Félins criminels: comment résoudre le problème de la surpopulation de chats en Suisse?
Les chats tuent des millions d’oiseaux, de grenouilles et d’autres animaux en Suisse chaque année, mais la classe politique est réticente à l’idée de faire quoi que ce soit à ce sujet. La proposition d’un «moratoire sur les chats», interdisant leur importation et leur élevage pendant 10 ans, fera-t-elle une différence?
Rats, chauves-souris, oiseaux, campagnols, lézards et orvets: voilà quelques-uns des cadeaux, plus ou moins bien conservés, que ma femme et moi avons dû gérer au fil des ans grâce à Sam. Étant donné qu’un tiers des espèces d’oiseaux suisses sont menacées – un pourcentage plus élevé que dans beaucoup d’autres pays – les écologistes demandent aujourd’hui que des mesures soient prises pour limiter la population de chats et réduire ainsi la menace qu’ils représentent pour la biodiversité.
Environ deux millions de chats rôdent en Suisse (pour une population humaine de près de neuf millions d’âmes). Un dixième d’entre eux sont sans-abri et sauvages, selon les estimations de la fondation de défense des animaux Tier im RechtLien externe. Les 90% restants, dont la majorité a accès à l’extérieur, tiennent compagnie à des millions de personnes. SelonLien externe le quotidien Neue Zürcher Zeitung (NZZ), ces félins tuent chaque année quelque 30 millions d’oiseaux et un demi-million de reptiles et d’amphibiens.
«Mon chat cet assassin», un reportage du magazine «Temps présent» de la RTS diffusé le 21 novembre 2021:
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L’Association suisse pour la protection du climat (Klimaschutz Schweiz) est entrée dans le débat et a commencé à rassembler des idées en vue d’une initiative populaire sur le sujet. L’une des idées présentées lors d’une récente réunion, qui, de son propre aveu, se concentre davantage sur la biodiversité que sur le climat, est un moratoire de dix ans sur l’importation et l’élevage de chats.
L’organisation de protection de la nature Pro Natura a également réfléchi à cette question délicate. «On pourrait leur faire porter des colliers qui font du bruit, les garder à l’intérieur pendant quelques semaines pendant la principale saison de reproduction [des oiseaux] – mais ce serait difficile à mettre en œuvre – ou stériliser systématiquement les chats d’extérieur pour limiter leur instinct de chasse», a déclaré Urs Leugger-Eggimann, directeur de Pro Natura, à la NZZ.
D’après mon expérience, le fait de mettre une cloche autour du cou de notre chat noir n’a fait qu’améliorer ses talents de chasseur déjà excellents et l’a transformé en ninja mortel, et l’assignation à résidence serait malheureuse pour tout le monde. Mais cela n’a pas arrêté la ville allemande de Walldorf.
À Walldorf, les chats ne sont pas autorisés à sortir sans laisse de début avril à fin août. Cette mesure, en vigueur pour les années 2023, 2024 et 2025, vise à protéger l’alouette huppée qui niche au sol et qui est menacée d’extinction. Les propriétaires de chats s’exposent à des amendesLien externe de 500 euros (470 francs) si leur chat est surpris à l’extérieur, et jusqu’à 50’000 euros si une alouette est blessée ou tuée.
Sans surprise, bon nombre de propriétaires de chats de Walldorf – sans parler des chats eux-mêmes- ne sont pas impressionnés. «Mon chat Tchaïkovski vient d’une ferme. Il devient fou si je ne le laisse pas sortir», a déclaréLien externe un habitant au tabloïd allemand Bild l’année dernière. «De toute façon, il est bien trop paresseux pour aller à la chasse.»
Libre circulation des chats
Environ 44% des ménages de l’Union européenne ont un animal de compagnie et il est peu probable que ce chiffre soit très différent dans les pays qui ne sont pas membres de l’UE. Du côté de Bruxelles, les autorités ont déclaré «défendre avec ferveur les droits à la libre circulation, y compris des chats» et nié «catégoriquement» vouloir obliger les chats à rester à l’intérieur ou à être tenus en laisse.
