Sport

Ski alpin : Le grand saut pour Alexis Pinturault, de retour sans filet après la pire blessure de sa carrière

C’est l’heure de se jeter à l’eau pour Alexis Pinturault. En 15 ans de carrière, le skieur français, vainqueur du classement général de la Coupe du monde en 2021, en a connu des choses sur le circuit. Mais un retour après une si longue absence pour blessure, voilà une grande première. Et ça ne le laisse pas indifférent, forcément. « Il y a pas mal d’appréhension », avouait-il mercredi lors d’un point presse avec plusieurs médias français avant le début des épreuves de vitesse à Beaver Creek (Etats-Unis).

Le Savoyard, 34 succès en Coupe du monde, n’a plus goûté à la compétition depuis janvier dernier, et sa lourde chute lors du Super-G de Wengen. Déséquilibré sur un saut, il était reparti en hélicoptère et avec un ligament croisé en compote. Un vilain souvenir pas si facile à évacuer, tous les grands blessés du ski en conviendront. Vous avez beau faire toutes les descentes que vous voulez à l’entraînement, « la course reste la course, avec des pistes plus exigeantes et rapides », concède Pinturault.

Moins de références en vitesse

Le retour est d’autant plus délicat que le Français était en pleine transition au moment de son coup d’arrêt. Après l’or en combiné et le bronze en Super-G remportés lors des Mondiaux disputés chez lui, à Courchevel, en 2023, il avait décidé de lâcher le slalom pour se mettre à la descente. Un grand écart audacieux, mais indispensable, à 33 ans, pour le motiver jusqu’aux Jeux olympiques d’hiver de Milan-Cortina en 2026. Deux jours avant sa blessure, il avait terminé 9e de la descente de Wengen, le meilleur résultat de sa carrière dans cette discipline.

Tout est à refaire, et ce n’est pas une mince affaire. « En vitesse, on ne se casse pas le genou comme en slalom, où c’est plutôt sur des appuis. Là, c’est plus violent, il y a l’impact de la chute, explique David Chastan, le directeur de l’alpin français. En plus des conséquences physiques, il faut aussi gérer l’aspect psychologique. »

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Le genou va bien, ça c’est une certitude. Le reste, l’intéressé va le découvrir petit à petit. « Ce n’est pas simple d’avoir confiance en son genou, en lui-même, surtout en vitesse, où il ne peut pas s’appuyer sur une grosse expérience », reprend le patron tricolore. Lors du premier entraînement officiel de la descente de Beaver Creek, mardi, Pinturault a pris la 44e place. « J’ai eu beaucoup d’appréhension, j’ai vécu diverses émotions. Il y avait aussi de la peur, c’était la première fois que j’étais à nouveau confronté à des vitesses supérieures à 120 km/h, avec de nouveaux mouvements de terrain. Ce n’est pas la piste la plus simple pour un retour », a-t-il observé à l’arrivée.

On attend le déclic ou on le force ?

Le triple médaillé olympique (bronze à Sotchi, argent et bronze à Pyeongchang) n’est pas encore sûr à 100 % d’être dans le portillon de départ de la descente, ce vendredi. Ce week-end de Coupe du monde lui offre deux autres possibilités de s’aligner, avec un super-G samedi puis un géant dimanche. Seule cette dernière course est officiellement à son programme pour le moment.

On comprend que le Français veuille lever toute appréhension avant se lancer. Mais dans un cas comme le sien, vaut-il mieux attendre de se sentir vraiment prêt à 100 % ou forcer un peu les choses pour provoquer le déclic ? « C’est toujours plus simple d’en parler quand on n’est pas en haut de la piste, observe Chastan. Après, ça peut se décanter sur une situation qu’on n’imaginait pas, par exemple une petite faute qui l’amène à réagir instinctivement et qui va lui rendre confiance en lui, lui faire prendre conscience que c’est solide, qu’il a vraiment réussi à se remettre. Il n’y a pas de recette magique quand on revient. »

Alexis Pinturault lors du super-G de Wengen le 12 janvier dernier.
Alexis Pinturault lors du super-G de Wengen le 12 janvier dernier. - Shin Tanaka

Pour l’aider, Alexis Pinturault s’est adjoint les services d’un préparateur mental. Histoire de faire le tri dans ses émotions et de ne pas s’emballer, dans un sens comme dans l’autre. « Ce sera un hiver très différent des autres saisons, où je visais les podiums et les victoires, projette-t-il. Je ne suis pas à 100 %, je dois m’adapter, continuer à gérer mon genou, parce qu’il y a des jours où il a réagi plus que d’autres. Ça va être une saison de reconstruction, il n’est pas question de penser à être performant d’entrée. »

Pas de pression inutile, donc. Attention tout de même à ne pas trop tarder au niveau des résultats, sous peine de reculer dans la hiérarchie et de se retrouver dans des dossards trop élevés. Le retour n’en serait que plus compliqué.