Sport

Une espoir du 400m privée de sélection en équipe de France à cause de son voile

Son nom ne figure nulle part sur la liste des athlètes U18-U20 qui représenteront la France lors d’un match à venir contre l’Italie et le Portugal à Metz, le 1er mars. Pourtant, Kawtar Merzaq était sélectionnable en sa qualité de championne de France cadette du 400m, titre obtenu dimanche dernier à Liévin. La qualification, peut-on lire dans une note de son club de l’OC Gif largement partagée sur les réseaux, lui a été refusée au motif que la jeune athlète française porte le voile.

« Avant ou après le podium du 400m, [des représentants de la Fédération française d’athlétisme] sont venus la voir pour lui dire qu’avec son résultat, elle était sélectionnée en équipe de France, nous raconte le président de l’OC Gif, Bruno Vetticoz. Cinq minutes plus tard, ils sont revenus vers elle en lui disant qu’elle serait sélectionnée à condition de ne pas courir avec son voile. En gros, soit tu cours non voilée, soit tu mets une casquette pour cacher ton voile. Et si tu n’acceptes pas ça, tu n’es pas sélectionnable. » Proposition refusée par l’adolescente.

« La sélection pour le Match FRA-ITA-POR U18-U20 en salle a été proposée à tous les athlètes éligibles, dont Madame Kawtar Merzaq, confirme la FFA à 20 Minutes. Certains athlètes ont décliné cette sélection, chacun pour des motifs qui leur étaient propres. Madame Merzaq a préféré ne pas donner suite à sa sélection au regard du principe de neutralité auquel les athlètes de l’Equipe de France sont légalement soumis. » »

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L’interdiction du port du voile inspiré de la charte olympique… qui l’autorise

Le principe de neutralité évoqué ne relève pas directement de la fédération elle-même : celle-ci autorise le port du voile à ses athlètes, comme en atteste la participation de Merzaq aux championnats de France Elite en salle ce week-end, à Miramas. Mais comme expliqué sur le site du ministère des Sports de la Jeunesse et de la Vie associative, « les athlètes sélectionnés en équipes de France doivent respecter, dans leur activité sportive, le principe de neutralité religieuse ».

Cette exception laïque française invoque de manière un peu malhonnête l’article 50.2 de la Charte olympique (« aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique »), alors même que celui-ci n’encadre à aucun moment l’interdiction du voile.

La boxeuse australienne Tina Rahimi était ainsi montée sans problème sur le ring avec son voile lors des JO de Paris 2024, là où l’athlète française Sounkamba Sylla n’avait pu participer à la cérémonie d’ouverture qu’après un compromis, troquant son foulard pour une casquette. Un traitement qui avait suscité l’incompréhension. « La laïcité à la française que nous chérissons d’une manière générale ici en France n’est pas forcément comprise à l’international », euphémisait à ce titre le président du CNOSF, David Lappartient.

Pas de problème pour Tina Rahimi aux JO de Paris 2024. L'Ausralienne a pu se présenter sur le ring en portant son voile
Pas de problème pour Tina Rahimi aux JO de Paris 2024. L’Ausralienne a pu se présenter sur le ring en portant son voile - Getty Images via AFP

« Si la loi passe, elle n’a plus de carrière sportive »

Et ce fossé pourrait se creuser un peu plus encore alors que le Sénat vient d’adopter une proposition de loi pour interdire le port de signes religieux dans les compétitions sportives, y compris au niveau amateur, avec l’ambition d’une harmonisation du règlement au sein de toutes les disciplines. « Si la loi passe, c’est la deuxième couche pour nous, s’inquiète Bruno Vetticoz. Si la loi passe, Kawra n’a plus de carrière sportive vu qu’elle n’a plus accès aux compétitions, y compris les compétitions sur le sol national, et quel que soit le niveau. Son envie est de courir pour la France, mais elle a la double-nationalité marocaine. »

A 16 ans, Kawtar Merzaq a réalisé le 9e chrono français de l’Histoire sur 400m dans sa catégorie en signant un chrono de 56 »22 dimanche dernier. Il y a encore du chemin pour en faire une future crack mondiale, mais l’intolérance d’Etat pourrait bien priver à terme un athlétisme français bien mal en point d’un de ses meilleurs talents à venir.