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Vendée Globe 2024 : « On peut descendre à 60 jours »… Après une édition record, jusqu’où peut-on aller ?

Comment voulez-vous donner du crédit à Jules Verne et son Tour du monde en 80 jours, quand pléthore de bateaux finissent par faire le tour du globe, par les mers, en moins de 70 jours. Ce mercredi, Charlie Dalin, sur son Imoca Macif Santé Prévoyance, a bouclé la dixième édition du Vendée Globe en 64 jours, 19 heures, 22 minutes et 49 secondes. Soit dix jours de mieux que le précédent record, établi par Armel Le Cléac’h, lors du Vendée Globe 2016.

« Je n’ai pas de regrets de voir ce record être battu, explique le marin, bon joueur, à 20 Minutes. Avec des bateaux qui sont beaucoup plus performants que ceux qu’on avait il y a huit ans, la préparation qui a progressé en général dans les équipes, et puis la météo, il y avait de très grandes chances que le record soit battu. C’est dans la logique des choses. » Alors qu’il y a vingt ans, Vincent Riou mettait plus de 87 jours pour boucler la boucle, jusqu’où pourront aller les Imoca dans les prochaines éditions ?

Une descente de l’Atlantique nord assez lente

« Je pense qu’on peut atteindre la barre des 60 jours, indique Hubert Lemonnier, le directeur de course. Peut-être même en un peu en dessous. Mais il faudrait que toutes les planètes s’alignent et que les conditions soient optimales partout. » Lors de cette édition, les skippeurs ont galéré de nombreuses heures au départ des Sables-d’Olonne, avec une pétole du tonnerre, où notre petit canot gonflable à rames n’aurait pas avancé plus lentement.

Même chose dans la descente de l’Atlantique Nord, au large des Canaries et du Cap-Vert, avec des vitesses maximales atteignant parfois 1 nœud de moyenne sur plusieurs heures. A tel point qu’en franchissant l’équateur une première fois, les premiers de la course avaient environ deux jours de retard sur le temps établi par Armel Le Cléac’h en 2016. Mais tout a basculé dans l’Atlantique Sud et le passage du Cap de Bonne Espérance, où les leaders ont bastonné, établissant, les uns et les autres, des records de milles parcourus en vingt-quatre heures.

« Les conditions pour les premiers ont souvent été très favorables, relève Hubert Lemonnier. Il n’y a pas eu vraiment de système météo qui les a bloqués. Ou alors le seul système qui les a bloqués, ils l’ont utilisé pour partir avec, à part Yoann, qui a fait le tour de cette dépression aux Kerguelen, mais qui s’en est très bien sorti, parce que derrière, il a très bien navigué, très rapide. Donc faire aussi bien, voire mieux, sera compliqué. »

« Un sommet redoutable »

Humainement parlant, les performances physiques, mentales et techniques des skippeurs n’ont jamais été aussi élevées que lors de cette édition du Vendée Globe. Certaines siestes ont ainsi été sacrifiées sur l’autel de la performance pour éviter de voir le petit copain s’envoler trop rapidement. « Le niveau de jeu a atteint cette année un sommet redoutable, estime Thomas Gavériaux, directeur de TR Racing, à la tête des bateaux de Thomas Ruyant et Sam Goodchild, dans un communiqué. En tactique, en stratégie, et en capacité à aller toujours vite, quelles que soient les allures, ça a été d’une rare intensité. On s’est ainsi souvent approché d’une intensité qui évoque la Solitaire du Figaro, avec des marins âpres aux moindres gains, en marquage permanent, à l’affût du moindre coup à jouer, aussi insignifiant soit-il. »

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Alors, pour atteindre la barre des 60 jours, si les performances humaines risquent d’être compliquées à améliorer, il faudra se tourner vers celles du matériel. Et même si on ne devrait pas avoir d’avancées technologiques majeures comme les foils pour l’édition 2028, les équipes pourront surfer sur ce qu’il s’est passé lors de cette édition pour encore améliorer les Imocas, comme l’indique Armel Le Cléac’h :

« Aujourd’hui, les bateaux sont équipés de beaucoup de capteurs. Les datas sont enregistrées pendant toute la course, et il va y avoir derrière un gros travail de décorticage de tous ces chiffres pour analyser et comprendre et justement aller chercher encore un peu plus loin les petits détails, les petites évolutions qui peuvent faire encore gagner du temps. »

Gain de fiabilité sur les bateaux

Tous ces capteurs permettent aussi de travailler et augmenter la fiabilité des bateaux. Sur l’édition 2024, seuls cinq abandons ont été à déplorer. « Avant, c’était que quand ça cassait qu’on se rendait compte qu’il y avait un problème, ajoute Le Cléac’h. Aujourd’hui, avec les capteurs qu’on a sur la coque, sur les mâts, sur pas mal de pièces qui sont structurelles, on peut voir un peu les efforts qui sont conduits dans les différents éléments un peu structurants et éviter d’aller trop loin avant que ça casse. »

Mais le Vendée Globe reste une course longue, et les équipes auront beau chercher à améliorer tout ce qui peut l’être, on n’est jamais à l’abri d’une météo qui fait des siennes ou d’un banc de baleine qui fait un flashmob au large de l’Afrique du Sud. « Je pense que ce serait une erreur de résumer le Vendée Globe à une course normale, explique Hubert Lemonnier. Ce n’est pas la Coupe d’América où on vient se battre à coups d’avocats sur les règles de course, où on vient avec les meilleurs experts dans le domaine sur des régates à la journée qui durent quelques heures. Ça reste quand même un événement très long, dans des coins isolés, qui repousse dans des retranchements extrêmes tout l’organisme. »

A tel point qu’aller encore plus vite pourrait avoir un impact sur la santé des skippeurs. « Les médecins qui nous suivent sont vigilants sur toute la partie traumatisme qu’on peut avoir, avec tous les chocs subis par le bateau, assure Armel Le Cléac’h. Si on va plus vite, il faudra que ces pilotes de course, finalement, soient aussi en sécurité au niveau physique et donc avec une préparation adaptée, mais aussi à bord, avec des tenues adaptées. »

Le vainqueur du Vendée Globe 2016 n’envisage en tout cas pas de revenir sur Imoca pour tenter de reprendre son dû en 2028. Armel Le Cléac’h voit les choses en beaucoup plus grand, sur multicoques, pour espérer battre le record du tour du monde en solitaire établi par François Gabart en seulement 42 jours en 2017. Jules Verne se retourne encore une fois dans sa tombe.