Sport

XV de France : « Il y aurait dû avoir une sanction interne »… Le retour d’Oscar Jegou et Hugo Auradou est-il précipité ?

On peut dire que Fabien Galthié a de la suite dans les idées. En convoquant Oscar Jégou et Hugo Auradou dans la liste des 42 joueurs pour préparer le premier match du Tournoi des VI Nations face au pays de Galles, le 31 janvier, le sélectionneur du XV de France n’a pas bougé d’un iota de sa ligne de conduite depuis que les deux joueurs ont été accusés de viol lors de tournée estivale en Argentine : il compte sur le troisième ligne de La Rochelle et le deuxième latte de Pau.

Déjà, quelques heures après l’arrestation des deux néo-internationaux à Mendoza, l’ancien n°9 des Bleus estimait qu’il ne fallait pas tirer un trait sur eux. « Je ne parle pas d’Auradou et de Jegou à l’imparfait. Ils font toujours partie de nos pépites. Les deux joueurs ont été très bons à Mendoza. Vraiment très, très bons. » Alors toujours mis en examen, les deux gaillards n’avaient pas participé à la tournée automnale à l’automne. Mais le 10 décembre, la justice argentine a rendu son verdict : non-lieu.

« Aujourd’hui, il y a un non-lieu qui était évident et qui est clair, a estimé Fabien Galthié sur RMC en début de semaine. À partir du moment où, après une procédure, il y a un non-lieu qui est rendu, après une procédure cohérente, ils sont sélectionnables. » Sélectionnables et sélectionnés, donc. Seulement, Jegou et Auradou n’en ont pas fini avec la justice argentine. Deux jours après le match face à l’Angleterre, la demande d’appel de la plaignante sera examinée, avec un verdict rendu sous quinzaine.

« Ne pas faire de la réintégration un show »

Alors, les appeler pour préparer ce Tournoi des VI Nations est-il un peu trop précipité ? « Moi, je m’en tiens à des choses simples et factuelles, la justice a fait son travail, il y a un rendu qui a été sorti, indique Jonathan Wisniewski, ancien n°10 du Racing ou de Toulon. La Fédération a été claire depuis le début en disant que si le non-lieu était prononcé, ils seraient sélectionnables. Pourquoi n’auraient-ils pas le droit de toucher au graal, à savoir l’équipe de France ? Après, on part sur des choses qui relèvent de la bien-pensance, l’image, mais les faits purs et durs font qu’il y a un non-lieu qui a été prononcé. »

Habile pour jouer au bilboquet avec les médias, Fabien Galthié sait très bien qu’une partie de la préparation du XV de France et tout le volet sportif seront occultés par ce choix. Le sélectionneur a bien préparé la veuve et l’orphelin à cette nouvelle depuis des mois, mais à voir les réactions de nombreux supporters, la pilule mettra quand même un peu temps à être avalée. Alors, comment communiquer ?

« Il faut rester sobre et direct : « Ils ont été blanchis. La justice a clos le dossier, nous aussi », assure Florian Silnicki, expert en communication de crise, président fondateur de LaFrenchCom. Inutile de renchérir ou de surjouer la posture : on ne se justifie pas d’appliquer un principe légal. Et il faut se focaliser sur le sport : « Ce qui se passe sur le terrain est notre priorité. » On ne doit pas faire de la réintégration un show. Plus on brode, plus on fait prospérer le soupçon. Or, la communication de crise est un art du scalpel. Seule la précision évite l’hémorragie médiatique. »

Un comportement qui aurait mérité des sanctions

Mais Fabien Galthié aura beau utiliser tous les anglicismes possibles ou ses expressions sorties de nulle part, dans le grand monde de l’Ovalie, le retour de Jegou et Auradou fait quand même grincer quelques dents. Dans Le Parisien, Jean-Claude Skrela, ancien sélectionneur des Bleus de 1995 à 1999 indique qu’il attendrait que « l’affaire soit terminée pour de bon, que tout cela soit derrière nous. Il y a encore un appel qui court. Ils ont été blanchis pour le moment, mais je pense aussi à l’image du rugby. Cette histoire a beaucoup fait parler, elle est très présente encore dans les esprits. C’est prématuré. »

Au-delà de l’affaire « très grave, qui a abouti sur un non-lieu, qui n’est pas un acquittement », Jean-Pierre Elissalde, ancien coach de La Rochelle, estime que les deux joueurs ont eu un comportement qui aurait mérité une sanction de la part de la Fédération après être rentrés dans un état d’ébriété très avancé : « La FFR aurait dû prendre ses responsabilités. Les règles n’ont pas été respectées. Ils avaient la cravate et le blazer de l’équipe de France à ce moment-là. On a fait le procès de tout le monde, mais il y aurait dû avoir une sanction interne. »

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Hormis le fait de ne pas être sélectionnables le temps de leur mise en examen, les deux joueurs n’ont écopé d’aucune sanction. Et, à leur retour en France, ils ont pu rejouer assez rapidement avec leur club (le 5 octobre pour Auradou, le 2 novembre pour Jegou). Au point de devenir indiscutables et titulaires quasiment à chaque match, jusqu’à être ovationnés, tel des gladiateurs ayant mis à terre 6 ours bruns, 20 lions et 57 crocodiles, par leurs supporters, dans un mélange d’interrogations et de dégoût.

Indispensables sportivement ?

« Aujourd’hui, si on se base uniquement sur leurs performances sportives, ils méritent de faire partie de ce groupe des 40-50, comme ils y étaient avant cette affaire », explique Jonathan Wisniewski. C’est d’autant plus vrai pour Oscar Jegou, redevenu l’un des meilleurs joueurs des Maritimes, comme en témoigne son gros match face au Leinster dimanche. Il bénéficie en plus du boulevard laissé par les forfaits sur blessure de Charles Ollivon et Alexandre Roumat.

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« Il n’y a pas de discussions, ajoute Jean-Pierre Elissalde. C’est le meilleur Rochelais en ce moment et pour moi, c’est le futur capitaine du club, je le mets à ce niveau-là, et très vite. Mais ce n’est pas parce que je suis rochelais, que je l’apprécie et que je lui vois un bel avenir qu’il ne méritait pas un coup de pied au cul, surtout qu’il y avait déjà une histoire auparavant. »

En octobre 2023, le troisième ligne avait été contrôlé positif à la cocaïne. Suspendu trois mois, le Rochelais avait vu sa sanction réduite à un mois, mais avait dû patienter avant de reporter le maillot jaune et noir, le Stade Rochelais lui ayant infligé une sanction supplémentaire. Pour les Bleus, on n’est plus à une faute de comportement près.