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Roland-Garros 2025 : « Novak Djokovic est du côté du peuple serbe »… Djoko proche des manifestants, loin de l’Etat ?

De notre envoyé spécial à Roland-Garros,

La prochaine fois, Pavle Jovic préférera envoyer une lettre au Père Noël plutôt qu’au président de la République Aleksandar Vucic. À l’occasion d’un rassemblement des partisans du dirigeant serbe, en avril dernier, le gamin de 8 ans avait écrit une missive pour dire son amour de la Serbie, en citant notamment « le champion du monde » Novak Djokovic. Mais, en lisant la lettre à haute voix, Vusic a sciemment remplacé le nom du tennisman par celui du basketteur Nikola Jokic.

Non pas que Alexandar Vusic soit davantage branché balle orange mais, depuis la fin de l’année 2024, le champion aux 24 titres en Grand Chelem, qui dispute la demi-finale de Roland-Garros ce vendredi face à Jannik Sinner, est un peu devenu persona non grata au sommet de l’Etat. La faute à une prise de position en faveur de mouvements étudiants d’ampleur, qui protestent pour leur dignité, des institutions qui fonctionnent et contre la corruption après un accident dans la gare de la deuxième ville du pays Novi Sad, qui a fait 16 morts en novembre.

« Une grande défaite pour la société serbe »

« En tant que personne croyant en l’énergie des jeunes et en leur désir d’un meilleur avenir, je pense qu’il est important d’entendre leur voix, avait tweeté Novak Djokovic mi-décembre. Les jeunes instruits représentent la plus grande force de la Serbie. On a tous besoin de la compréhension mutuelle et du respect. Je suis avec vous. » L’ancien n°1 mondial ne s’est pas arrêté là et a continué à distiller, ça et là, des messages de soutiens aux protestants.

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Comme ce petit mot écrit sur la caméra après un match disputé à l’Open d’Australie, pour souhaiter un bon rétablissement à Sonja Ponjavić, gravement blessée après avoir été renversée lors d’un blocage de rue. « Mon soutien va aux jeunes, aux étudiants et à tous ceux qui possèdent l’avenir de notre pays, avait déclaré Djokovic à Melbourne. Je ne peux pas faire comme si rien ne se passait, ces choses m’affectent. Malheureusement, ce n’est pas la seule situation de violence contre les étudiants et les jeunes. C’est une grande défaite pour nous en tant que société, pour la société serbe en général ».

Le Djoker a continué, chez lui en Serbie, en se pointant lors du derby de Belgrade entre le Partizan et l’Etoile Rouge au basket avec un sweat floqué « Students are champions ». « La plupart d’entre nous ont été positivement choqués lorsqu’il a soutenu les manifestations, explique à 20 Minutes Nemanja Vukmanovic, un habitant de Novi Sad. Il a une portée mondiale énorme et les gens l’écoutent quand il a quelque chose à dire, que ce soit dans des interviews ou sur les médias sociaux. »

« Il est encore plus grand que ce qu’il n’était avant »

Le mouvement s’étant répandu dans les campagnes et dans les lieux les plus reculés de Serbie sans l’aide du Djoker, ce soutien lui a tout de même permis de « séduire » les rares qui n’étaient dans la Djokomania, à l’image des 3-4 % de pro-européens de gauche qui critiquent Djokovic pour ses positions nationalistes et antivax. « Il est encore plus grand que ce qu’il n’était avant », nous résume sobrement un journaliste serbe, pas très loquace, présent à Roland-Garros.

« Surtout, Djokovic a prouvé qu’il n’était pas un suiveur de Vucic, alors que la majorité de ses fans ont voté pour le parti au pouvoir [notamment lors des dernières élections législatives en 2024]. Il veut la justice et est avec le peuple serbe », ajoute Nemanja. Il l’a encore prouvé en mars, lorsqu’il a félicité les près de 300.000 manifestants descendus dans les rues de Belgrade le 15 mars dans une story Instagram. Ce qui lui a valu de nombreuses critiques, notamment des tabloïds pro-Vucic.

« Novak soutient la violence et la révolution », titre ainsi Informer. « Après avoir exprimé son soutien, les tabloïds ont attaqué Djokovic, reprend Nemanja Vukmanovic. Mais ils ont cessé de le faire après que Vucic leur a dit d’arrêter. Pour de nombreux Serbes, Djokovic est plus important que le président, et je suis presque sûr que Vucic en est conscient et qu’il ne voulait pas se le mettre à dos. »

Quel accueil en cas de victoire à Roland-Garros ?

Il n’empêche que la fracture semble vraiment consommée entre « Nole » et Aleksandar Vucic, qui avait quand même promis après la médaille d’or olympique de Djokovic à Paris l’été dernier qu’un musée en son honneur verrait le jour à Belgrade. « Aujourd’hui, la question à un million d’euros, c’est de savoir s’il sera reçu par le président s’il gagne Roland-Garros, nous assure notre confrère serbe. Est-ce qu’il sera même invité, est-ce que lui acceptera, personne n’en a la moindre idée actuellement. »