Alors que 70% des propriétaires de chats aux États-Unis, principalement préoccupés par les coyotes et la circulation, gardent désormais leurs animal à l’intérieur (contre 35% à la fin des années 1990), au Royaume-Uni, environ 70% des propriétaires laissent sortir leur chat, un pourcentage similaire à celui des autres pays européens. «L’accès au grand air est considéré comme bon pour le bien-être des chats, une position partagée par des organisations [britanniques] telles que Cats Protection et Battersea Dogs & Cats Home, et il y a peu de prédateurs à craindre», a rapporté le Guardian.
Urs Leugger-Eggimann, directeur de Pro Natura, souligne au passage que les chats ne constituent pas la plus grande menace pour la biodiversité. «Le changement climatique, l’expansion des zones habitées et l’utilisation intensive de l’agriculture sont bien plus problématiques», a-t-il déclaré.
Menaces de mort
Malgré ces difficultés, d’autres tentatives ont été faites pour réduire la population féline en Suisse.
En Argovie, Thomas Baumann, du Parti écologiste, a demandé que les chats et les chiens soient traités sur un pied d’égalité: les puces et l’enregistrement des chats devraient être obligatoires, a-t-il déclaré. Il espère que le coût de la puce – une centaine de francs – réduira le nombre de chats «achetés sur un coup de tête», a rapporté l’Aargauer Zeitung en mars.
«Toute personne qui se lasse d’un chat de compagnie peut l’abandonner à tout moment sans être tenue pour responsable», a déclaré Thomas Baumann, qui est aussi agriculteur bio. Les problèmes liés aux chats errants ne cessent de s’aggraver. Il s’agit notamment des combats entre félins pour leur territoire et de la demande des humains pour une plus grande protection de la biodiversité. «De plus en plus de voix s’élèvent pour demander aux responsables politiques de s’attaquer à ce problème.»
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Message entendu: certains de ces responsables politiques revêtent en effet leur armure et montent au créneau. Dans la ville de Berne, Thomas Hofstetter, du Parti libéral-radical, a proposé l’introduction d’une taxe pour les chats d’extérieur. «Une taxe serait la solution la plus efficace, a-t-il déclaré à la NZZ. D’une part, elle augmenterait les obstacles à la possession d’un chat et, d’autre part, les recettes générées pourraient être utilisées pour protéger la biodiversité, conformément au principe du pollueur-payeur.»
Toutefois, comme l’a noté l’Aargauer Zeitung avec beaucoup d’euphémisme, «la question est polarisante».
En 2013, des scientifiques ont examiné le nombre d’oiseaux tués par des chats aux États-Unis chaque année. Leurs conclusionsLien externe – jusqu’à quatre milliards (la plupart tués par des chats sauvages) – ont certainement «hérissé le poil», comme l’a écritLien externe le National Geographic. «Les médias ont opposé les amateurs de chats aux amateurs d’oiseaux, les défenseurs des droits des animaux aux écologistes, et les propriétaires d’animaux de compagnie aux universitaires. L’un des chercheurs a écrit un livre, Cat Wars, qui n’a pas vraiment arrangé les choses, et a déclaré avoir reçu des menaces de mort.»
Les chats sont trop populaires
Dire que les chats représentent un danger pour certains animaux sauvages ne semble pas totalement farfelue, puisque tout le monde sait que les chats sont des prédateurs. Mais les politiciens et politiciennes suisses, peut-être conscients que près de la moitié des ménages du pays possèdent un animal de compagnie, semblent à juste titre réticents à l’idée d’être perçus comme des anti-chats.
Cependant, le guide de la biodiversité de la ville de Berne donne des conseils sans ambiguïté: «N’achetez pas de chat domestique». La NZZ note qu’en réponse à l’initiative de Thomas Hofstetter, le gouvernement de la ville de Berne a déclaré que l’obligation pour les chats de porter une laisse et l’interdiction des chats d’extérieur seraient des mesures efficaces, mais qu’il ne veut pas imposer d’exigences contraignantes. Il est «difficile d’imaginer» que ces mesures seraient «socialement acceptées». Après tout, les chats sont «les compagnons des gens».
«C’est fascinant», a déclaré Thomas Hofstetter. «Personne ne veut se brûler les ailes sur ce sujet. Les chats sont tout simplement trop populaires.»
Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg, traduit de l’anglais à l’aide de DeepL/op
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