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Tennis de table : « C’est tout pour eux, et c’est normal »… La vie des pongistes français derrière les frangins Lebrun

C’est marrant, les pongistes français ont un peu l’impression de pratiquer un autre sport depuis quelques mois. Comme si ce truc de ringos, qu’on n’avouait faire que sous la torture, à voix basse et en regardant ses pieds, était devenu la hype ultime. « Quand on rencontre des gens et qu’on nous demande quel sport on fait, ce ne sont plus les mêmes réactions, se marre Camille Lutz, la championne de France en titre. Tout le monde nous dit « ah trop bien, comme les frères Lebrun ». C’est cool. »

La vie des autres

Félix et Alexis, respectivement 6e et 9e du classement mondial, ont porté le tennis de table à un niveau de notoriété jamais atteint en France avec les JO de Paris, qui ont achevé leur explosion médiatique. Les deux frangins font désormais partie des sportifs les plus populaires du pays, que l’on est à peine surpris de voir sur scène lors du dernier concert des Enfoirés. Et derrière eux alors, comment ça se passe ? Les championnats de France de la discipline, qui se tiennent de vendredi à dimanche à Levallois-Perret, sont l’occasion d’aller prendre la température auprès des « autres », ces joueurs qui font partie du gratin tricolore mais inéluctablement derrière l’intouchable duo, auquel on peut ajouter – dans une moindre mesure – Simon Gauzy.

« Ça n’a pas bouleversé mon quotidien, c’est vraiment tout pour eux pour l’instant, et c’est normal. Je pense qu’on en bénéficiera plus dans un second temps », répond Alexandre Robinot. Le numéro 4 français, qualifié pour les 8e de finale ce samedi, résume ainsi l’avis général. Pour le moment, les retombées se font bien plus ressentir en termes d’image qu’au niveau économique. Logique, on ne bouleverse pas un écosystème aussi feutré en un claquement de doigts.

« Est-ce que ça change quelque chose pour moi, non. Mais ça apporte de manière plus générale de la visibilité, et de la crédibilité aussi, parce que beaucoup de gens ont regardé les Jeux, et ils ont vu que c’était un sport sympa, sans doute plus physique qu’ils l’imaginaient », poursuit Vincent Picard, numéro 12 au classement national. Les conversations dans les taxis sont plus agréables, le regard des gens davantage bienveillant. Ça ne remplit pas encore le frigo, mais c’est toujours ça de pris et ça aide à passer les moments plus difficiles.

Surtout, cela cultive l’optimisme. « Les sponsors sont sûrement plus attentifs maintenant, si on joue bien ça peut éventuellement venir plus vite, estime Romain Ruiz, 16e joueur français. Leur réussite, c’est génial, c’est forcément un plus pour nous. C’est encore un peu tôt, je pense qu’on entrera réellement dans une autre dimension s’ils confirment à Los Angeles. »

« Zéro jalousie »

C’est à la base que cela frétille le plus pour le moment, avec un nombre de licenciés qui a explosé en 2024 (+19 %, barre des 200.000 pratiquants passée) et une Fédération qui se porte bien. Ces dernières années, grâce à l’arrivée de marques comme Victas et Décathlon, la part du sponsoring dans le budget de la FFTT, qui se monte désormais à 9 millions d’euros, est passée de 3 à 15 %, comme l’indique L’Equipe. De l’argent qui sera pour partie réinvesti dans les clubs. « Les partenaires prennent sûrement le ping un peu plus au sérieux, donc oui pour nous au final ça pourrait rejaillir sur les contrats », imagine Vincent Picard, qui évolue à Thorigné (Ille-et-Vilaine).

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En attendant, chacun profite du moment, et se régale de jouer ces championnats de France dans une salle pleine et survoltée, après déjà l’énorme succès de l’édition précédente à Montpellier. Même si le public est là en grande majorité pour voir qui-vous-savez, vous ne trouverez personne pour laisser poindre le début du commencement d’une once de jalousie. « Leur popularité ne peut apporter que des bonnes choses pour nous. On peut espérer vivre un véritable essor. Ça a commencé, mais il reste beaucoup à faire », considère Bastien Rembert, membre du top 15 tricolore.

« Zéro jalousie. Ils sont tellement au-dessus qu’ils se protègent de toute cette problématique-là, et c’est tant mieux, estime de son côté Alexandre Robinot. Franchement, on est tous super contents. Ça met de la lumière sur notre sport. Je ne dirais pas qu’il était en train de se mourir, mais il n’y avait pas eu d’évolution depuis un bon moment. Il avait vraiment besoin de joueurs comme ça qui arrivent et qui cassent tout. » Ce qui n’empêche pas d’avoir une furieuse envie de les taper, histoire de montrer que le ping français ne s’arrête pas tout à fait à ces deux petits génies.