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Comment la Déclaration universelle des droits de l’homme entendait changer le monde

La Déclaration universelle des droits de l’homme célèbre ses 75 ans cette année. Helen James / swissinfo.ch

La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 est née de la volonté d’empêcher que ne se répètent les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Alors que ce texte historique aura 75 ans cette année, swissinfo.ch se penche sur ses origines et son actualité.

Ce contenu a été publié le 06 mars 2023


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D’autres femmes se sont révélées importantes.Lien externe Par exemple, l’Indienne Hansa Mehta, membre de la sous-commission sur le statut de la femme, a obtenu que les premiers mots de la Déclaration soient modifiés pour passer de «tous les hommes naissent libres et égaux» à «tous les êtres humains naissent libres et égaux». Le projet final a été remis à la Commission des droits de l’homme, réunie à Genève. Le document, connu sous le nom de projet de Genève, a été envoyé aux 58 États membres de l’ONU de l’époque pour commentaires. Le 10 décembre 1948, lors d’une réunion à Paris, l’Assemblée générale des Nations Unies adoptait la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH)Lien externe.

Un «texte extraordinaire»

La Déclaration affirme que «tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits». Elle ajoute qu’ils doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité, et que chacun.e peut se prévaloir des droits et libertés énoncés dans la Déclaration «sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation». Elle stipule que «tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne», et que nul.le ne peut être tenu en esclavage. La Déclaration fait également de la liberté de mouvement, de parole et d’association un droit.

L’actuel haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, l’Autrichien Volker Türk, qualifie la DUDH de «texte très complet, extraordinaire». Selon la juriste sud-africaine Navanethem Pillay, haute-commissaire de 2008 à 2014, il s’agit d’une source d’inspiration: «Imaginez ce que cela signifiait pour moi et toutes les personnes qui étaient sous l’Apartheid et ne connaissaient que les lois racistes, déclare-t-elle dans une interview accordée à swissinfo.ch. Cela représentait beaucoup de lire un système de normes universellement acceptées, auxquelles tous les êtres humains ont droit.»

Selon Phil Lynch, directeur de l’ONG Service international pour les droits de l’homme (SIDH)Lien externe basée à Genève, la DUDH «a eu un impact transformateur sur les personnes et les communautés du monde entier, en inspirant le développement de lois et de politiques nationales, en étayant les demandes des mouvements sociaux et des acteurs de la société civile, en fournissant un outil important pour les militantes et militants et en consacrant des valeurs universelles qui unissent l’humanité et établissent les conditions pour que tous les individus puissent vivre dans la dignité».

Comment la DUDH a donné naissance à des traités internationaux

La DUDH est considérée comme la base du droit international des droits de l’homme. Ses principes ont été concrétisés dans un certain nombre de traités internationauxLien externe portant, par exemple, sur l’élimination de toutes les formes de discrimination (1965), les droits civils et politiques (1966), les droits économiques, sociaux et culturels (1966), l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979), la lutte contre la torture (1984) et les droits de l’enfant (1989).

Navanethem Pillay considère la Déclaration universelle comme «notre loi fondamentale», fixant les principaux principes dont découlent ces conventions. Certains pays, comme l’Afrique du Sud de Nelson Mandela, ont également intégré ses principes dans leur Constitution nationale.

Or, il reste à convaincre les gouvernements de s’y conformer. «Nous sommes en train de perdre l’essence de ce que la Déclaration universelle des droits de l’homme était et devait être en réponse aux événements cataclysmiques de la Seconde Guerre mondiale», affirme Volker Türk dans une récente interviewLien externe accordée à swissinfo.ch. «Dans tant de situations à travers le monde, il y a à nouveau ce mépris de l’autre, de l’être humain, de la dignité humaine.»

Qui est chargé de la surveillance?

En juin 1993, les Nations Unies ont organisé la Conférence mondiale sur les droits de l’homme à Vienne, en Autriche. Avec, pour résultats, la Déclaration et le Programme d’action de VienneLien externe, qui visaient à renforcer les actions en faveur des droits de l’homme dans le monde. La Déclaration de Vienne appelait également à renforcer la capacité de surveillance de l’ONU, notamment en créant le poste de haut-commissaire aux droits de l’homme.

Aujourd’hui, l’ONU dispose de nombreux moyens pour surveiller les États et les contraindre à respecter les conventions. Les organes de suivi des traités surveillent la manière dont les États appliquent les conventions relatives aux droits de l’homme, tandis que les rapporteurs spéciaux et les missions d’enquête composées d’expertes et experts indépendants se penchent sur des questions relatives aux droits de l’homme ou des situations nationales spécifiques.

Par exemple, le Comité des droits de l’enfantLien externe a récemment examiné la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant dans sept pays, exprimant de sérieuses inquiétudes, entre autres, au sujet des châtiments corporels en Azerbaïdjan et des violences sexuelles contre les filles en Bolivie. Les États doivent rendre compte de la manière dont ils ont suivi les recommandations des Nations Unies. Les rapporteuses et rapporteurs spéciaux, par exemple, ont récemment exhorté le président du ZimbabweLien externe à rejeter un projet de loi qui, selon eux, restreindrait fortement l’espace civique et le droit à la liberté d’association. Ces organes et expertes et experts rendent compte au Conseil des droits de l’homme, qui se réunit au moins trois fois par an à Genève.

Une révision est-elle nécessaire?

Selon Navanethem Pillay, «il est nécessaire de mettre à jour la DUDH, de préciser d’autres droits qui n’ont pas été consacrés aussi bien qu’ils auraient dû l’être: les droits des populations autochtones, les droits des femmes, les droits des enfants». «Du reste, j’ai une confiance absolue dans la DUDH en tant que norme», déclare-t-elle.

Plus qu’une mise à jour, la DUDH doit être appliquée pour que les États et les acteurs non étatiques qui violent les droits de l’homme soient tenus pour responsables, souligne de son côté Phil Lynch. Pour cela, il faut des lois et des constitutions nationales qui consacrent les droits, des cours et des tribunaux indépendants ainsi qu’«une société civile et des défenseuses et défenseurs des droits de l’homme dynamiques et indépendants».

Le haut-commissaire actuel, Volker Türk, estime que la Déclaration doit être considérée «non pas comme une relique», mais comme le contenant des principes fondamentaux qui apportent des réponses aux problèmes actuels et futurs. Lorsqu’on lui a demandé, lors d’une conférence de presseLien externe en décembre, s’il changerait quoi que ce soit à la Déclaration rédigée il y a 75 ans, il a répondu qu’il préférerait qu’elle soit interprétée à la lumière des préoccupations actuelles: «Je dirais à tous les dirigeants et dirigeantes d’aujourd’hui: ‹Lisez la Déclaration universelle des droits de l’homme, utilisez-la et considérez-la comme votre obligation d’agir›.»

Relu et vérifié par Imogen Foulkes, traduit de l’anglais par Zélie Schaller

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