personnes réfugiées, celles qui demandent l’asile et celles qui sont déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Cela représente une hausse de 13,6 millions (15%) par rapport à la fin de l’année 2021 et constitue la plus forte croissance jamais enregistrée entre deux années, selon les statistiques du HCR. Si l’Ukraine a été la principale source de déplacements forcés au cours des six premiers mois de 2022, on a également constaté une augmentation de 21% du nombre de réfugiées et réfugiés en provenance du Vénézuéla, fuyant essentiellement vers la Colombie et d’autres pays d’Amérique latine. Les déplacements forcés se sont aussi intensifiés ailleurs dans le monde, notamment dans certaines régions d’Afrique et d’Asie.

Face à la hausse des besoins, le HCR a lancé plusieurs appels. «Nous n’avons jamais reçu autant d’argent, mais cela ne suffit pas aux besoins actuels», regrette Olga Sarrado.

Crises prolongées

Le «rapport sur le sous-financement» du HCR se concentre sur 12 pays qui sont «chroniquement sous-financés»: le Bangladesh, le Tchad, la Colombie, la République démocratique du Congo, l’Éthiopie, l’Irak, la Jordanie, le Liban, le Soudan du Sud, le Soudan, l’Ouganda et le Yémen.

Olga Sarrado reconnaît qu’il y a souvent une lassitude des donateurs et donatrices face aux crises prolongées des personnes réfugiées ou déplacées. Mais elle affirme que dans ces 12 pays, quelque 40 millions d’individus nécessitent de l’aide, tout comme les Ukrainiennes et Ukrainiens. «Ils ont besoin de soutien, de même que les communautés qui les accueillent», explique-t-elle. «Il est donc important que le même engagement, la même compassion et la même empathie dont le monde a fait preuve à l’égard des Ukrainiennes et Ukrainiens soient étendus à toutes les personnes contraintes de fuir à travers le monde pour échapper aux conflits et à l’insécurité.»

Elle souligne également que la plupart des réfugiées et réfugiés nécessitant une protection internationale proviennent de Syrie, du Vénézuéla et d’Ukraine, puis d’Afghanistan, du Soudan du Sud et du Myanmar. «Donc, oui, les chiffres sont très importants pour l’Ukraine, mais ils le sont encore plus pour d’autres nationalités», poursuit-elle.

Selon Olga Sarrado, seuls quelques donatrices et donateurs, de moindre ampleur, ont attribué leur financement spécifiquement à l’Ukraine. Elle ajoute que la plupart des pays donateurs «comprennent l’importance d’un financement flexible», ce qui signifie que le HCR peut utiliser environ 40% de ses fonds pour répondre aux besoins qu’il juge prioritaires.

La crise en Ukraine a apporté au HCR des donatrices et donateurs supplémentaires, notamment des particuliers, des entreprises et des fondations. «Elles et ils ont décidé d’offrir leur soutien après avoir vu ce qui se passait en Ukraine», explique Olga Sarrado. Elle espère que ce soutien se poursuivra au-delà de cette année et qu’il sera étendu à d’autres nationalités ou situations.

Comptabilité créative

Un autre facteur qui influence les dons est le fait que certains États détournent une partie de leur aide publique au développement (APD) – une aide gouvernementale destinée à promouvoir le développement économique et le bien-être des pays en développement – pour couvrir les coûts d’accueil des personnes réfugiées sur leur propre territoire, notamment en provenance d’Ukraine en 2022. Bien que les États soient autorisés à le faire en vertu des règles internationales, il semble que certains d’entre eux poussent les limites au maximum.

Selon Jens Laerke, cette pratique est difficile à surveiller, mais l’OCHA sait que certains pays, notamment de Scandinavie, utilisent une partie de l’APD de cette manière. «Ils la qualifient d’aide humanitaire, et ils se la donnent essentiellement à eux-mêmes pour répondre aux besoins des réfugiées et réfugiés qui arrivent. Nous ne sommes pas d’accord avec cette désignation d’aide humanitaire, mais ce n’est que notre avis.»

Certains spécialistes affirment que le Royaume-Uni, par exemple, dépense désormais une plus grande partie de son budget de développement international chez lui que dans les pays pauvres en développement. Selon le GuardianLien externe, qui cite des recherches du Centre for Global Development, une part importante de cette somme est consacrée à l’hébergement des réfugiées et réfugiés, principalement d’Ukraine. Il ajoute que le Royaume-Uni est «l’un des rares pays – et le seul du G7 – à financer tous les coûts des réfugiées et réfugiés ukrainiens à partir de son budget d’aide existant».

La Suisse s’attend à ce que le pourcentage de son budget d’APD utilisé en interne augmente cette année. «Conformément aux règles de comptabilisation du CAD (Comité d’aide au développement de l’OCDE), la Suisse déclare également dans l’APD les coûts liés à l’accueil des personnes demandeuses d’asile, admises à titre provisoire et réfugiées en provenance de pays en développement durant les douze premiers mois de leur séjour en Suisse», selon le site web du gouvernementLien externe helvétique. Il indique que ces coûts s’élevaient à 9% de l’APD suisse en 2021.

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