PSG – Liverpool : « Il est charmeur tant que ça va dans son sens »… Nasser Al-Khelaïfi, le tyran qu’on ignorait ?
Effet papillon. Du 16e de finale perdu contre le Paris Saint-Germain en Coupe de France (2-4), le président d’Espaly Christian Perbet a tiré un statut inattendu aux yeux de Nasser Al-Khelaïfi. « Il me voit désormais comme un porte-bonheur », sourit celui que l’on surnomme « le Qatari d’Espaly » pour avoir fait grimper le club de départementale 1 à N3. « NAK » s’était excusé de son absence au match de Coupe de France en invitant Perbet et son fils à assister à PSG-Manchester City, avec remontada parisienne à la clé (4-2).
Mauvaise nouvelle pour Paris, l’agenda chargé du porte-bonheur l’éloignera du 8e de finale aller de Ligue des champions contre Liverpool, ce mercredi. Pas faute d’avoir aimé sa première expérience au Parc des Princes, fin janvier. « J’étais placé cinq rangs derrière Nasser dans la tribune présidentielle, tout près de Victor Wembanyama, Teddy Riner et Didier Deschamps, c’était top, raconte-t-il. Juste après le match, on m’a invité à descendre rencontrer les joueurs, et le président est venu échanger plusieurs minutes avec moi. Tout ça n’est pas feint, on voit que Nasser aime les gens, qu’il a de l’attention pour eux, de l’empathie. Je ne le retrouve pas dans ce qui s’écrit sur lui, c’est de la jalousie. »
« Nasser est charmeur et courtois quand les choses vont dans son sens »
Ce qui s’écrit – et s’est entendu, aussi – c’est le fruit de la réunion houleuse entre présidents de Ligue 1 au sujet des négociations pour l’attribution des droits TV sur la période 2024-2029, révélé par L’Equipe et Complément d’Enquête. Une séquence où Al-Khelaïfi répond à l’opposition de Joseph Oughourlian (RC Lens) et John Textor (OL) par un mépris revendiqué, à l’opposé de l’image du président courtois affichée en public.
« Ce qu’ils se mettent dans la tronche, je n’en revenais pas, admet Didier Roques, président de l’US Revel, autre adversaire amateur des Parisiens en Coupe. J’ai été surpris du ton de Nasser dans la vidéo. C’est là qu’on voit qu’il ne s’agit pas du tout des mêmes enjeux que notre match de Coupe, car il avait vraiment été très courtois avec nous. »

Docteur Nasser et Mister Al-Khelaïfi, deux faces d’une même pièce, la première va à ses alliés, qu’il invite à jouer au padel et dîner à Doha, la seconde est pour ses rivaux. « Il est charmeur tant que ça va dans son sens, nous dit un agent. Quand il a absolument besoin de quelque chose, il va d’abord être très sympathique, très malléable, mais si jamais ça ne se passe pas comme il veut… C’est blanc ou noir, il n’y a pas de gris. » Les lofteurs Kylian Mbappé et Hatem Ben Arfa sont bien placés pour en témoigner, et ils ne sont pas seuls. « Sur la question de la rénovation du Parc des Princes par exemple, c’était une exigence sans faille et sans fin. C’était très dur pour Jean-Claude Blanc (ancien DG et interlocuteur auprès de la Mairie de Paris), c’était usant, et ça a d’ailleurs été une des raisons de son départ ».
La méthode offre des résultats mitigés. La question du Parc est partie pour déboucher sur une impasse, et la réunion sur les droits TV, que NAK est accusé par ses pairs d’avoir « tyrannisé », a in fine conduit au choix de l’option DAZN et permis à beIN Sports de repartir avec un lot en échange de 80 millions d’euros et les 20 restants dans une opération de sponsoring complexe avec Qatar Tourism. Le tout avec la bénédiction de Vincent Labrune, reconnaissant envers des Qataris « au soutien du football français depuis qu’ils sont arrivés en France », alors qu’ils ne sont « obligés de rien ».
Bolloré, Sarkozy et Al-Thani sont dans un bateau…
Dès lors, la posture du « cow-boy » John Textor et des autres opposants auraient été perçue par Nasser Al-Khelaïfi comme une forme d’ingratitude eu égard aux sommes injectées par beIN, d’une part lors de la revente des droits TV après le fiasco Mediapro, de l’autre cet été alors que la Ligue 1 raclait les fonds de tiroir.
