Des Palestiniens transportent des paquets d’aide près d’un centre de distribution de la Fondation humanitaire de Gaza, à Khan Younès, dans le sud de l’enclave.
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L’autorité de contrôle des fondations va dissoudre l’antenne genevoise de l’organisation qui gère un mécanisme d’aide controversé à Gaza. Une décision symbolique alors que les appels à un retour du système onusien se multiplient.
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03 juillet 2025 – 16:30
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Rédaction en langue française
L’Autorité fédérale de surveillance des fondations (ASF) a annoncé mercredi que la filiale genevoise de la Fondation humanitaire de Gaza (GHF) serait dissoute. Une décision prise «parce que la fondation GHF n’a pas respecté diverses obligations légales», indique le Département fédéral de l’intérieur (DFI) – dont dépend l’AFS – à l’agence de presse suisse, Keystone-ATS.
Basée dans le Delaware, aux États-Unis, la GHF avait enregistré, en début d’année, pour des raisons financières, une antenne non opérationnelle à Genève. Selon l’autorité de contrôle des fondations, plusieurs manquements sont à observer. Parmi eux, le fait qu’aucun membre du conseil de fondation n’est domicilié ni habilité à signer en Suisse, que la GHF n’a pas de compte bancaire dans le pays, et qu’elle ne dispose pas d’une adresse valable.
Cette décision n’aura toutefois pas d’impact sur les opérations de l’organisation à Gaza. Présent à Bruxelles mercredi, le directeur de la GHF, Johnnie Moore, un évangélique proche du président Donald Trump, l’a affirmé. Il a ajouté que la fondation ne «fermera pas», malgré les critiques à l’encontre de ses pratiques.
Décision symbolique sans impact
Le directeur de l’ONG genevoise Trial International, Philip Grant, estime que la dissolution de l’antenne suisse était «inévitable» au vu du non-respect de ses obligations.
Début juin, Trial International avait déposé deux plaintes auprès des autorités suisses, accentuant la pression sur le gouvernement. Elles demandaient que la lumière soit faite sur la GHF, en particulier pour déterminer si ses activités respectent le droit suisse et le droit international humanitaire.
Selon Philip Grant, «seules des procédures entreprises aux États-Unis pourraient concrètement impacter les opérations de la fondation à Gaza». À ce jour, aucune procédure de ce genre n’y a été engagée, mais des démarches juridiques visant à faire pression sur l’ONG sont en cours dans le pays.
Le directeur général de Médecins sans frontières (MSF) Suisse, Stephen Cornish, indique «saluer la décision des autorités suisses» de dissoudre la GHF et ajoute qu’il s’agit d’«un signal politique important et cohérent avec les principes humanitaires que la Suisse défend traditionnellement».
Selon lui, les points de distribution de la GHF sont des «pièges mortels déguisés en aide humanitaire» poussant «les civils à faire un choix impossible: risquer la famine ou risquer d’être abattus».
+ Lire notre article explicatif (en anglais) sur le contexte de la création de la Fondation humanitaire de Gaza.
Un nouveau système controversé
Depuis fin mai, la GHF, soutenue par les États-Unis et Israël, opère un nouveau système de distribution de l’aide humanitaire à Gaza, remplaçant celui qui était jusqu’alors assuré par les agences de l’ONU, en particulier l’UNRWA, et d’autres ONG. Il comprend quatre centres de distribution de nourriture, situés dans des zones militaires, gérés par des contractants armés américains.
Ce mécanisme est largement critiqué par la communauté humanitaire, dont les principaux acteurs refusent de collaborer avec la fondation. Selon Israël, le système doit empêcher un détournement de l’aide humanitaire par des groupes armés tels que le Hamas.
Pour rappel, Israël a imposé début mars un blocus humanitaire à l’enclave palestinienne, interdisant l’entrée des convois de nourriture, de médicaments et d’autres biens essentiels. La population de Gaza s’est ainsi retrouvée au gouffre de la famine alors que le système de santé menace de s’effondrer. Depuis la mise en place des centres de distributions de la GHF, il n’a été que partiellement levé.
Ces dernières semaines, plus de 500 personnes cherchant à obtenir de la nourriture ont été tuées à proximité des sites de distribution alors que presque 4000 autres ont été blessées, selon les chiffres relayés par l’ONU. De son côté, la fondation indique qu’aucun incident violent n’a eu lieu sur les sites de distribution ni à leur proximité.
Des chars israéliens prennent position à côté d’un centre de distribution de la Fondation humanitaire de Gaza, à Khan Younès, le jeudi 29 mai 2025.
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Des critiques à l’international
Mardi, plus de 170 ONG internationales avaient appelé au démantèlement du système d’aide contrôlé par la GHF et demandé son remplacement par l’ancien mécanisme de coordination onusien.
Une vingtaine de pays européens, dont la France et l’Allemagne, avaient également signé mi-mai une lettre demandant que l’aide soit à nouveau organisée par l’ONU et les ONG. La Suisse ne l’avait pas paraphée, évoquant un procès d’intention contre la fondation.
Après sa visite au Proche-Orient, les 10 et 11 juin, le ministre des Affaires étrangères suisse, Ignazio Cassis, avait déclaré que la fondation «pose problème parce qu’elle ne respecte pas les principes humanitaires», mais qu’elle était «en train de les apprendre».
Série de départs
Selon une enquête de la RTSLien externe, diffusée mercredi, le représentant suisse de la GHF aurait été induit en erreur par des partenaires d’affaires étrangers, qui l’auraient sollicité sans lui donner toutes les informations sur la réalité du plan de la fondation. L’avocat genevois s’était alors retiré dans le courant du mois de mai, conduisant à la dissolution de la structure.
Aux États-Unis aussi, les craintes de non-respect des principes humanitaires d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance avaient motivé plusieurs départs à la tête de la fondation, dont son directeur Jake Wood, un ancien militaire s’estimant trahi. Le cabinet de conseil Boston Consulting Group a également rompu son mandat d’appui opérationnel face à la multiplication des critiques.
Texte relu et vérifié par Virginie Mangin/livm
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