Pourtant, de l’avis d’un proche de plusieurs présidents de Ligue 1, NAK « a baladé tout le monde pendant l’été, y compris Vincent Labrune », en promettant que beIN formulerait une offre en temps voulu. « Au mois de juin, j’avais une réunion avec Laurent Nicollin, et il me disait »normalement, on est très tranquille, Nasser va avancer » ». Il était alors question de 650-700 millions d’euros pour la période 2024-29, mais le cavalier seul du boss parisien se terminera en eau de boudin, balayé par un coup de téléphone en haut lieu d’après un ancien président de L1 et soutien de NAK, contacté par 20 Minutes.
« Il se murmure que Vincent Bolloré a sollicité Nicolas Sarkozy [médiateur entre Canal + et beIN dans le cadre de la distribution de la chaîne qatarie] pour qu’il convainque l’émir Al-Thani de ne rien mettre sur les droits TV ou du moins de ne pas formuler d’offre importante. Un jeu pas très sympa pour le football français. Nasser s’est retrouvé sans solution et sans porte de sortie. Aujourd’hui, tous les présidents de L1 sont au courant, mais il y a beaucoup de nervosité dans ces réunions car la situation est catastrophique pour certains clubs. »

Rummenigge, nouvel allié
Les révélations sur les tractations orageuses à propos de l’acquisition des droits TV de la Ligue 1 sont une des nombreuses gouttes d’eau qui menacent de faire déborder le vase, au même titre que sa mise en examen dans l’affaire Lagardère. Le Qatar ne se désengagera pas du PSG mais, las d’accumuler les casseroles, réduit la voilure en France, avec l’idée de privilégier des « environnements plus accueillants » pour ses futurs investissements.
Nasser Al-Khelaïfi peut en effet se targuer de jouir d’une belle cote à l’international. En Allemagne, il bénéficie désormais de l’appui de son nouvel allié, le Bayern Munich, à travers le président de son conseil de surveillance, Karl-Heinz Rummenigge. « Je le connais très bien, je suis ami avec lui, déclarait le double-Ballon d’Or au mois de décembre dans la presse nationale. C’est une personne fiable. Mais parce qu’il est Qatari et que la Coupe du monde 2022 a eu lieu au Qatar, il a apparemment été choisi comme ennemi par les groupes ultras [du Bayern]. Ce n’est pas bien. »
Le président du PSG s’en est montré reconnaissant dans une interview à Bild. « Je l’ai appelé après sa déclaration, qui m’a profondément touché. Bien sûr, ce n’est pas agréable d’être la cible de telles attaques de la part des ultras alors que j’essaie toujours d’agir de bonne foi. Je me suis opposé à la Super Ligue avec le Bayern, sans laquelle la Bundesliga et la Ligue 1 se seraient effondrées. »
A L’ECA, le travail de NAK est salué
Le costume de sauveur plaît à Nasser Al-Khelaïfi et par bonheur, il a trouvé où l’endosser sur le trône de l’ECA laissé vacant par Andrea Agnelli, frondeur en chef. Membre indépendant du board, Michael Verschueren se souvient de sa première réunion avec NAK, « un dîner à Doha, juste après son élection à la présidence », et ne tarit pas d’éloges envers le Qatari, dépeint en dirigeant moderne et garant de l’équité au sein de l’organe. « Il essaie de toujours faire du bien aux grands pays et de penser à la solidarité avec les petits pays. Son club n’est pas la chose la plus importante au sein de la famille ECA. Il joue le rôle de leader. Mais à côté de cela, tout le monde est égal. Et cela se traduit dans la gouvernance de l’ECA, car les petits clubs ont leur mot à dire, tout comme les grands. »
« Sous sa direction, nous sommes passés de 200 à 700 clubs et le conseil d’administration et les autres organes de décision sont plus inclusifs que jamais, applaudit également Aki Riihilahti, président du HJK Helsinki au board de l’ECA depuis 2015. Pour être honnête, je ne m’attendais pas à ce qu’il se préoccupe autant des petits clubs, qu’il travaille et qu’il les aide. Je pense qu’il a un bon équilibre et une approche juste. Personnellement, je n’ai eu qu’une très mauvaise expérience avec Nasser : quand il m’a battu au padel. Et je n’aime pas perdre. » Nul doute que Vincent Labrune aurait troqué l’échec des droits TV contre un 6-0, 6-0 à Doha. Certaines défaites coûtent plus cher que d’autres.